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Une très jeune exoplanète découverte dans un système stellaire à l’architecture « incompréhensible »

DÉCRYPTION – Une équipe d’astronomes a révélé l’existence d’un système vieux de seulement trois millions d’années, pris dans une configuration que les modèles actuels n’expliquent pas bien.

Si les astronomes s’intéressent aux exoplanètes, c’est notamment parce qu’ils espèrent, en étudiant leur bestiaire, mieux comprendre la formation de notre Système solaire. Distinguer ce qui est aléatoire et qui le rend unique, et ce qui est générique et qui pourrait laisser espérer que la vie aurait pu naturellement surgir ailleurs, par les mêmes processus.

À ce jour, un peu plus de 7 000 exoplanètes ont été identifiées, dont un millier de systèmes multiples. Si chaque découverte enrichit nos connaissances statistiques, chaque nouvelle planète ne suscite pas nécessairement un énorme intérêt pour elle-même. « Cela dépend évidemment du contexte, des nouveaux satellites ou instruments qui entrent en service, mais je dirais qu’en moyenne, nous n’avons qu’un objet par an environ qui se démarque assez nettement des autres. »rappelle Anne-Marie Lagrange, directrice de recherche CNRS, professeure rattachée à PSL (LESIA/Observatoire de Paris).

Or, c’est justement un cas exceptionnel de ce type qui vient d’être mis en lumière et fait l’objet d’un article dans la revue Nature : une planète découverte très tôt dans son existence, âgée de seulement trois millions d’années, et située à seulement 400 années-lumière (dans le nuage moléculaire du Taureau). C’est une géante, située très près de son étoile (elle boucle une orbite complète en neuf jours seulement). Les auteurs pensent qu’il pourrait s’agir d’un précurseur de super-Terre ou de mini-Neptune, ces exoplanètes de taille intermédiaire, très communes dans la galaxie, mais absentes de notre Système solaire. Son nom, dérivé de celui de son étoile, est un peu abstrus et mérite sans doute un diminutif : IRAS 04125+2902 b.

De nombreuses observations à venir

“La détection initiale a été réalisée par le satellite Tess de la NASA, puis elle a été confirmée par diverses observations au sol”explique Xavier Bonfils, chercheur à l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble, qui n’a pas participé à ces travaux. C’est en passant devant son étoile, masquant ainsi légèrement son éclat, que la planète a trahi sa présence. « En observant à différentes longueurs d’onde, il est possible de lever toute ambiguïté car le transit est toujours le même quelle que soit la couleur, ce qui ne serait pas le cas si la planète était une petite étoile par exemple. »poursuit le chercheur. « C’est exactement ce qu’ils ont fait. Les données sont très convaincantes. » Cela n’était pas évident car la baisse de luminosité est de l’ordre d’un demi pour cent, alors que l’étoile elle-même, comme elle est très jeune, connaît des variations importantes de sa luminosité (de l’ordre de dix pour cent).

Cette méthode de transits permet également d’estimer la taille de la planète. Son diamètre actuel est proche de celui de Jupiter (dix fois celui de la Terre), mais il n’a sans doute pas fini d’évoluer. C’est ce qui rend son étude et son observation si prometteuses. “C’est très intéressant pour nous d’avoir accès à une planète si proche de nous à ce moment de son existence, car nous devrions pouvoir déterminer sa composition en analysant la manière dont son atmosphère filtre la lumière”explique Xavier Bonfils. Le télescope spatial James Webb devrait notamment permettre d’en savoir plus.

Disque orthogonal

Mais il ne sera pas le seul mobilisé. « Un grand nombre de programmes d’observation au sol seront également menés »anticipe Anne-Marie Lagrange. « La priorité sera de déterminer sa masse. » Dans leur étude en Naturel’équipe dirigée par des astrophysiciens de l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill et du MIT de Boston a estimé une limite supérieure à 90 masses terrestres (un tiers de la masse de Jupiter), mais les données sont encore très incertaines sur ce point, analyse Anne- Marie Lagrange, spécialiste de la méthode utilisée (qui consiste à déduire des changements de couleur de l’étoile ses mouvements de va-et-vient provoqués par l’attraction gravitationnelle de la planète qui tourne autour d’elle).

Mais au-delà de sa jeunesse record, il y a encore un autre aspect qui intrigue l’astrophysicien Alessandro Morbidelli, titulaire de la chaire de planétologie au Collège de et grand spécialiste de la formation des systèmes planétaires. « Ce n’est pas vraiment l’âge qui compte, mais l’état du système. Dans le cas de l’article par exemple, la planète se trouve dans la cavité centrale du disque. Elle a donc terminé sa formation. Même si elle est jeune, il est déjà trop tard, d’une certaine manière. Mais le système est très étrange et très intrigant… »

L’étoile principale a en effet une compagne, située bien plus loin que la planète. Et, coincé entre la planète et ce compagnon, qui orbitent tous deux dans le même plan, un disque de gaz et de poussières… dans un plan quasi orthogonal. « On observe fréquemment des disques cassés, avec la partie externe et la partie interne sur deux plans différents. Mais en général, la partie extérieure est alignée avec le plan orbital de l’étoile compagnon. Ici, c’est perpendiculaire. Les auteurs ne le comprennent pas et moi non plus ! Il va falloir travailler pour comprendre cette configuration inattendue. »

 
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