En grandissant, Trèd’si était plutôt une scierie traditionnelle jusqu’à ce que son père ait une sorte de « vision » avec une pile de poteaux électriques comme ceux utilisés pour soutenir les lignes électriques, explique l’entrepreneur.
« Il a pensé que nous pourrions leur donner une seconde vie et il l’a essayé. »
En 1997, un premier partenariat avec Hydro-Québec est signé. Un an plus tard, la tempête de verglas fait rage, ce qui propulse l’entreprise de Westbury.
Grâce à Trèd’si, des milliers de poteaux électriques en bois traité ont été recyclés et revalorisés. Mme Tremblay insiste : « Le bois utilisé pour les poteaux a toujours été le plus droit et le plus solide. Ce n’est pas parce qu’il ne peut pas servir à fabriquer un poteau qu’il ne sert à rien. »
Ce qui motive Mohika Tremblay ? « C’est l’économie des ressources vierges qui nous passionne », dit-elle spontanément.
Maîtrise parfaite du son de la scie
Le bruit de la scie lui rappelle aussi son enfance. « Je peux savoir ce qui se passe rien qu’en l’entendant. Je recommence à respirer quand elle tourne. Le reste du temps, je retiens mon souffle », imagine-t-elle.
C’est pourtant loin de la scierie qu’elle a commencé ses études pour devenir avocate, jusqu’à l’université. Malgré tout, l’idée de reprendre les rênes de l’entreprise familiale lui avait toujours traversé l’esprit.
« J’étais au cégep et je participais aux conseils d’administration de Trèd’si. Parfois, c’était très long, raconte-t-elle en riant. En réalité, ça m’a donné une vision différente de la gestion de l’entreprise. »
Au passage de La Tribune Dans les locaux de l’entreprise, son père Jean-Yves Tremblay était présent. Bien qu’il ait délégué les pleins pouvoirs à sa fille, il visite régulièrement l’entreprise qu’il a fondée.
Syndrome de l’imposteur
C’est en 2015 qu’elle reprend officiellement le flambeau. Elle ne cache pas avoir eu le syndrome de l’imposteur à ses débuts. « Quand on prend la relève de Jean-Yves, ce n’est pas vrai qu’on peut prétendre tout savoir. »
Qu’a-t-elle fait pour se sentir à la hauteur ? « J’ai étudié. J’ai compris. J’ai toujours travaillé dur, plus dur. J’ai élargi mes connaissances. Il n’y a pas un morceau de bois que je n’aie soulevé. Chaque jour, je sors dans la cour. »
« Les gens sont respectueux quand vous savez de quoi vous parlez. »
L’environnement au top
La protection de l’environnement est au cœur des valeurs de Mohika Tremblay. À l’heure où les feux de forêt sont de plus en plus fréquents, la femme d’affaires croit qu’il est encore plus important d’éviter que le bois connaisse une fin de vie prématurée.
« Votre arbre fait votre ombre, votre climatiseur et il collecte votre pollution. Il n’y a pas de limite. Je me dis souvent qu’il est juste de le comprendre et que les gens sont un peu loin de cette nature. »
« Nous ne briserons pas toute l’économie en la repensant », soutient-elle.
Aujourd’hui âgée de 38 ans, elle estime qu’il reste encore beaucoup à faire en matière d’éducation concernant la seconde vie utile du bois.
Le bois est un capteur et un réservoir de carbone. « C’est un acteur de la lutte contre le changement climatique. C’est ce qui nous fait avancer. J’ai eu des petites phases de déprime car au niveau environnemental, on voit parfois que les bottes ne suivent pas toujours les lèvres. C’est particulier, il y a beaucoup de choses à défendre dans notre secteur. C’est une niche. »
L’économie circulaire des ressources forestières devrait être l’une des priorités, selon elle. Elle rappelle qu’une mauvaise gestion du bois traité peut avoir des effets considérables sur l’environnement. Trèd’si vise notamment à réduire la pression exercée sur les ressources forestières.
Concurrence déloyale
La concurrence déloyale est l’un des plus grands défis auxquels fait face Mohika Tremblay, notamment en ce qui concerne l’entreposage du bois traité. Selon elle, les entreprises accumulent du bois traité sans prendre les précautions environnementales nécessaires.
« Malheureusement, le ministère de l’Environnement n’a pas les moyens de ses ambitions », estime-t-elle.
Le stockage du bois traité devrait être limité, a-t-elle dit, car il génère du lixiviat qui peut contaminer les champs environnants. Le lixiviat est un liquide produit lorsque l’eau traverse des déchets ou des polluants.
De son côté, Trèd’si traite toute l’eau qui entre en contact avec le bois traité, assure Mme Tremblay.
« C’est le lixiviat qui est le principal enjeu. Quand on est en deuxième vie utile, c’est moins intense selon l’âge du poteau. […] « Quand on est dans la première vie, le lixiviat et la quantité de conservateurs contenus dans le pôle sont de 100 %. Ici, c’est peut-être 40 % ou 50 %. Avec le changement climatique, ce que l’on voit arriver, ce sont des pôles plus jeunes. D’où l’importance d’agir sur le stockage. Plus ils sont jeunes, plus ils lessivent. »
A ses yeux, l’Etat devrait être « plus exemplaire » dans sa gestion des poteaux d’utilité publique. A l’image de Trèd’si et de son propriétaire qui se battent pour qu’enfin l’environnement prenne le pas sur l’économie.
Assise dans son bureau avec son père, Mohika Tremblay se souvient de passer tous ses étés à travailler chez Trèd’si. À l’âge de 12 ou 13 ans, elle a commencé à effectuer quelques tâches dans l’entreprise familiale.
« Ce que je voulais, c’est que tu puisses t’asseoir sur toutes les chaises », dit Jean-Yves Tremblay en regardant sa fille.
En occupant tous les postes, Mohika Tremblay peut comprendre la réalité de ses employés. Il y a une vingtaine de personnes qui travaillent dans l’entreprise.
« Mon cœur était toujours là. Mon père y croyait tellement. Il était un exemple. »