Les molécules magnétiques sont des mémoires magnétiques qui devraient être utilisées pour stocker des informations à l’échelle nanométrique et pour les technologies quantiques. La lecture de ces informations magnétiques est complexe car elle nécessite une lumière polarisée.
Les scientifiques ont réussi à surmonter cette contrainte en introduisant la chiralité au sein d’une molécule magnétique. Résultats à retrouver dans le Journal de la Société américaine de chimie.
Comme son nom l’indique, un aimant moléculaire est un aimant constitué d’une seule molécule. Il possède un moment magnétique non nul, souvent lié à la présence d’électrons non appariés provenant des ions métalliques de la structure.
L’application d’un champ magnétique externe à ces objets oriente les moments magnétiques de chaque molécule dans une direction particulière. Cet état magnétique est conservé lorsque le champ magnétique est coupé, ce qui confère à chaque molécule la mémoire du champ magnétique qui lui a été appliqué.
Et une mémoire d’une si petite taille ouvre la voie à des applications potentielles pour le stockage d’informations à haute densité, l’informatique quantique ou la spintronique. Encore faut-il pouvoir lire les informations magnétiques portées par chaque molécule.
Il est possible d’obtenir ces informations stockées magnétiquement, sans contact physique, par lecture optique. Jusqu’à présent, cela nécessitait un paquet de lumière polarisé (souvent laser) et analyse la modification du polarisation circulaire* par interaction avec des moments magnétiques locaux, phénomène appelé « effet Faraday magnéto-optique ». Ce mode de lecture, brièvement commercialisé, fut rapidement abandonné en raison de la complexité lié à la nature polarisée de la lumière.
Un tel obstacle peut être contourné en combinant chiralité** et magnétisme. En effet, les matériaux magnétiques chiraux présentent une propriété appelée dichroïsme magnéto-chiral (MChD), ce qui signifie que leur absorption de la lumière non polarisée dépend de leur état magnétique. L’introduction de la chiralité dans une molécule magnétique devrait permettre la lecture optique de son état magnétique avec une lumière non polarisée.
En utilisant les principes de la chimie moléculaire, une équipe de chimistes du Laboratoire National des Champs Magnétiques Intenses (CNRS/Université Grenoble Alpes/INSA Toulouse/Université Toulouse III Paul Sabatier) a réussi à introduire cette chiralité dans une molécule magnétique contenant un ion dysprosium(III ). Les scientifiques ont ensuite développé un protocole de mesure spécifique du dichroïsme magnétochiral. Elle consiste à faire varier le champ magnétique appliqué aux molécules, et donc leur magnétisme, en enregistrant en continu la réponse optique du système pour toutes les valeurs de champ.
Les données optiques magnéto-chirales qu’ils obtiennent suivent parfaitement les courbes d’aimantation obtenues par magnétométrie. Ces résultats, publiés dans le Confiture. Chimique. Soc., montrent qu’en introduisant la chiralité dans les molécules magnétiques, la lumière non polarisée est capable de sonder leur état magnétique via le MChD, même à champ nul.
Il s’agit d’un changement de paradigme dans le domaine de la lecture optique de données qui ouvre la voie au développement de nouvelles technologies de lecture optique en s’affranchissant de la polarisation de la lumière.
Remarques :
* La polarisation circulaire de la lumière est un type de polarisation dans lequel le champ électrique de l’onde lumineuse tourne de manière hélicoïdale autour de la direction de propagation.
** La chiralité est une propriété géométrique de certains objets ou molécules qui ne peut se superposer à leur image miroir.
Editeur : CCdM
Référence:
Lecture optique d’aimants à molécule unique : mémoires magnétiques avec lumière non polarisée.
Confiture. Chimique. Soc.2024, 14623616−23624.
https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jacs.4c08684
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