Le personnage de Tintin commence à être libre de droits, mais l’héritage de son auteur Hergé reste fécond, comme en témoigne l’intérêt pour les rééditions des albums.
Ce mercredi, les éditions Moulinsart et Casterman rééditent la version 1936 de “Le Lotus bleu”, l’une des plus célèbres aventures du petit reporter belge, qui se déroule à Shanghai, soit 124 pages parues pour la première fois dans le journal “Le Petit Vingtième”. . » en 1934-1935. Mais au lieu du noir et blanc de l’époque, les pages sont cette fois colorisées. La quatrième de couverture annonce « une palette de couleurs nouvelles dont les nuances rehaussent particulièrement les scènes de nuit, révélant ainsi l’intensité de l’action et la beauté des vignettes ».
« Tintin au pays des Soviétiques », « Tintin au Congo » et « Tintin en Amérique » avaient subi le même traitement entre 2017 et 2020. Ces albums colorisés ont été plébiscités par les Tintinophiles. « Les puristes ne les attendaient pas spécialement, mais, avec leur grand format, ils ont le charme des plus grandes images de la bande dessinée actuelle. Dans l’épaisseur du trait, le dynamisme de l’aventure, il y a une fluidité et une modernité qui appellent à la redécouverte”, commente Benoît Peeters, l’un des grands spécialistes de l’œuvre d’Hergé, interrogé par l’AFP.
Libre de droits aux États-Unis
L’édition originale, en noir et blanc, de « Tintin au pays des Soviets », n’est plus protégée par le droit d’auteur, aux États-Unis seulement, depuis le 1est Janvier. La législation américaine autorise l’exploitation d’œuvres vieilles de 95 ans, quelle que soit la date du décès de leur auteur. Ce qui permet de rééditer librement cet album de 1929.
Les ayants droit du dessinateur belge y voient un « non-événement », comme ils l’avaient déclaré à BFMTV en décembre. « Les enjeux économiques sont faibles. Tintin est peu présent aux Etats-Unis, comme on l’a vu avec le succès relatif du film de Spielberg », confirme Benoît Peeters, évoquant « Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne » en 2011.
En Europe ou au Canada, Tintin reste entièrement protégé jusqu’au 1est janvier 2054, soit 70 ans après le décès d’Hergé en mars 1983. Les ayants droit, à savoir la veuve d’Hergé, Fanny Vlamynck, 90 ans, et son second mari, Nick Rodwell, 72 ans, ont adopté une ligne jusqu’à la ligne dure, conformément à la dernières volontés du créateur : interdiction stricte, pour quiconque, de dessiner Tintin et ses acolytes.
Une exposition en Belgique
« On parle souvent d’abus de leur part. Il faut quand même dire qu’à l’ère du piratage et du pillage des livres par l’IA, il est normal de protéger l’œuvre d’un auteur, même longtemps après sa mort. Et c’est ce qu’ils font », commente Benoît Peeters. Ils vont même plus loin puisque la couverture de ce nouveau « Blue Lotus », conçue à partir d’une vignette (trouvée page 24), ainsi que toutes les couleurs intérieures sont des choix contemporains. Il est impossible de dire dans quelle mesure Hergé les aurait approuvés.
Ce que rappelle la préface, c’est qu’il gardait une éternelle gratitude pour l’art chinois, qu’il avait appris pour concevoir ses décors. « J’y ai puisé mon goût de l’ordre, mon envie de concilier minutie et simplicité, harmonie et mouvement », disait Hergé en 1975, cité dans ce « Lotus Bleu » de 2025.
En Belgique, le musée Hergé de Louvain-la-Neuve aborde cette influence dans une exposition intitulée « En Chine avec Tintin », qui s’ouvre vendredi. Le personnage principal est un artiste chinois basé à Bruxelles, le célèbre Tchang. Une biographie, “Tchang Tchong-Jen artiste voyageur”, signée par sa fille, Tchang Yifei, et un spécialiste de Tintin, Dominique Maricq, a également été publiée mercredi chez Casterman et Moulinsart.
(afp/eu)