« Gagner la Coupe Stanley avec les Canadiens ? Oh mon Dieu! C’est son rêve ! Si vous saviez à quel point mon père aime cette équipe, à quel point mon grand-père est fan du CH. La maison de mon père n’habitait que pour le Tricolore, quand il était petit… »
À l’autre bout du fil, Lucas, l’un des trois fils de Martin St-Louis, est clair : son père est en mission. En fait, il l’est depuis la première seconde de son règne comme entraîneur-chef du Canadien, qui a débuté le 9 février 2022.
« Quand mon père se lance dans quelque chose, il y consacre vraiment toute son énergie », ajoute le jeune homme de 19 ans. Et c’est rare qu’il n’aboutisse pas son projet !
Ce qui est plaisant, c’est que le « projet » actuel de Martin St-Louis, qui est aussi son rêve, représente aussi le rêve de millions de Québécois : un 25e championnat pour le Tricolore. Et, espèrent les supporters du club, plusieurs autres ensuite.
Le défi, soyons francs, nécessite qu’un entraîneur possède un ensemble de compétences qui dépassent largement le strict cadre sportif.
Mais les semaines qui passent nous rappellent de plus en plus souvent que Martin St-Louis pourrait très bien, à terme, être l’homme de la situation.
Lucas et Ryan, les deux aînés de « MSL », ont généreusement accepté de parler avec TVASports.ca.
“Il aime prouver aux autres qu’ils ont tort.”
Le 10 novembre dernier, le CH était 32e et dernier dans la LNH.
Dans la jungle que constitue le marché montréalais, tout ce qui concernait l’équipe était sujet à critiques. Et visiblement, le sélectionneur n’a pas échappé aux nombreuses offensives.
Son système de jeu en zone défensive, sa gestion du banc, son approche individuelle avec certains joueurs et croyez-le ou non… son langage non verbal (!) avait été bouleversé. Certains partisans et experts s’étaient d’ailleurs interrogés sur la pertinence de poursuivre la saison avec Martin St-Louis derrière le banc.
Pourtant, alors que la soupe était extrêmement chaude, le Québécois a fait cette déclaration meurtrière en point de presse, révélant une confiance inébranlable :
« Pourquoi devrais-je écouter les critiques de personnes à qui je ne demanderais pas conseil ? »
Photo Agence QMI, JOËL LEMAY
« Mon père me disait souvent que tout le monde aura son opinion sur toi dans la vie, mais cela ne veut pas dire que ces gens ont raison », explique Ryan, le garçon aîné de Martin. Il faut savoir ce qu’on vaut et laisser les autres parler.
Puis, le 7 novembre, toujours au cœur de la mauvaise séquence du club, Martin St-Louis déclarait aussi que « quand les choses tourneraient mal pour le CH, le club serait dangereux ». La remarque, à l’époque, en a surpris plus d’un.
Mais un peu plus de deux mois plus tard, le CH est aux portes des séries. Il affiche une fiche de 14-3-2 à ses 19 derniers matchs et est la meilleure équipe (!) de la LNH depuis le 15 décembre.
Durant la tempête, Saint-Louis n’a jamais paniqué. Il n’a jamais jugé bon de tout chambouler. Il est resté fidèle à sa vision. Il est resté… ce qu’il est : le plus confiant possible.
« Il est arrivé dans la LNH sans aucune expérience. Cela l’a en quelque sorte mis sous les projecteurs dès le début. Mais il aime vraiment donner tort à ceux qui doutent de lui », rit Ryan.
Son frère Lucas est d’accord.
«Je n’ai jamais été nerveux pour lui. Pas une seconde. Tout au long de sa carrière et de sa vie, mon père a dû se battre pour obtenir ce qu’il voulait. Je dirais que la valeur de résilience le caractérise parfaitement. Il a toujours affronté l’adversité en baissant la tête et en se lançant. Évidemment, c’est comme ça qu’il m’a élevé. Il m’a toujours appris à travailler dur, à persévérer même quand les choses n’allaient pas bien.
« Il est vraiment fort mentalement et il est très, très confiant. Il ne se soucie pas de ce que la presse dit de lui ou des commentaires négatifs des gens. Il sait ce qu’il fait.
« Il a fait tenir debout tout le vestiaire »
Martin St-Louis a non seulement confiance en lui, mais il semble aussi passer maître dans l’art d’inspirer confiance.
-Depuis son arrivée au pouvoir, ils sont extrêmement nombreux à mentionner qu’ils « ont joué pour leur entraîneur ».
Jamais, même lors des séquences difficiles (et elles étaient nombreuses !), nous n’avons ressenti de décalage entre les patineurs et leur entraîneur.
Martin St-Louis, disent ses enfants, est un homme pour qui la famille est extrêmement importante. Et il essaie de recréer cette ambiance familiale avec ses ouailles.
« Il était toujours là pour nous, quel que soit son travail. Notre famille est vraiment sa priorité. Et il souhaite que son équipe soit unie comme sa famille. Il croit que les clubs gagnants sont ceux où l’ambiance est la meilleure», affirme Lucas, qui n’est pas surpris que les joueurs du Tricolore veuillent donner autant à son père.
« Il a entraîné mon équipe pendant cinq ans et je me souviens de ces grands matches où il mettait tout le vestiaire debout avec ses discours. C’est un si bon motivateur ! Il sait comment toucher tous les gars au fond et ce n’est vraiment pas donné à tous les entraîneurs.
PhotoGetty Images/AFP
« Je sais que vous commencez à connaître sa passion pour les analogies (rires). Son meilleur discoursétaient précisément ceux où il comparait le hockey à la vie en général. Je me souviens particulièrement d’une fois où il nous avait dit qu’il fallait se soutenir sur la glace comme on le ferait si nos coéquipiers étaient en difficulté à l’extérieur de l’aréna. Nous étions toujours aussi excités ! Cela me fait sourire de l’entendre encore aujourd’hui utiliser de telles métaphores dans ses points de presse. Celui que vous voyez tous les jours est en réalité mon père. Et je trouve beau de voir qu’il n’a pas changé.
Le jeune homme fait alors une petite pause, puis repart.
« Mon père est honnête. Que ce soit positif ou négatif, il vous dira ce qu’il pense réellement. Il pense que c’est la meilleure façon de tirer le meilleur des gens. C’est ainsi qu’il a bâti sa famille et… comment il dirige son équipe.
“Le plus grand cerveau de hockey que je connaisse”
Mais finalement, la tâche première de Martin St-Louis, en tant qu’instructeur-chef, est d’enseigner.
Et depuis qu’il a pris ses fonctions, combien de fois l’a-t-on vu relancer des joueurs individuellement grâce à une approche personnalisée ? Plusieurs.
« Eh bien, objectivement, dit Lucas, mon père est le plus grand cerveau de hockey que je connaisse. Il pense constamment au hockey. Et ce qu’il faut retenir, c’est qu’il est excellent dans la transmission de ses connaissances. Il y a un écart énorme entre maîtriser quelque chose et savoir l’expliquer, déclare à juste titre le jeune homme. Je pense que c’est la raison pour laquelle tant de joueurs du CH s’améliorent sous ses ordres.»
Et au-delà de tout ça, le coach a une mentalité qui correspond on ne peut mieux au développement des jeunes talents : il laisse s’exprimer ses bons éléments et ne sera jamais, m’a-t-il expliqué en point presse, celui qui les menottera.
« Je ne suis pas un leader en résultats. J’aime beaucoup l’approche de Nick Saban. Lorsqu’il est passé au leadership transformationnel, il a commencé à connaître beaucoup de succès. Le hockey est un jeu d’erreurs. Il faut être prudent, car lorsque vous menottez vos meilleurs joueurs, ils deviennent juste moyens.
«Je lui serai toujours reconnaissant»
La charge de travail d’un entraîneur-chef dans la LNH est immense. Mais Martin St-Louis, dont les trois garçons – Lucas (NCAA – Harvard), Ryan (NCAA – Brown) et Mason (Prep School) – sont des joueurs de hockey, n’en a jamais assez. La déclaration suivante parle d’elle-même.
« Mon père regarde tous nos matchs sans exception, confie Lucas. Après chaque match, il prend le temps de discuter avec nous de tous les aspects du jeu et il met beaucoup l’accent sur le côté mental de notre parcours. Il nous demande souvent ce que nous ressentons. Il est tellement investi en nous. Je lui serai toujours reconnaissant.
Photo Ben Pelosse
Dans une ligue où 32 équipes s’affrontent et où les entraîneurs vont et viennent au rythme des saisons, le rêve de Martin St-Louis de remporter la Coupe Stanley avec les Canadiens est loin d’être une certitude.
Mais en attendant de savoir si son souhait se réalisera, l’entraîneur principal peut se vanter d’avoir gagné bien plus important : le respect, l’amour et l’admiration de ses trois enfants.
Et c’est le trophée le plus prestigieux au monde.
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