À Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier voyage surtout en fuite, son bureau dans son sac à dos, à la recherche de sujets et de gens fascinants. Il s’adresse à tout le monde et s’intéresse à tous les horizons dans cette chronique urbaine.
L’annonce d’un vortex polaire en a découragé beaucoup de sortir, mais d’autres n’ont eu d’autre choix que d’affronter les premiers vrais froids de l’hiver : certains pour le travail, d’autres parce qu’ils sont sans abri.
Vers midi, alors que le mercure avoisinait les -14 degrés Celsius (avec une sensation de -22), le campement des sans-abris près du marché Maisonneuve semblait vide, les trottoirs de la rue Ontario étaient dépourvus de mendiants (sauf un) et les passants semblaient parfois être en expédition au pôle Sud, parfois en balade printanière, a observé notre chroniqueur en patrouille dans la ville.
L’expression « vortex polaire » m’a-t-elle intimidée ? Eh bien, je me suis trop habillé.
Après 2 km de course, j’ai retiré une couche de laine pour éviter de transpirer.
Je suis allé chercher dans tous les camps et près de toutes les tentes des sans-abri sur mon passage et… aucun signe de vie.
Les habitants de ces maisons de fortune ont-ils temporairement trouvé un endroit chaud pendant les jours du vortex ?
Espérons-le.
Tous les camps de fortune que j’ai croisés semblaient déserts.
Photo LOUIS-PHILIPPE MESSIER
Juste un mendiant
Ontario Parkway, normalement fertile en mendiants, était exempté.
Quand je croise Denis Cardinal, qui boit sa grosse canette de Colt 45 posée dans le bac de recyclage d’un dépanneur du Centre-Sud, je lui dis : « Tu es le seul !
“Je vais bien parce que je porte quatre couches de polaire sous mon manteau, une salopette, un bonnet et des gants”, explique l’homme de 56 ans, qui dit vivre dans la rue depuis 4 ans.
« Il va falloir que je trouve un endroit où passer la nuit, quand il fait -30, si je ne veux pas mourir », ajoute-t-il.
M. Cardinal me raconte qu’il a passé la nuit dernière dans un refuge à Hochelaga, assis sur une chaise parce qu’il n’y avait plus de lit.
Son ami Dany D’Amours, lui aussi bien emmitouflé, n’a pas d’endroit où vivre, mais paie la pension d’un ami pour dormir chez lui.
-Dany D’Amours et son ami Denis Cardinal passent la journée dehors, mais heureusement pas la nuit.
Photo LOUIS-PHILIPPE MESSIER
Le secret : de bonnes bottes
La facteur Fannie Robillard m’explique que ses bottes Icebug lui ont coûté cher, mais que depuis, ses pieds ne refroidissent plus et ne glissent plus. (L’entreprise devrait l’embaucher comme ambassadrice car elle est convaincante !)
La facteur Fannie Robillard m’a confié son secret pour ne pas souffrir du froid : ses bottes.
Photo LOUIS-PHILIPPE MESSIER
Une brigadière que je rencontre ne jure que par ses bottes de phoque achetées chez Bilodeau… dont elle me vante abondamment.
Elle ressemble à un personnage Minion dans son Kanuk Recco jaune fluo : « Il a été conçu pour l’expédition de Bernard Voyer au pôle Sud ! » » s’enthousiasme-t-elle.
Ce brigadier portait des bottes en peau de loup de mer.
Photo LOUIS-PHILIPPE MESSIER
Stoïcisme économique
Le plus grand champion du froid que j’ai rencontré lors de mon voyage journalistique est un Montréalais qui aime laisser respirer ses mollets.
«Je ne porte jamais de pantalon, j’ai enseigné au primaire pendant 40 ans et j’étais connu comme le professeur qui donnait toujours ses cours en pantalon court même en hiver», raconte Mario Jacques Longpré, 75 ans.
“Ma chérie m’a déjà offert un manteau Chlorophylle et je l’ai porté deux fois pour lui faire plaisir, avant de l’offrir à ma sœur car je ne me sentais pas bien dedans : j’avais trop chaud”, se souvient celui qui avoue encore porter un pantalon. quand il sort pelleter.
La facteur et le brigadier m’ont presque convaincu d’acheter leurs produits haut de gamme, mais le stoïcisme frigoriste de M. Longpré me semble plus économique.
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