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C’est le tout premier gros plan d’une étoile en dehors de notre galaxie

Une étoile très lointaine, située à plus de 160 000 années-lumière de notre planète, vient de devenir l’étoile d’une photo magistrale : c’est la première fois que des astronomes parviennent à capturer un gros plan d’une étoile située en dehors de notre galaxie.

L’objet en question, nommé WOH G64est une étoile hypergéante rouge située dans le Grand Nuage de Magellan, une galaxie naine située à la périphérie de la Voie Lactée. Il se distingue d’abord par ses proportions plutôt phénoménales. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne lui a pas volé son statut d’hypergéant : il est d’environ 2000 fois plus grand que notre Soleil, d’où son surnom « Monstre ». Il est également incroyablement brillant, une combinaison de caractéristiques particulièrement séduisante pour les astronomes, car il ouvre la voie à des observations très précises.

Depuis une vingtaine d’années maintenant, les équipes du prestigieux Observatoire européen austral (ESO) étudient régulièrement WOH G64 en utilisant le joyau de leur arsenal scientifique : le Très grand télescopeou VLT pour faire court. Il s’agit d’un immense interféromètre composé de quatre télescopes optiques de pointe qui constitue l’un des observatoires les plus puissants de la planète. On lui doit déjà une myriade d’observations particulièrement remarquables d’exoplanètes, de galaxies extrêmement anciennes, ou encore de Sagittarius A*, le trou noir supermassif au centre de la Voie lactée.

Cette longue campagne d’observation a permis de documenter rigoureusement les caractéristiques de ce colosse cosmique. Mais elle a fini par se heurter à un mur alors que les astronomes voulaient se rapprocher encore plus du Behemoth. Au départ, même le VLT n’était pas capable de capturer une image suffisamment détaillée pour faire passer ce travail à un niveau supérieur. Déchirant, car les gros plans de ce genre sont de véritables mines d’or scientifiques ; ils permettent de collecter de nombreuses données sur les propriétés de l’objet, ainsi que son rôle dans son environnement local.

Un gros plan d’une précision incroyable

Mais la donne a changé avec l’arrivée de GRAVITY, la deuxième génération d’instruments scientifiques du VLT qui a enfin permis aux astronomes de capturer ce gros plan exceptionnel.

© ESO/K. Ohnaka et coll.

À première vue, cette image floue ne fait pas grand-chose. Mais il s’agit tout de même d’une véritable prouesse technique qui a demandé une précision absolument incroyable. Pour illustrer cela, on peut penser à l’échelle de la Terre : capturer un gros plan d’une étoile située à plus de 1,5 milliard de milliards de kilomètres revient à zoom sur un grain de sable situé à Bagdad depuis Paris — bien que cela soit évidemment impossible en pratique en raison de la courbure de la surface de la Terre.

Au moment de la rédaction de cet article, les astronomes n’avaient capturé qu’une vingtaine de gros plans de ce type. Et à chaque fois, il s’agissait d’étoiles situées dans notre Voie Lactée. C’est donc une grande première.

Un cocon de poussière au comportement étrange

Et au-delà de ce côté innovant, cette image a également répondu à toutes les attentes des chercheurs au niveau scientifique.

Dans un premier temps, ce gros plan a permis à l’équipe de constater que la luminosité du WOH G64 avait considérablement diminué au cours de la dernière décennie. Une donnée qui est tout sauf anecdotique, car directement liée au cycle de vie de la star. Dans leurs dernières étapes de vie, les supergéantes rouges comme WOH G64 perdent progressivement leurs couches externes de gaz et de poussière. Cette matière a tendance à s’accumuler dans un vaste nuage autour de l’étoile, ce qui pourrait expliquer la baisse de luminosité perçue par le VLT. C’est donc une superbe occasion d’observer en direct le déclin d’un véritable colosse cosmique.

« Nous avons découvert que la star a subi un changement important au cours des dix dernières années, ce qui nous offre une rare opportunité d’observer la vie d’une star en temps réel. », explique Gerd Weigelt, professeur d’astronomie à l’Institut Max Planck et co-auteur de l’étude.

Au-delà de son impact potentiel sur la luminosité, il y a une autre caractéristique de ce nuage qui a surpris les astronomes : sa forme. Ces cocons de poussière et de gaz ne sont jamais parfaitement circulaires ; mais sur l’image, on voit bien qu’il présente un asymétrie extrêmement marquée, bien au-delà de ce que prédisaient les modèles des chercheurs.

C’est un détail intéressant, car il pointe vers la présence d’un mécanisme capable de modifier la structure du cloud. Selon les auteurs, il est par exemple possible que WOH G64 fasse partie d’un système binaire, et qu’il soit accompagné d’une autre étoile dont l’influence gravitationnelle pourrait déformer ce cocon poussiéreux.

Malheureusement, cette hypothèse sera difficile à confirmer, car la baisse de luminosité de l’étoile va continuer à compliquer les observations. Pour aller au fond des choses, il faudra sans doute attendre GRAVITY+, la troisième génération d’instruments scientifiques du VLT qui devrait prendre le relais d’ici quelques années… et croiser les doigts pour que le Behemoth ne finisse pas en supernova d’ici là. !

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