Quelle est la relation entre l’obliquité de la Terre – l’inclinaison de son axe – et la CO2 ? Publié le 11 octobre dans Géosciences naturellesune étude montre l’existence d’augmentations brutales des concentrations de CO2 au cours des 500 000 dernières années, lorsque la Terre est fortement inclinée. Un résultat inattendu à prendre en compte dans les prévisions d’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Pendant 6 000 ans, jusqu’au début de l’ère préindustrielle, la quantité de CO2 dans l’atmosphère est relativement stable : autour de 280 parties par million (ppm), contre 420 ppm aujourd’hui. En remontant dans les archives climatiques que sont les carottes de glace, les chercheurs ont découvert « saute » de CO2des augmentations de l’ordre d’une dizaine de ppm dans l’atmosphère qui interviennent dans un laps de temps très court, de l’ordre d’une centaine d’années.
« Ces sauts, bien que majeurs, se produisent à une vitesse et une amplitude environ dix fois inférieures aux émissions humaines actuelles de CO2 »précise Étienne Legrain, chercheur à l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE) et premier auteur de l’étude.
Effondrement d’Amoc
Vingt-deux sauts ont été enregistrés au cours du dernier demi-million d’années. « Ce phénomène a été récemment identifié par les paléoclimatologues qui ne peuvent que depuis une quinzaine d’années avoir une précision centenaire dans la reconstitution des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. »explique Étienne Legrain. Ces résultats sont le fruit d’une collaboration internationale, notamment entre leIGE et l’Université de Berne qui avait fait une première publication sur le sujet en Science en 2020.
« Notre nouvelle étude identifie sept sauts supplémentaires mais elle apporte surtout une réponse sur l’origine de ces sauts à laquelle on ne s’attendait pas : ils ont lieu pour la plupart pendant des périodes de forte obliquité terrestre. »souligne le climatologue. Or la Terre – dont le degré d’orientation par rapport au Soleil varie en fonction des interactions avec les autres planètes – se trouve actuellement dans cette configuration astronomique de forte obliquité. Autrement dit, les pôles font face au soleil.
La situation actuelle déclenchera-t-elle un nouveau « saut » de CO2 ? Pas nécessairement, car l’inclinaison de la Terre ne suffirait pas à provoquer de telles émissions. Un autre facteur serait nécessaire selon les chercheurs. « Ces sauts CO2 surviennent généralement lors de deux événements concomitants : la forte obliquité et l’effondrement de l’Amoc. »souligne le climatologue — L’Amoc désigne le « Circulation de renversement méridional atlantique »un ensemble complexe de courants océaniques qui s’étendent de l’équateur aux pôles. Même si de nombreuses questions demeurent pour expliquer ce phénomène, les scientifiques avancent plusieurs hypothèses.
Disparition des forêts
« Selon notre étude, la libération de CO2 proviendrait des stocks de carbone de la biosphère terrestre et non des océans »souligne Étienne Legrain. Autrement dit, ce sont les forêts qui seraient menacées si la Terre s’inclinait trop radicalement. La plupart du temps, cette menace serait contrebalancée par les courants océaniques et leur rôle régulateur, leur capacité à distribuer la chaleur à travers le globe.
Mais lorsque l’Amoc s’effondre, c’est-à-dire lorsque ces courants ne remplissent plus cette fonction régulatrice, les forêts ne survivent pas et leur disparition rapide serait ainsi responsable de ce pic d’intensité. CO2 visible dans les archives climatiques. Cependant, si les activités humaines n’interviennent pas sur l’obliquité terrestre, elles pourraient fortement perturber l’Amoc.
Aujourd’hui, l’avenir de l’Amoc reste une grande question pour les climatologues. Mais le GIEC craint que le réchauffement climatique n’entraîne son ralentissement, voire son effondrement. « Un effondrement de l’Amoc aurait des conséquences catastrophiques pour la planète puisqu’il modifierait le système climatique tel que nous le connaissons aujourd’hui. Même si de nombreuses inconnues subsistent sur la nature et l’ampleur de ces changements, notre étude met en lumière un phénomène particulier, la libération de CO2 par la biosphère terrestre en cas d’effondrement futur de l’Amoc »conclut le chercheur.
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