« L’IA est une technologie trop importante pour ne pas être réglementée. » – .

« L’IA est une technologie trop importante pour ne pas être réglementée. » – .
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Joëlle Barral est directrice de la recherche en intelligence artificielle chez Google DeepMind, où elle dirige des équipes de recherche fondamentale en Europe ainsi qu’à Montréal et Cambridge. Française et polytechnicienne, Joëlle Barral a fait carrière pendant plus de 15 ans dans la Silicon Valley, d’abord à Stanford en imagerie médicale puis chez Google où elle a travaillé sur la chirurgie robotique.

Joëlle Barral (Google) : L’IA est un vaste domaine que nous cherchons à mieux comprendre sous ses aspects, à la fois comme outil et comme sujet de recherche fondamentale en informatique. C’est une manière de relever de nombreux défis en matière de science, de santé et d’environnement. Notre objectif est de rendre l’IA utile au plus grand nombre, dans une démarche à la fois audacieuse et responsable, à travers l’ensemble de nos produits et services.

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Paris Match : Votre objectif ultime est-il de créer une intelligence artificielle générale autonome ?

Joëlle Barral (Google) : Non, notre mission n’est pas de créer une IA autonome ou une « superintelligence » comme un objectif en soi. Nous travaillons plutôt à développer des modèles capables d’effectuer des tâches de plus en plus complexes et variées, tout en gardant toujours les humains aux commandes. Il s’agit d’évoluer vers des agents décomposant un objectif en plusieurs étapes, mais avec un cadre et une finalité définis par l’homme. Nous souhaitons rendre l’IA utile à grande échelle tout en maîtrisant son développement.

La réglementation est nécessaire pour créer la confiance

Paris Match : Pourquoi Paris est-elle devenue une place forte de l’IA ?

Joëlle Barral (Google) : Paris peut s’appuyer sur une grande tradition mathématique, un excellent système de formation supérieure, ainsi qu’un écosystème de start-up dynamique. À cela s’ajoute ces dernières années la création de grands laboratoires de recherche comme le nôtre chez Google. Tous ces atouts réunis permettent à la d’être à la pointe dans ce domaine stratégique.

Paris Match : Le projet de loi européen sur l’IA est-il une bonne chose, même s’il ne s’applique pas au reste du monde ?

Joëlle Barral (Google) : Nous considérons depuis longtemps que l’IA est une technologie trop importante pour ne pas être réglementée. Nous avons également été parmi les premiers à adopter des principes éthiques en plaçant le bénéfice sociétal comme priorité. La loi EUAI va dans le bon sens en proposant un cadre basé sur les risques et les usages. La réglementation est nécessaire pour créer la confiance, à condition qu’elle n’entrave pas l’innovation. Mon expérience dans le domaine de la santé montre que la réglementation constitue un terrain sain pour développer de nouvelles solutions, comme les robots chirurgicaux.

L’IA va certainement transformer profondément nos sociétés, au même titre que l’électricité ou l’informatique.

Paris Match : Quelles avancées technologiques expliquent les progrès rapides de l’IA ces derniers temps ?

Joëlle Barral (Google) : Il y a eu trois clics. Premièrement, la quantité phénoménale de données qui a permis aux modèles d’apprendre par eux-mêmes à extraire les modèles sous-jacents. Puis les architectures « Transformers » inventées en 2017, qui ont révolutionné la formation des réseaux de neurones. Enfin l’explosion de la puissance de calcul, avec un point d’inflexion sur les modèles génératifs comme AlphaFold qui devine la structure 3D des protéines. Là où il a fallu 5 ans à un doctorant pour en modéliser un, l’IA en prédisait 200 millions en un an ! Il s’agit d’un changement de paradigme pour la recherche.

Paris Match : L’IA sera-t-elle la plus grande révolution technologique de tous les temps ?

Joëlle Barral (Google) : L’IA va certainement transformer profondément nos sociétés, au même titre que l’électricité ou l’informatique. Quand je vois les prouesses dont sont déjà capables les modèles actuels, qui dépassent ce que j’aurais imaginé il y a peu, je suis stupéfait. En recherche, nous progressons désormais à pas de géant là où nous avancions à tâtons. C’est une opportunité incroyable de pouvoir participer à cette révolution technologique majeure qui va nous occuper pendant longtemps.

Les modèles de langage actuels peuvent donner l’illusion d’états émotionnels par le biais du mimétisme, mais ne ressentent rien.

Paris Match : prédit une IA plus intelligente que les humains à partir de 2025, qu’en pensez-vous ?

Joëlle Barral (Google) : Je pense que c’est une approche contre-productive que de se concentrer sur la possibilité que l’IA soit « plus intelligente » que les humains. C’est un mauvais paradigme que de penser notre rapport à l’IA au prisme de la concurrence, alors que l’enjeu est au contraire de viser une complémentarité vertueuse. Prenons l’exemple de la médecine : nous disposons de modèles ultra efficaces pour poser un diagnostic à partir de questions/réponses, mais il serait absurde et dangereux de les remplacer par le médecin. L’IA doit être pensée comme un outil puissant au service des professionnels de santé, pour accroître leurs capacités, et non pour les remplacer. Et cela s’applique à tous les domaines.

Paris Match : La conscience et les émotions sont-elles nécessaires à l’IA généraliste ?

Joëlle Barral (Google) : Tout dépend de ce que l’on entend par « intelligence générale artificielle ». Si nous y pensons comme un ensemble de tâches de plus en plus large, alors non, la conscience et les émotions ne sont pas des conditions préalables. Les modèles linguistiques actuels sont purement statistiques et « à la surface du texte ». Ils peuvent donner l’illusion d’états émotionnels par le mimétisme, mais ne ressentent rien. En revanche, ils peuvent nous aider à mieux gérer nos propres émotions, par exemple en détectant un ton trop agressif dans un email. L’IA peut promouvoir l’empathie et rationaliser le dialogue social, mais sans être elle-même dotée d’affects.

Je suis convaincu que les avancées futures viendront moins de la force brute que d’une meilleure intégration de l’IA dans notre quotidien.

Paris Match : Quels sont les enjeux de l’explicabilité et de la transparence des algorithmes ?

Joëlle Barral (Google) : C’est un enjeu majeur car l’acceptabilité de l’IA passe par la confiance, et cela passe par la transparence. Mais ce n’est pas si simple, car les modèles d’IA sont des boîtes noires statistiques. On pourrait donner une note de confiance pour chaque prédiction, mais le grand public serait vite perdu avec les chiffres. Il faut donc trouver les moyens de rendre ces algorithmes interprétables par des non-experts. Un défi connexe est celui des préjugés, dont il faut veiller à ce qu’ils ne reproduisent pas les disparités existantes, notamment en matière de santé. D’où l’importance d’auditer les ensembles de données de formation.

Paris Match : Certains prédisent que nous atteindrons les limites physiques de l’informatique avec des modèles d’IA exponentiellement plus exigeants. Qu’en penses-tu ?

Joëlle Barral (Google) : C’est un fait que nous avons besoin de plus de puissance de calcul, notamment en Europe, pour suivre le rythme. Mais nous avons également fait des progrès significatifs dans l’efficacité énergétique de nos modèles et datacenters, qui consomment 3 fois moins qu’il y a 5 ans pour la même taille. Et je suis convaincu que les avancées futures viendront moins de la force brute que d’une meilleure intégration de l’IA dans notre quotidien, avec des interfaces plus immédiates et naturelles que nos écrans et nos claviers.

Je ne crois pas du tout au remplacement des humains par des machines.

Paris Match : L’IA sera-t-elle finalement notre meilleure assistante ou est-elle destinée à nous remplacer ?

Joëlle Barral (Google) : L’IA est déjà un formidable assistant quotidien qui nous aide dans une multitude de tâches, de la gestion du calendrier à la rédaction d’e-mails et d’itinéraires. Et cela ne fera qu’augmenter dans les années à venir, dans tous les domaines. Cependant, je ne crois pas du tout au remplacement des humains par des machines. Le véritable potentiel de l’IA réside dans sa capacité à nous accompagner, à nous rendre plus efficaces, plus pertinents, en nous déchargeant de certaines tâches chronophages ou en en réalisant d’autres hors de notre portée. Mais cela n’a de sens qu’au service d’une décision et d’un objectif humains. Notre défi est d’apprendre à co-évoluer harmonieusement avec cette technologie, dans une relation complémentaire bénéfique.

 
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