« Que vont-ils faire demain ? Vont-ils prendre le Capitole ? » a plaidé Marine Le Pen, le 26 juin sur France 2, à propos d’hypothétiques dérives de l’opposition de gauche, si le Rassemblement national (RN) venait à remporter les législatives.
La référence explicite à l’assaut du parlement américain début 2021 par des partisans de Donald Trump, après la victoire de Joe Biden, opère un habile changement de rôle. C’est en lien avec ces faits qu’un idéologue américain proche du RN, Steve Bannon, s’est rendu lundi 1er juillet dans une prison fédérale du nord-est des Etats-Unis afin de purger sa peine pour obstruction à l’enquête parlementaire qui a suivi l’attaque. La veille de l’intrusion dans le bâtiment du Congrès américain, l’ancien conseiller de Donald Trump avait promis que « tout l’enfer » allait bientôt arriver. Et il se dit aujourd’hui « fier d’aller en prison ».
« Marine Le Pen est une rock star »
Demandé par le New York Times Avant de rejoindre sa cellule pour quatre mois, Steve Bannon a longuement commenté les percées des nationalistes en Europe, et notamment celle du RN, qu’il se félicite d’avoir parrainé. Animateur du podcast « War Room », il présente son émission comme « le siège d’une révolte populiste. » « Nous allons gagner. Nous progressons en Europe. Nous progressons ici, il s’est félicité. Je consacre probablement 20 % de notre temps d’écoute aux composantes internationales de notre Mouvement. Nous avons fait appel à Nigel (Farage) une rock star, par Giorgia Meloni une rock star. Marine Le Pen est une rock star, Geert (Wilders) “C’est une rock star. On parle de tous ces gens tout le temps.”
Les derniers contacts connus entre le RN et Steve Bannon remontent à 2019. En cette année d’élections européennes, l’éminence grise de Donald Trump est en croisade contre le pape François et ses positions en faveur d’un accueil digne des migrants bloqués en Méditerranée. Il envisage de créer une académie en Italie « pour la défense de l’Occident judéo-chrétien », dans le but de faire ressortir « une nouvelle génération de souverainistes », loin d’un islam considéré comme une menace.
Dans le cercle des proches conseillers du RN
Déjà en 2018, il proposait de mettre à disposition, via son organisation The Movement, des études, des sondages, des analyses pour favoriser la victoire des partis d’extrême droite en Europe. Des méthodes déjà testées par les pro-Brexit, lors du référendum britannique du 23 juin 2016, ainsi que lors de l’élection présidentielle américaine, via la société Cambridge Analytica.
Les liens se sont noués, au point que les dirigeants du RN Louis Aliot et Jérôme Rivière ont demandé à Steve Bannon de participer aux réunions des Horaces, un collectif de hauts fonctionnaires, patrons et anciens membres de cabinets ministériels qui conseillaient le RN sous le sceau de l’anonymat. À cette époque, Steve Bannon était également acclamé pour avoir trouvé une banque européenne qui accorderait un prêt au RN, sans succès. En revanche, il a effectivement aidé le parti à lever des fonds.
Marine Le Pen avait alors dû prendre ses distances avec ce conseiller de l’ombre, estimant qu’il y avait des limites à l’ingérence dans le paysage politique français. Le principal concerné s’était corrigé, en 2019, en pleine campagne électorale européenne : « Elle n’a pas besoin de mon aide pour gagner. Je suis son ami, son collègue peut-être, mais elle gagnera elle-même cette élection et ce sera l’un des plus grands retours en force de l’histoire politique de son pays. »
Lors de la précédente campagne, le score n’avait certes pas atteint les 31,37% enregistrés par Jordan Bardella le 9 juin, mais le RN était déjà en tête, devant la majorité présidentielle, avec 23,3% des voix. Steve Bannon avait alors été comptabilisé dans le temps de parole du RN par le CSA.
