« Colonne vertébrale » du corps associatif, les bénévoles les plus investis sont toujours aussi motivés, mais moins nombreux qu’avant la crise sanitaire. Une évolution qui inquiète même si de nouveaux profils, plus jeunes, font leur apparition.
A 65 ans, Jocelyne Allard s’est toujours impliquée dans le milieu associatif. Après avoir enseigné la danse et la gym, cette habitante d’Argentan (Orne) s’est depuis sa retraite engagée auprès des demandeurs d’asile au sein de la Cimade et de l’association Les mots du bout du monde, qui dispense des cours de français. Cette amoureuse des lettres anime également des séances de jeux dans un club de Scrabble de sa ville.
Une « polarisation » de la vie communautaire
Ce portrait rapidement esquissé correspond à celui du bénévole type qui constitue la “colonne vertébrale des associations”, aujourd’hui pourtant “en danger”, note le réseau d’experts associatifs Recherche & Solidarité. Une étude de l’Ifop publiée le 2 mars pointe en effet la baisse continue de ceux qui “donnent du temps chaque semaine aux associations”. Ces derniers “représentaient 44% des volontaires en 2019 et 40% en 2023”.
Un énième effet secondaire de la pandémie ? Pas si sûr même, si le Covid semble avoir indéniablement accéléré la tendance. L’enquête montre “un net désengagement des seniors” déjà perceptible avant la crise sanitaire. Près de 40 % des 65 ans et plus ont fait du bénévolat en 2010, 31 % en 2019 et maintenant 25 %.
Selon les dernières données disponibles de l’INSEE, il y avait en 2018 1,3 million d’associations et 21 millions de « participations » bénévoles, un même bénévole pouvant agir au sein de plusieurs associations. Présidente de la plateforme de mise en relation Tous Volontaires, Isabelle Persoz décrit une « génération pivot qui, parfois, n’a pas encore pris sa retraite et porte tout sur ses épaules, très engagée notamment auprès de sa famille. Ce n’est pas qu’ils s’engagent moins, mais ils ont moins de temps ».
---Le sociologue Roger Sue du CNRS est “frappé par la polarisation de la vie associative entre ceux qui s’investissent beaucoup mais ne sont pas très nombreux” et le reste des bénévoles alors même que nous sommes “face à un mur de besoins sociaux considérables”. Selon lui, “on ne s’en sortira pas avec moins de volontaires” mais avec “une mobilisation beaucoup plus large de la société civile”.
La jeune génération cherche du béton
L’étude Ifop confirme néanmoins “deux très bonnes nouvelles” à ses yeux : “la parité s’est installée au sein du milieu associatif et les jeunes veulent s’impliquer”. C’est une jeune génération “altruiste, qui veut être dans le concret”, rebondit Isabelle Persoz.
Parmi ses représentantes : Iris Mogenier, lycéenne de 16 ans originaire de Sens (Yonne), bénévole depuis l’âge de 11 ans. “C’est né d’un besoin de servir concrètement quelque chose”, témoigne-t-elle. Le lauréat du prix jeune bénévole 2022 s’investit dans une association de collecte et de recyclage de bouchons en plastique, au sein d’un service d’appel pour personnes âgées isolées ou encore à la Croix-Rouge de Sens.
L’étudiant de terminale, qui souhaite travailler… dans l’humanitaire, assure prendre le temps de souffler : « Je m’occupe de mon équilibre. Je ne veux pas que le volontariat devienne une contrainte ». Aujourd’hui, la tranche d’âge la plus représentée au sein des associations sont les moins de 35 ans (31 % en 2023, contre 26 % en 2019), qui ont détrôné les 65 ans et plus.