Jérôme est malvoyant, en raison d’une maladie génétique appelée rétinopathie pigmentaire. “C’est une maladie qui se développe à la naissance. Dans mon cas, elle a été diagnostiquée très tard, en 2010, alors que j’avais 34 ans, car j’ai la « chance » d’avoir une maladie qui évolue lentement.“
Marie, artiste atteinte de rétinite pigmentaire
Réadapter le quotidien au handicap
Aujourd’hui, Jérôme ne voit plus rien de son œil droit. “C’est comme un gros brouillard, très épais, où je ne vois rien. A gauche, je vois dans un champ de vision équivalent à une pièce de deux euros.»
Il y a dix ans, après le diagnostic, Jérôme a entamé une rééducation, pour s’habituer aux signaux tactiles. “C’est compliqué quand on perd quelque chose. Étant à la base clairvoyant, j’ai tendance à scanner avec mon œil pour chercher, mais le champ de vision est très limité. Il apprend aussi de nouvelles techniques pour lire, écrire, taper sur l’ordinateur, cuisiner sans voir… »Même se verser un verre d’eau est compliqué quand on ne voit pas. Il existe plusieurs techniques, par rapport au poids, par rapport au bruit de l’eau – mais c’est impossible lorsqu’il y a du bruit ambiant. Il y a des objets, comme des « grillons », qui font un bruit lorsque l’eau passe et avertissent que le verre est presque plein. On ne s’en rend pas compte, mais ce n’est pas si simple de se servir un café sans se brûler.»
Technologie pour les malvoyants
Pour se déplacer, il existe plusieurs solutions. “Mon mari et moi avons acheté une voiture, mais c’est important pour moi d’être indépendante. Je prends les transports en commun, et j’apprends les itinéraires à l’avance, par cœur.»
Il quitte la France et s’installe à Bruxelles, où il se fait coacher pour ses voyages. “Le professeur de locomotion m’a montré comment me rendre à la gare, comment accéder aux informations, qui sont visuelles, à quelle gare descendre.“
Pour les trajets simples, il utilise un GPS sur son téléphone, pour ne pas mémoriser inutilement le trajet, et essaie de poser des repères qu’il peut retrouver, malgré sa déficience visuelle, comme les enseignes lumineuses vertes de la pharmacie.
L’invisibilité de la personne handicapée
En faisant le tour de la table, avec d’autres personnes à Eqla (anciennement l’organisation nationale des aveugles), Jérôme s’est rendu compte qu’il n’était pas le seul à être « renié » par les personnes valides : «Certains ont dit qu’on parlait à leur chien plutôt qu’à eux !“
“Être malvoyant ne signifie pas nécessairement avoir une canne blanche, un chien-guide ou des lunettes noires.» explique Jérôme Goy. Acteur, il a participé au tournage en caméra cachée, où un chien-guide – également acteur – prend la parole. “Je parle dans le micro, puis je me dévoile à l’interlocuteur, pour lui expliquer le problème de l’invisibilité.»
Désormais, reconnaître le handicap de l’autre, c’est aussi s’en occuper. “Souvent, les gens veulent m’aider, me prendre par le bras et me tirer pour traverser la rue ou monter dans le métro. Je reste calme, parce qu’ils ne s’en rendent pas compte, mais en réalité, ils doivent me parler, me demander si j’ai besoin d’aide. Si je suis devant chez moi, j’ai le contrôle, je dois juste y retourner. Et si j’ai besoin d’aide, je leur dirai de plutôt prendre mon bras gauche, pour que je puisse continuer à marcher sur le sol avec ma canne, pour ne pas tomber… L’important c’est de nous parler.“