Les Girondins de Bordeaux vont-ils faire tomber l’exploitant du stade Matmut Atlantique, la société SBA (Stade Bordeaux Atlantique) ? Un peu plus de six mois après la rétrogradation du club de football en National 2, l’équivalent de la quatrième division, SBA est au bord du dépôt de bilan. Mais l’effondrement des Girondins semble n’être, finalement, que le verre qui a fait déborder le vase, le fonctionnement du stade ayant été régulièrement déficitaire depuis sa construction en 2015, avec des pertes cumulées frôlant les 20 millions d’euros.
La question qui était sur toutes les lèvres à la rentrée dernière brûle désormais en janvier : que deviendra la salle Matmut Atlantique de 42 000 places (qui va bientôt perdre son nom avec la fin du contrat de naming) ? Construit à l’époque Juppé dans le cadre d’un PPP (Partenariat Public-Privé) d’une durée de trente ans, notamment pour accueillir l’Euro de football 2016, le stade est la propriété de la métropole bordelaise. Mais il est exploité et entretenu par SBA, filiale des groupes de BTP Vinci et Fayat.
Trop cher de « mettre un stade à disposition d’un club » selon Hurmic
La présidente de Bordeaux Métropole, Christine Bost, a indiqué mardi que la collectivité se préparait à toutes les éventualités, notamment la liquidation de SBA, et qu’elle pourrait reprendre la gestion du stade mais pas son fonctionnement (c’est-à-dire l’organisation d’événements). La Métropole devra néanmoins continuer à payer ce qu’elle doit pour la construction, soit 5 millions d’euros par an, à moins que les banques ne réclament la totalité de la somme – 85 millions d’euros – à un Du coup, une option que l’élu semble exclure.
Jeudi, le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, a également estimé que la métropole allait certainement « devoir reprendre la gestion du stade, du moins dans un premier temps. » « Je ne pense pas qu’une ville ou une métropole ait vocation à gérer durablement de tels équipements, extrêmement coûteux », ajoute-t-il. En revanche, le football professionnel doit devenir autonome. Mettre un stade à disposition d’un club représente un engagement financier important de la part de la collectivité. Ce sont des clubs qui gagnent des millions et des millions, ces millions doivent aussi servir à acheter les terrains pour leurs joueurs. C’est pourquoi je ne désespère pas qu’un éventuel repreneur des Girondins rachètera également le Grand Stade. J’ai tendance à penser qu’on vendra le club plus facilement si on met un actif de cette nature à la poubelle. »
« Si un partenaire privé se manifeste, il négociera à la baisse »
Mais comment la situation financière a-t-elle pu dégénérer à ce point à Bordeaux ? « Il y a eu une combinaison de plusieurs éléments », estime Guillaume Gouze, consultant au pôle économique du Centre Droit et Sport de Limoges et co-directeur du diplôme CDES Manager de Stade. Vinci est un groupe qui possède une forte expertise dans la gestion d’infrastructures dont des stades, mais nous nous retrouvons face à un opérateur privé qui n’a pas réussi à respecter son business plan. Il y a aussi des éléments externes – la hausse des coûts de l’énergie, par exemple – qui ont contribué aux mauvais résultats du stade. La conclusion malheureuse est que les pouvoirs publics devront récupérer ces équipements à leurs frais. » Et Guillaume Gouze prévient qu’à l’approche des élections municipales de mars 2026, ce dossier peut vite devenir « explosif ». »
Quelle serait la meilleure solution pour l’avenir du stade, selon le spécialiste ? « Il n’y en a pas, ce sera le moins mauvais qui sera choisi. Il faudrait à terme trouver un investisseur privé. Mais attention, ils ne sont pas fous. Ils ont bien vu que ça ne marchait pas et qu’il n’y a actuellement aucune ressource viable via le football compte tenu de la situation des Girondins. Si un partenaire privé se manifeste, il négociera à la baisse. La communauté s’engagera-t-elle à trouver un partenaire à tout prix ? »
Un partenariat entre l’UBB et les Girondins serait-il envisageable ?
Une autre option, selon Guillaume Gouze, serait de « créer une structure de fonctionnement commune entre les Girondins et l’UBB ». [le club de rugby]. » L’UBB pourrait ainsi « reprendre la gestion du stade en passant un accord avec la collectivité, et les deux clubs assureraient son développement. Mais peuvent-ils s’entendre sur ce point ? »
-Our file on the Girondins de Bordeaux
Surtout, Laurent Marty, président de l’UBB, a insisté sur le fait qu’il n’était pas intéressé par le Grand Stade, et que son club restait très attaché au stade Chaban-Delmas. « On sait que le meilleur moyen d’obtenir quelque chose au prix qu’on veut, c’est de dire qu’on n’est pas intéressé », analyse Guillaume Gouze. « Cela dit, ce serait un grand changement pour l’UBB. » L’affaire est donc loin d’être réglée.
“Aucune erreur politique” dans cette affaire, estime le spécialiste
Dix ans après la construction du Grand Stade, quelle analyse peut-on faire du choix d’Alain Juppé de doter Bordeaux de ces équipements et de privilégier le PPP ? « Le retour que l’on peut tirer de ces modèles de partenariat public-privé pour les stades de football, c’est que ce sont des modèles qui ne fonctionnent pas », analyse Guillaume Gouze.
“Ils ont été privilégiés à l’époque où la France postulait pour remporter l’Euro 2016”, se souvient-il. Les collectivités n’ayant pas les moyens d’investir dans de grands stades, elles passèrent des contrats avec des partenaires privés pour les construire, en échange desquelles elles leur confièrent la gestion de l’opération sur trente ans. On voit que ces modèles ne sont finalement pas bons pour les opérateurs privés, puisque l’on voit d’autres exemples fleurir, à Nice, Lille ou Marseille, même s’ils ne sont pas dans la situation critique de Bordeaux. »
Même chose pour les finances publiques : « on savait que ces PPP étaient des bombes à retardement » poursuit le spécialiste. Même s’il ajoute que « l’accord de Bordeaux a été plutôt bon pour la collectivité par rapport à d’autres infrastructures », et que selon lui, « il n’y a pas eu d’erreur politique » en la matière.
« On peut toujours s’interroger sur la nécessité de disposer de gros équipements », conclut Guillaume Gouze. Bordeaux doit-il se placer sur la carte des grands événements sportifs et des grands concerts ? Doit-il répondre à un besoin d’utilité sociale ? Tout est une question de choix politique. »
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