Sur TikTok, des centaines de vidéos ont incité les jeunes à se mobiliser contre le projet pétrolier Willow en Alaska ces dernières semaines. Alors que certains ont généré des milliers de vues, soutenu des pétitions et envoyé des lettres massives à la Maison Blanche, cela n’a pas suffi à faire plier le président américain Joe Biden, qui a finalement approuvé le projet. Pourtant, la contestation est loin de s’éteindre sur la plateforme sociale, devenue un véritable outil de mobilisation pour les militants du climat.
La jeune militante Elise Joshi utilise TikTok pour sensibiliser aux impacts du changement climatique.
La mobilisation n’aura pas suffi. Le gouvernement américain a approuvé lundi 13 mars un important projet pétrolier dans le nord-ouest de l’Alaska, dans une zone appartenant à l’État américain. Porté par le géant américain ConocoPhillips, le projet Willow a d’abord été approuvé par l’administration Trumps, puis provisoirement stoppé en 2021 par un juge qui l’a renvoyé pour un nouvel examen gouvernemental. Alors que le président Joe Biden était arrivé au pouvoir en promettant de ne pas autoriser de nouveaux forages pétroliers et gaziers sur les terres fédérales, il a finalement donné son feu vert à une “alternative” du projet, qui propose toujours trois sites de forage au lieu des cinq initialement prévus.
La décision a provoqué la colère des militants écologistes aux États-Unis. Ils avaient lancé une vaste campagne pour alerter sur les conséquences néfastes du projet sur le climat. Si la bataille autour du projet Willow dure depuis des années, la contestation a pris un nouveau tournant ces dernières semaines alors que de jeunes militants se sont emparés du sujet sur les réseaux sociaux, notamment TikTok. Entre février et mars, des dizaines de vidéos ont été postées sur la plateforme appelant les internautes à prendre position contre le projet, autour du hashtag #stopwillow. Ce dernier cumule à ce jour 289 millions de vues et plus de 27 millions de « likes », selon Visibrain, une plateforme de veille des réseaux sociaux.
“C’est tout Internet qui se dispute contre Willow”
Tout en s’appropriant les codes de TikTok, les opposants s’emploient depuis fin février à mettre en lumière les impacts du projet pétrolier, réfutant au passage les arguments de ses défenseurs qui y voient une Source d’emplois et une contribution à l’économie. Indépendance énergétique des États-Unis. Le site permettra en effet la production de 576 millions de barils de pétrole sur environ 30 ans, soit une émission indirecte totale de l’équivalent de 239 millions de tonnes de CO2. Cela représente l’équivalent des émissions de 64 centrales électriques au charbon pendant un an, selon un outil de calcul de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA).
---“C’est tout Internet qui se dispute contre Willow, la base électorale [du président Joe Biden] qui lui a fait confiance pour agir sur le climat », raconte à CNN Elise Joshi, une militante à l’origine de la première vidéo abordant le projet Willow sur TikTok. Habitué à prendre la parole sur le changement climatique, les mouvements sociaux ou la politique américaine, le créateur de contenu fait partie de « Gen Z for change », un collectif qui rassemble de jeunes militants particulièrement actifs sur les réseaux sociaux. Depuis sa publication le 3 février dernier, le clip a généré plus de 336 000 vues et 5 000 commentaires, plaçant le sujet au top des tendances sur la plateforme sociale. “C’est la vidéo la plus regardée depuis des mois”rapporte Elise Joshi qui avoue que “le climat n’est pas souvent à la mode.”
La génération Z maintient la pression
Jointe par la suite par de nombreux internautes, la jeune femme a incité ses abonnés à envoyer des courriers à la Maison Blanche. Plus d’un million auraient été envoyés de cette manière. Parallèlement, plus du quart des vidéos référencées sous le hashtag #stopwillow ont contribué à relayer une pétition lancée par un jeune militant Iñuipat d’Alaska, recueillant à ce jour plus de quatre millions de signatures. Des chiffres qui témoignent de la viralité du sujet sur les réseaux sociaux, mais aussi de l’intérêt de la Génération Z pour la question climatique. « Il ne s’agit pas d’un mouvement environnemental, c’est beaucoup plus important que cela. C’est le public américain qui peut voter »assure au Washington Post Alex Haraus, activiste derrière des dizaines de vidéos TikTok sur le projet Willow.
Soucieux de donner des gages aux défenseurs de l’environnement, le gouvernement américain a annoncé qu’il travaillait sur des protections supplémentaires pour une grande partie de la réserve nationale de pétrole. Il a également annoncé vouloir interdire définitivement les forages sur une grande partie de l’océan Arctique, en bordure de cette réserve. Des mesures qui ne convainquent pas les opposants. Car c’est la déception de toute une génération ayant l’impression d’être ignorée qui ressort des derniers clips publiés sur les réseaux sociaux.
“Biden et la Convention nationale démocrate doivent comprendre que le vote des jeunes n’est pas acquis s’ils continuent à faire ce genre de choses”, martèle Alex Haraus dans sa dernière vidéo. Pour faire perdurer la mobilisation, de jeunes militants incitent désormais les internautes à noyer de commentaires les comptes sociaux du président. Une stratégie qui pourrait permettre de maintenir la pression alors que plusieurs associations ont annoncé qu’elles allaient porter plainte contre le gouvernement.
Florine Morestin avec AFP
