Un siècle après le bras de fer syndical qui les oppose à leur employeur, une fresque murale colorée rend hommage aux marieurs. Situé au 69 rue Eddy, Le glaneur d’allumettes est signé Danaé Brissonnet. L’artiste décortique son œuvre et révèle les secrets de cette fresque riche en symboles.
Ils décidèrent de se battre ensemble. Je trouve ça vraiment beau. Même si cela n’a pas eu beaucoup d’impact à l’époque, ils [resteront] toujours rappelé.
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Quand je travaille sur des peintures murales, j’aime parler de beauté et d’espoir, mais j’aime aussi quand on parle de choses réelles. Et je l’intègre toujours avec une certaine symbolique
confides Danaé Brissonnet.
L’artiste de Joliette aime quand les histoires ont deux côtés tranchants
. Dans cette toute première fresque réalisée à Gatineau, Danaé Brissonnet représente la force des marieurs, citant leur résilience et leur solidarité, mais aussi leur vulnérabilité, leur dépendance à l’industrialisation et les séquelles infligées à leur corps par le phosphore.
Un rêve nourri d’espoir
Le haut de la fresque symbolise les rêves des marieurs.
Photo : Avec l’aimable autorisation de Danaé Brissonnet / Conor DeVries
Ils étaient tous jeunes […]entre 17 et 20 ans
se souvient Danaé Brissonnet. Pour avoir un peu d’argent, être indépendant et se marier
énumère l’artiste, l’espoir de ces jeunes travailleurs se nourrit alors du rêve qu’on leur vend.
Les écailles de poisson, c’est un peu ça : tout est doré, tout est beau
commente Danaé Brissonnet en désignant la maison et la possibilité de richesse
que l’entreprise de fabrication d’allumettes suspendait à ses recrues.
Le soleil qui éclaire les maisons peut être radieux, reste qu’il y a toujours quelque chose d’inquiétant
» argumente l’artiste.
Un travail qui consomme
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Avec ses mains, l’industrie ou « The Match Gleaner » consume les rêves de ses salariés.
Photo : Avec l’aimable autorisation de Danaé Brissonnet / Conor DeVries
Sous des yeux hypnotiques et un visage qui semble avaler les allumettes, le monstrueux personnage représentant l’industrie s’empare de ses mains une boîte remplie d’allumettes personnifiées. Ces derniers incarnent l’impuissance des travailleurs, qui j’aime ramasser
interprets Danaé Brissonnet.
Pour recréer cette partie de l’histoire du travail québécois, Danaé Brissonnet s’est documentée, notamment en écoutant des podcasts et en s’inspirant d’histoires similaires à travers le monde, survenues dans d’autres entreprises de match.
Au cours de ses recherches, l’artiste dit s’être inspirée de l’injustice, de la situation des femmes à cette époque et de la déshumanisation de ces salariés exploités au péril de leur santé, empoisonnés par la toxicité du phosphore. qui a détruit son corps
dévorant leurs mâchoires.
En contrepartie de ces aspects plus sombres, Danaé Brissonnet dit avoir été aussi marquée par l’incroyable résilience
des allumettes.
Affaibli mais fort
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Sur un escalier menant au cœur de la filière, les entremetteurs sont ici représentés de manière plus volontaire et plus exigeante.
Photo : Avec l’aimable autorisation de Danaé Brissonnet / Conor DeVries
Si elles apparaissent inanimées et passives dans la boîte qui les contient, les allumettes sont représentées de manière plus délibérée dans d’autres parties de la fresque. La tête en feu, ils tiennent à bout de bras une allumette qui leur sert d’appui, un peu comme s’ils étaient armés et partaient en guerre
explains Danaé Brissonnet.
Animés par un sentiment guerrier, les ouvriers se rassemblent sous la bannière d’un syndicat. Ils gravissent avec détermination un escalier qui les mène au cœur de la matrice qui les emploie et les dévore, avec l’idée de détruire l’industrie ou de changer les choses
poursuit l’artiste.
Entre spectres sinistres et lendemains meilleurs
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Dans différentes sections de sa fresque murale, Danaé Brissonnet aime représenter des symboles ambivalents.
Photo : Avec l’aimable autorisation de Danaé Brissonnet / Conor DeVries
J’aime jouer avec les oppositions et les contrastes
concède Danaé Brissonnet. Cette ambivalence est présente dans la représentation de deux petits soleils en haut de la fresque, dans le coin gauche et droit.
Heureux ou triste, le soleil incarne cette ambivalence sur laquelle l’artiste aime jouer, rappelant que si l’étoile donne la vie et est essentiel à tout
il peut aussi brûler et ravager en même temps
.
De la même manière, deux grandes allumettes encadrent la fresque. A gauche, tenu horizontalement, on libère un nuage de fumée muni d’une mâchoire, symbolisant le spectre du sort tragique des marieurs.
A droite, une autre brûle aussi, mais verticalement, s’élevant vers le ciel et se déployant comme un arbre
adds Danaé Brissonnet. J’ai trouvé ça belle, l’idée de ce personnage qui plante des allumettes, des souvenirs, qui plante un avenir.
Une fresque destinée à prendre vie
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Un spectacle ponctué de performances artistiques accompagnera l’année prochaine une présentation publique de « La Glaneuse d’Allettes ».
Photo : Avec l’aimable autorisation de Danaé Brissonnet / Conor DeVries
Le dévoilement public de la fresque, qui devait avoir lieu le 26 septembre, a été reporté à l’année prochaine
explique Danaé Brissonnet. Le grand jour, la fresque murale sera animée par des comédiens et différents feux d’artifice.
J’ai vraiment fait un show. Mon idée est de faire [en sorte] que le mur bouge
poursuit Danaé Brissonnet. Sur le toit et tout autour de l’œuvre, costumes et accessoires reproduisant des détails de la murale, petites maisons animées, effets pyrotechniques et fumigènes donneront vie à cette nouvelle fresque du Vieux-Hull.
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