L’arbre aux papillons d’or (Thien An Pham, Quinzaine des Réalisateurs) – .

L’arbre aux papillons d’or (Thien An Pham, Quinzaine des Réalisateurs) – .
L’arbre aux papillons d’or (Thien An Pham, Quinzaine des Réalisateurs) – .
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Une scène, en apparence anodine, synthétise la dynamique au cœur de la superbe L’arbre aux papillons d’or. Thien, un jeune homme de Saïgon de retour dans sa campagne natale pour les funérailles de sa belle-sœur, descend dans le sous-sol d’un immeuble abandonné. Comme à de nombreuses reprises dans l’histoire, le personnage explore une sorte de tombeau faisant référence au “cocon” que désigne le titre international du film, À l’intérieur de la coquille de cocon jaune. Mais une connexion exclut la perspective d’un repli sur soi pour panser les blessures d’un chagrin à surmonter : le plan suivant, très long, montre une ouverture dans le mur par laquelle la lumière dorée de l’extérieur pénètre dans la pièce. Le large chemin tracé par le film de Thien An Pham (3h02) consiste à progresser le long de cette zone interstitielle, où l’extérieur communique avec l’intérieur, étant à la fois Dans Et sauf le cocon – puisque vous pouvez y rester (à l’intérieur) et en même temps connaître la couleur de la coque (jaune).

Après la mort de sa belle-sœur dans un accident de scooter, Thien (le personnage porte le même prénom que le cinéaste) est chargé de veiller sur Dao, son neveu de cinq ans. En suivant le jeune homme depuis les rues bondées de Saigon jusqu’à la lointaine province où résident ses proches (à l’exception de son frère aîné et père de Dao, porté disparu depuis plusieurs années), Thien An Pham signe un premier long métrage grandiose précision, dans laquelle sa caméra navigue avec sensualité entre portails, seuils et escaliers. Outre les mouvements de caméra sophistiqués utilisés par le cinéaste vietnamien, c’est dans le détail des scènes elles-mêmes que se noue un double rapport au monde. L’annonce du drame au début de l’histoire (qui met du temps à parvenir à Thien) se présente comme une faille perçante, de l’extérieur, une réalité d’abord feutrée et isolée. Lors d’une superbe scène de massage, l’huile pénètre le corps de Thien par les pores de sa peau, tandis que son téléphone continue de vibrer dans le même plan. La séquence est aussi érotique que tragique : c’est au moment où la masseuse passe sa main sous la serviette de Thien pour le masturber, qu’une employée du salon frappe à la porte pour dire au jeune homme de prendre ce coup de fil. une mauvaise nouvelle. Le monde extérieur continue ainsi d’envoyer, par divers moyens, des signaux au jeune Thien, habituellement enfermé dans sa chambre, les yeux rivés sur son logiciel de montage. C’est le cas de la scène d’ouverture, qui permet d’abord d’entendre hors champ l’accident de moto avant qu’un panoramique lent ne révèle, dans un second temps, l’étendue des dégâts. Idem pour la scène troublante où Thien monte un film de mariage sur son ordinateur : pendant qu’il vérifie les images, son voisin frappe à la porte pour lui demander de lui prêter une bouilloire. Juste après, c’est le neveu Dao, que Thien a recueilli, qui lui demande s’il peut garder la porte de l’appartement ouverte pendant la nuit, » au cas où maman reviendrait “.

Résonances

La suite du film creuse un sillon sublime qui consiste, pour Thien, à accueillir puis à répondre à ces signaux que lui envoie le monde extérieur. Dans un superbe plan séquence qui apparaît au milieu de l’intrigue, un coq chante dans l’obscurité alors que le soleil se lève. Le très long plan, qui montre en un seul plan le soleil irradiant les cultures avant qu’un travelling nous emmène ensuite dans la jungle, suggère un autre oiseau de basse-cour répondant au premier hors champ. La croyance, thème central de L’arbre aux papillons dorésest ici affaire de résonance, au sens concret comme philosophique : Dieu ne se tait pas (Thien a été élevé dans la religion catholique, et un ami d’enfance qu’il retrouve à son retour est entré dans les ordres sacrés), lui au contraire , multiplie les épiphanies en attendant que le jeune homme les saisisse.

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Dans le même plan que celui du chant des coqs, Thien confie à l’un de ses amis qu’il est hanté par un cri persistant, mais qui viendrait selon ses dires » à l’intérieur “. Ce conflit entre l’exogène et l’endogène illustre parfaitement la mise en scène de Thien An Pham. Le cinéaste utilise de très longs plans-séquences qui, par mouvement de caméra ou hors-cadrage, révèlent constamment des parties de l’espace qui étaient à première vue cachées (le personnage principal livre d’ailleurs quelques tours de magie à son neveu, en faisant surgir des objets de nulle part ). Dans le sillage de Tarkovsky et de ses héritiers contemporains (Hou Hsiao-Hsien, Weerasethakul, Bi Gan), la forme déforme l’espace-temps : chaque travelling ou panoramique ouvre l’espace, le perce, le raye, le rend relatif et élastique. En témoigne un plan-séquence gigantesque, qui évoque beaucoup celui de Kaili Blues et D’Un grand voyage dans la nuit, dans lequel la caméra, d’abord fixe, se met à suivre un scooter avant de s’élever lentement et de révéler, par un jeu de perspective, une immense région initialement masquée par une petite colline boueuse. C’est sa plus grande qualité : L’arbre aux papillons dorés est un film gruérien, presque lynchien par endroits, fait d’ouvertures et de passages secrets, empruntant notamment au cinéma d’animation son extrême plasticité et ses effets de glissement et de glissement. Dans un panorama circulaire au milieu d’une maison en ruine, l’ex-petite amie de Thien erre, par exemple, comme un fantôme autour du jeune homme ; sans comprendre, à l’échelle de cet unique avion, comment elle a pu se déplacer d’un endroit à un autre sans se téléporter par magie.

technique spirite

Regarder L’arbre aux papillons dorés donne souvent l’impression de suivre les personnages du point de vue des morts et des esprits qui les accompagnent. Le plan qui surgit juste après le titre du film nous place du côté du linceul de la belle-sœur décédée, à l’arrière du corbillard conduit par Thien. C’est sans doute la clé pour comprendre comment le formalisme de Thien An Pham (et sa virtuosité technique) ne s’épuise jamais : les plans-séquences aériens et interminables du film proposent à chaque fois une nouvelle façon de complexifier l’espace. , fait gigogne, pour représenter les différents nœuds dramatiques du personnage. Hanté par son histoire familiale (un neveu orphelin, un frère disparu, des amis d’enfance dont il s’est éloigné en partant pour Saigon), mais aussi l’histoire de son pays (il s’agit d’une partie négligée de la guerre du Vietnam : celle du sud combattants qui ont affronté les forces communistes révolutionnaires), Thien doit sonder la complexité du passé, jusqu’à trouver son chemin dans les circonvolutions d’une réalité qu’il ne peut ni simplifier ni appréhender dans son intégralité. D’où l’importance du hors-champ dans l’économie de chaque séquence, quelque chose de décisif se cachant systématiquement en périphérie du cadre initial (un oiseau surgissant pour se poser sur un rebord de fenêtre, une grand-mère, cachée au fond d’un boui-boui isolé dans la jungle, professe quelques paroles au jeune homme, etc.). Cette mise en scène, relativement ouverte aux accidents, est notamment marquée par certains événements météorologiques (pluies, brises, rafales, etc.), qui orientent Thien dans sa langoureuse errance spirituelle.

Le film apparaît fascinant à cet égard : au-delà des animaux qui traversent certaines scènes à la perfection (un chien sur un chemin de terre, des canetons dans une ferme, des buffles qui regardent soudain la caméra pendant un rêve fiévreux), une scène d’évasion au lever du jour voit la pluie, pourtant très abondante, s’arrêter juste au moment où un panorama circulaire s’interrompt derrière Thien pour dévoiler « l’arbre aux papillons d’or ». En trichant à moitié (la pluie s’ajoute, mais son arrêt à ce moment n’était pas prévu lors du tournage), Thien An Pham parvient à « mettre en scène la nature », à la contrôler et à la façonner à sa guise. en magnifiant ses pouvoirs imprévisibles. A la manière d’un film à mi-chemin entre la pure maîtrise technique et la sublimation des mystères du monde (le dispositif imposant est justement un moyen, quoique spectaculaire, de dépeindre un au-delà presque divin), Thien rend les armes à la fin de l’histoire après être entré dans recherche de son frère disparu. Une fois son scooter garé au bord d’un ruisseau, il se déshabille, s’allonge dans l’eau et n’entend plus que le battement presque sourd des bruits de la nature. Il fallait peut-être que Thien s’ouvre au monde pour que le monde s’ouvre à lui en retour et l’accueille en son sein, dans le lit d’un sublime fleuve vietnamien.

 
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