Plus grande, plus modulaire… Anatomie d’une fusée destinée à mettre l’Europe en orbite – .

Plus grande, plus modulaire… Anatomie d’une fusée destinée à mettre l’Europe en orbite – .
Plus grande, plus modulaire… Anatomie d’une fusée destinée à mettre l’Europe en orbite – .

Le grand jour approche. Un an après le dernier vol d’Ariane 5, le 5 juillet 2023, l’Agence spatiale européenne (ESA) s’apprête à lancer son nouveau bébé, Ariane 6, dont le vol inaugural est prévu mardi 9 juillet, entre 20 heures et 23 heures (heure française) depuis le Centre spatial guyanais de Kourou. Une mission à fort enjeu, car le lanceur doit permettre à l’Europe d’avoir un accès indépendant à l’espace.

La mission, dont le but est de démontrer le bon comportement de la fusée et de tester ses capacités, emporte plusieurs charges utiles : une masse inerte de 2 tonnes, censée simuler des satellites Galileo, huit cubesats, des petits satellites « de la taille de boîtes à chaussures », deux capsules de rentrée atmosphérique et cinq expériences, « qui effectueront un certain nombre de mesures pendant toute la durée de la mission », a expliqué Michel Bonnet, responsable du vol inaugural à l’ESA, lors d’une conférence de presse le 25 juin. A l’occasion de ce tout premier vol, portrait du nouveau lanceur européen.

Un géant européen

Dans les fratries, il arrive souvent que les plus jeunes surpassent leurs aînés. C’est pareil dans la famille des lanceurs Ariane : Ariane 6 est plus grande que sa sœur puisque, « avec sa coiffe la plus grande, la coiffe longue, elle mesure 62 mètres, contre 55 pour Ariane 5 », décrit François Deneu, responsable du programme Ariane 6 chez ArianeGroup, l’industriel chargé de développer la fusée. Sa coiffe courte lui permet d’atteindre 56 mètres de haut, ce qui la rend plus grande que sa devancière dans toutes les configurations.

Son diamètre, 5,40 mètres, est similaire à celui d’Ariane 5. Et les similitudes avec sa sœur ne s’arrêtent pas là. « En termes de performances, en tonnes, qu’Ariane 6 est capable de placer sur différentes orbites, elle est à peu près équivalente à Ariane 5 », explique François Deneu. Mais, si elle est comparable à Ariane 5, « elle est capable de réaliser beaucoup plus de missions », et c’est là tout son intérêt.

Un lanceur modulaire

Il est impossible de parler d’Ariane 6 sans évoquer sa polyvalence, rendue nécessaire par les nouveaux besoins du marché spatial ultra-concurrentiel, qui nécessite de pouvoir lancer tout type de charge utile sur différentes orbites et, notamment, d’assurer le lancement de constellations. [de satellites]Pour y parvenir, la fusée peut être modulée sur plusieurs paramètres, à commencer par le nombre de boosters, déterminé par la masse de la charge utile emportée et les orbites visées.

Le lanceur est ainsi disponible en deux configurations : Ariane 62, équipée de deux boosters (la version du vol inaugural), et Ariane 64, flanquée de quatre boosters, ce qui permet de doubler la masse des charges utiles envoyées en orbite. « En décollant avec deux boosters, les performances sont moindres et correspondent à des missions moins coûteuses, s’adaptant ainsi aux besoins du client, explique François Deneu. Quand on met quatre boosters, on retrouve les performances d’Ariane 5, donc on retrouve le marché auquel elle pourrait répondre. »

Le nouveau lanceur européen offre également la possibilité d’utiliser deux coiffes différentes : l’une de 20 mètres de haut, plus grande que celle d’Ariane 5 – qui mesurait 17 mètres –, l’autre de 14 mètres. A l’intérieur de celles-ci, plusieurs configurations sont possibles, toujours dans un souci d’adaptation aux besoins des clients, précise le responsable du programme Ariane 6 chez ArianeGroup : « Lors du premier vol, il n’y a pas besoin d’un volume important sous la coiffe, nous utilisons une coiffe courte. Quand Ariane 6 volera pour emporter des constellations, ce sera avec une coiffe longue, permettant d’emporter un maximum de satellites sous la coiffe. »

Un étage supérieur rallumable

L’autre atout majeur du lanceur : son étage supérieur, équipé du moteur Vinci pouvant être rallumé plusieurs fois, qui permet des manœuvres dans l’espace pour placer des charges utiles sur différentes orbites au cours d’un même vol. Il s’agit d’une évolution majeure : « Avec Ariane 5, le moteur HM7 ne pouvait être allumé qu’une seule fois, et la charge utile était positionnée sur une orbite », compare François Deneu. Ce nouveau moteur permet ainsi à Arianespace d’élargir ses missions, en utilisant « plus ou moins les capacités de cet étage supérieur » en fonction des besoins et des demandes des différents clients.

Avoir un étage supérieur rallumable présente aussi l’énorme avantage de pouvoir le désorbiter, c’est-à-dire le ramener sur Terre pour le brûler dans l’atmosphère. « Cela permet de ne pas avoir à conserver un étage qui est une masse inerte et qui encombre l’orbite », explique le responsable d’ArianeGroup, comme l’exigent la législation française et européenne. Si ce n’est pas possible, « quand on sera sur des orbites plus énergétiques » par exemple, l’étage de la fusée sera envoyé « sur une orbite de parking, qui n’est pas utilisée pour les satellites ».

Coûts de lancement réduits

Afin de proposer un lanceur compétitif sur le marché et des coûts de lancement nettement inférieurs, les coûts de production d’Ariane 6 sont de 40 à 50 % inférieurs à ceux d’Ariane 5. Pour parvenir à une telle réduction, la cadence de lancement d’Ariane 6 sera doublée par rapport à sa prédécesseure, estime François Deneu : alors qu’Ariane 5 réalisait cinq ou six lancements par an, « sept exceptionnellement » selon Pier Domenico Resta, responsable de l’ingénierie du système de lancement d’Ariane 6 à l’Agence spatiale européenne, le nouveau lanceur européen en réalisera une dizaine, « jusqu’à onze voire douze ». « Quand on peut amortir les coûts fixes, qui sont les coûts de la structure, sur dix lanceurs au lieu de cinq, on réduit forcément le coût du lancement », explique François Deneu.

Des économies sont également réalisées sur toute la chaîne de production, plus efficace. Les usines de construction du lanceur utilisent « les principes de l’industrie aéronautique », poursuit le responsable du programme Ariane 6 chez ArianeGroup, « car les coûts de l’aéronautique sont inférieurs, par structure et par son approche industrielle, aux coûts du spatial ». Contrairement à Ariane 5, les différents étages du lanceur sont testés en Europe avant de partir pour Kourou, « ce qui signifie qu’ils arrivent entièrement testés en Guyane et sont intégrés directement sur le pas de tir », permettant d’assembler le lanceur « en une semaine », contre « au moins un mois pour Ariane 5 ». L’utilisation du voilier Canopée de transférer la fusée de l’Europe continentale vers la Guyane, ce qui réduit la consommation de carburant de 30%, mais aussi la digitalisation de la production, la robotisation et l’impression 3D de certaines pièces contribuent également à réduire les coûts d’Ariane 6.

Une « famille de lanceurs européens »

Si l’on part rarement de zéro dans l’espace, c’est encore plus vrai pour Ariane 6, directement dérivée de sa devancière. « Nous avons fait le choix de réduire au maximum les risques [en reprenant des éléments qui marchaient]« Nous avons introduit de nouvelles fonctionnalités qui étaient nécessaires pour satisfaire de nouveaux besoins », explique Pier Domenico Resta. En 2014, lorsque l’Agence spatiale européenne a décidé de commencer à développer sa nouvelle fusée, « nous avons [avait] “Nous avons donc décidé de réutiliser un étage cryotechnique inférieur avec un moteur Vulcain qui en était déjà à la version 2.1, qui pourrait être réutilisé”, poursuit-il. C’est donc ce moteur qui constitue l’étage principal d’Ariane 6. Le moteur Vinci, qui propulse l’étage supérieur, “avait déjà fait ses preuves” en cumulant “des milliers de secondes de tests” et a donc été réutilisé.

Mais Ariane 6 reprend aussi des éléments de Vega, le lanceur léger européen. Les boosters de la nouvelle fusée de l’ESA sont une « version évoluée de son premier étage », qui avait l’avantage considérable d’« avoir déjà volé plusieurs fois » et donc « d’être fiable », explique Pier Domenico Resta. Ces similitudes entre les fusées participent de l’idée d’avoir une « famille de lanceurs européens ». Le concept a été poussé encore plus loin puisque les boosters d’Ariane 6 sont utilisés comme premier étage de Vega-C, la nouvelle version du lanceur léger. Celui-ci devrait d’ailleurs voler pour la première fois cette année, après l’échec de son premier vol commercial en décembre 2022. De grandes premières à venir pour l’espace européen.

 
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