Les lois fondamentales de la physique, dont la relativité générale d’Albert Einstein, sont mises à l’épreuve en mesurant la distorsion du temps et de l’espace sur de très grandes distances, en dehors du système solaire. Une étude réalisée à Genève et à Toulouse montre un écart entre prédictions et observations.
Les lois fondamentales de la physique cherchent à décrire le monde dans lequel nous vivons : elles réussissent plutôt bien leur mission, notamment avec la relativité générale d’Einstein. Mais cette théorie ne parvient pas à expliquer l’accélération de l’expansion de l’Univers qui a commencé il y a environ 5,5 milliards d’années : c’était mesuré pour la première fois en 1998. Le grand physicien, quant à lui, prédit un ralentissement. Aujourd’hui, les scientifiques multiplient les observations pour percer ce qui reste l’un des plus grands mystères scientifiques actuels.
Une équipe des universités de Genève et Toulouse III – Paul Sabatier a comparé les prédictions d’Albert Einstein avec des mesures basées sur les données du Enquête sur l’énergie noire (DES), un programme international qui cartographie des centaines de millions de galaxies et catalogue leurs formes.
Les cosmologues ont exploité ces résultats de manière innovante : « Les données DES étaient jusqu’à présent utilisées pour mesurer la répartition de la matière dans l’Univers. Nous les avons utilisés pour mesurer directement la distorsion du temps et de l’espace. “l’espace et ainsi comparer nos résultats avec les prédictions d’Einstein”, explique à RTSinfo Camille Bonvin, professeure associée au Département de physique théorique de la Faculté des sciences de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux.
Car Albert Einstein l’avait théorisé : notre Univers est déformé avec la matière qui s’y trouve, un peu comme un grand tissu au milieu duquel se trouve une pierre. Les déformations provoquées par la gravité des corps célestes – les pierres – sont appelées puits gravitationnels : ceux-ci dévient la trajectoire de la lumière, à la manière d’une lentille de verre. Maintenant, dans ce cas, c’est bien gravitation qui courbe la lumière et non une lentille : cet effet est appelé lentille gravitationnelle (lire l’encadré).
>> Galaxies déformées par lentille gravitationnelle :
En désaccord avec les observations
Mais cela se complique à l’échelle gigantesque de notre Univers, lorsque la déformation de l’espace et du temps est scrutée avec un grand nombre de galaxies très lointaines : dans ce cas, la trajectoire de la lumière n’est pas déviée comme prévu.
Selon leétude Selon un article publié lundi dans Nature Communications, les distorsions des puits gravitationnels sont plus faibles que ce que prédisaient les équations d’Einstein : « Nous obtenons un désaccord de 99,7 %, ce qui représente déjà un écart assez important. Dans notre jargon scientifique, on dira qu’il y a une incompatibilité de 3 sigma avec les mesures », souligne Camille Bonvin, ajoutant : « Mais cela ne suffit pas à remettre en cause Einstein. Nous aimerions un désaccord de 99,99994%, ou un. Seuil 5 sigma.
“Il est essentiel d’avoir plus de mesures, plus précises, pour confirmer ou infirmer ces premiers résultats, et savoir si cette théorie reste valable dans notre Univers, à très grandes distances”, remarque dans un communiqué Nastassia Grimm, post-doctorante. au Département de physique théorique de la Faculté des sciences de l’UNIGE, co-auteur de l’étude.
Et ces mesures sont le télescope Euclideenvoyés dans l’espace le 1er juillet 2023, ce qui les amènera d’ici mars ou avril : « Nous les attendons avec impatience », se réjouit Camille Bonvin. « C’est plus précis, car il mesure depuis l’espace. Il s’agira d’observer une période plus large de l’Univers et d’observer un nombre phénoménal de galaxies : environ un milliard et demi sur six ans d’observation. Euclide nous permettra de réduire les incertitudes.
>> Lire le Grand Format : Euclide va défier la relativité générale d’Einstein
Lutte entre relativité générale et énergie noire
Pour l’instant, l’expansion accélérée de l’Univers s’explique par la possibilité qu’il existe une nouvelle forme d’énergie dans l’Univers, très énigmatique, appelée énergie noire : « Elle est partout et est très étrange ; elle représente 70 % de notre Univers », explique Camille Bonvin. “Cette énergie sombre serait comme une sorte de moteur qui accélère l’Univers, mais nous ne l’avons jamais vue ni détectée.”
Les scientifiques ne savent pas encore si la clé du mystère réside dans cette énergie ou s’il s’agit de failles dans la théorie de la relativité générale qui ne fonctionnerait pas à très grandes distances.
Je préférerais qu’on démontre qu’Einstein a tort !
Quant à Camille Bonvin, son cœur et son esprit de cosmologiste penchent encore de côté : « Ce sont les observations qui nous le diront. Personnellement, je préférerais qu’on montre qu’Einstein avait tort ! Il serait triste d’abandonner la relativité générale… mais cette théorie serait englobée dans une autre, plus vaste. Tout comme c’est le cas pour Newton, qui n’a pas vraiment été mis de côté : sa théorie de la gravité fonctionne pour la Terre, mais à partir de celle-ci. que nous nous éloignions et allions à Mercure ou à l’échelle du système solaire, nous devons passer à Einstein.
Pour le physicien, conserver la relativité générale en ajoutant de l’énergie noire est une voie tout à fait possible : « Mais si l’on constate que l’accélération de l’Univers est due à la gravité elle-même et au fait que la théorie d’Einstein ne fonctionne plus à l’échelle de l’Univers, L’Univers, ce serait vraiment un bond en avant pour la science ! », conclut-elle.
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Stéphanie Jaquet
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