Bien qu’il soit trop tôt pour obtenir des chiffres consolidés pour l’ensemble de 2022, la plupart des organisations qui collectent des fonds pour des œuvres caritatives sont heureuses que leurs donateurs ne les aient pas abandonnés, à l’exception peut-être des plus modestes d’entre eux. “Avec l’inflation, on a eu une défection des petits donateurs, ceux qui donnaient 20 ou 50 euros par an”, résume Samantha Millar-Hoppe, responsable de la générosité du grand public au Secours catholique. Mais à l’inverse, d’autres donateurs plus aisés “ont été plus généreux que d’habitude”, poursuit-elle : “Certains nous ont dit ‘Je fais un plus gros chèque cette année parce que je sais que pour vous, c’est plus compliqué que jamais.
Les statistiques de 2022 doivent, en tout état de cause, être analysées avec prudence, en raison de la crise ukrainienne, qui a généré un élan de générosité exceptionnel, mais pas forcément renouvelable. Ainsi, au premier semestre 2022, les dons ont augmenté de 10,7% par rapport à la même période de l’année précédente, a calculé France Générosités, le syndicat professionnel, qui regroupe 136 associations et fondations.
La particularité ukrainienne
Mais sans les montants spécifiquement destinés à l’Ukraine, la hausse n’aurait atteint que 1,6 %, soit “l’une des plus faibles hausses observées par rapport aux autres années”, s’inquiète Nadège Rodrigues, directrice des études et de la communication. Autrement dit, en écartant la particularité ukrainienne, « la hausse des dons ne compense pas l’inflation », ce qui peut être inquiétant pour 2023, résume-t-elle.
“Sans l’Ukraine, nous aurions eu une baisse de 10 à 12%”, a déclaré Samuel Coppens, porte-parole de l’Armée du Salut, qui anticipe une baisse des dons de 5% en 2023. “Certains donateurs nous ont dit “Cette année, je Je ne peux pas t’aider, car je dois d’abord aider mes petits-enfants », dit-il. Pour autant, “la France reste généreuse”, grâce à “une caisse de donateurs qui ont un vrai sens du bien commun, qui continuent à faire cet effort”, poursuit-il.
---Et heureusement, car « la société est très clairement mal en point », et les besoins augmentent pour venir en aide aux plus démunis : « Dans nos distributions alimentaires, on voit de plus en plus de nouveaux bénéficiaires, notamment des étudiants ou des retraités qui reçoivent tout un petit pensionnat. . « Là où on servait 400 repas il y a deux ou trois ans, maintenant c’est 600 », ajoute ce responsable. Pour Jacques Malet, président du réseau d’experts et d’universitaires “Recherche et Solidarité”, les associations peuvent compter sur la “grande fidélité” de leurs plus généreux donateurs.
“Anxieux pour l’avenir”
Quelque 80% des sommes apportées sont apportées par environ 20% des donateurs, souvent très intéressés, et sur le long terme, par les projets menés avec leur argent, “un peu comme des investisseurs”, selon lui. Nombre de ces fidèles soutiens règlent également leur don par prélèvement mensuel, un mode de paiement “moins lié aux aléas de la crise”, observe Sophie Rieunier, professeur de sciences de gestion à Marne-la-Vallée et spécialiste de la collecte de fonds . De plus, de nombreux donateurs restent “financièrement à l’aise” : “L’inflation les touche aussi, mais pour eux, le don n’est pas une variable d’ajustement”, ajoute-t-elle.
Pourtant, les associations sont « inquiètes pour l’avenir » et sont sans cesse à la recherche de nouvelles méthodes pour attirer des donateurs ou augmenter leur collecte, note ce spécialiste. Ainsi, en décembre, les bénévoles du Secours populaire qui emballaient des cadeaux de Noël en échange d’un petit don se sont équipés de terminaux de cartes bancaires, raconte Thierry Robert, le secrétaire national de l’association. C’était bien pour eux : les gens ayant de moins en moins de cash sur eux, « la générosité passe du cash à l’argent dématérialisé ». Et au final, au lieu de quelques pièces, les utilisateurs de cartes bancaires « donneront facilement jusqu’à cinq euros », se réjouit le patron du Secours populaire.