C’est le cœur lourd et dans un état de fatigue extrême qu’Eric Bellion a pris la décision hier soir d’abandonner son 2ème Vendée Globe.
Après avoir consulté son entourage, évalué la situation et étudié toutes les possibilités, le skipper de STAND AS ONE – Altavia a dû se rendre à l’évidence, aux conditions météorologiques de la zone et à la configuration de cet archipel (qu’il connaît bien pour avoir déjà arrêté il y a 20 ans lors d’une précédente aventure sur Kifouine), ne lui a pas permis de mettre son bateau en sécurité sans faire appel à une aide extérieure.
Alors qu’il avait contourné le Cap Horn jeudi et entamé sa remontée de l’Atlantique, Éric a contacté son équipe à terre hier samedi 11 janvier à 9h33 pour lui annoncer que la réparation effectuée quelques jours plus tôt (fixation de l’étai J2 – voile d’avant ) avait cédé et il se détournait vers les îles Falkland pour se mettre à l’abri (vent de nord-ouest prévu pouvant atteindre 40 nœuds – 70 km/h avec des rafales à 50 nœuds – 92 km/h).
Après 14 heures de navigation, à l’approche de Port Stanley (East Falkland) et comme à son habitude, Eric a fait appel à son matelotage : il n’a pas jugé raisonnable de retenter cette réparation seul sans avoir ensuite l’occasion de tester son efficacité et sa fiabilité. Réparer pour repartir dans une mer formée et au près aurait signifié accepter de perdre le mât à tout moment. Rappelons qu’Eric a imaginé et donné vie à ce bateau résolument décalé (partagé avec Jean le Cam) en juin 2023.
Le règlement est clair, « sans assistance » est l’un des paramètres qui constitue la signature de cette course mythique : faire appel à l’assistance, c’est se retirer de la compétition. Déterminé mais pas obstiné, Eric a fait un choix raisonnable, compte tenu de ces avaries structurelles qui menacent l’intégrité de son mât. Il souhaite néanmoins diriger seul son bateau vers les Sables d’Olonne une fois qu’il sera fiable (2 personnes de son équipe devraient y arriver demain). Une aventure hors course devrait alors commencer à écrire la suite de l’histoire.
Éric Bellion – skipper de STAND AS ONE – Altavia
« J’avais très peur de perdre mon bateau. Si nous étions arrivés 10 minutes plus tard, il se serait échoué. Le bateau est en sécurité et c’est tout ce qui compte »
« Hier tôt le matin, alors que je naviguais plein nord dans du vent fort au près pour naviguer au large des Malouines, j’ai découvert que ma réparation était tombée en panne. Heureusement, j’ai pu le descendre et j’avais déjà sécurisé le mât avec un câble, donc je n’ai pas perdu le mât. L’objectif était alors de trouver une zone sous le vent des Malouines pour pouvoir réparer. Mais en naviguant le long de la côte nord des Malouines, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas avoir une réparation durable sans modifier une pièce que je n’avais pas à bord.
Compte tenu de la situation météorologique de la zone, je me suis vite rendu compte que si je voulais me mettre à l’abri dans cet archipel (plutôt plat et où l’accès en IMOCA est compliqué) j’avais besoin d’assistance, je ne voulais prendre aucun risque pour le bateau.
Prendre la décision d’arrêter a été horrible. Je suis tellement déçu après tous ces efforts, mon objectif était de me battre, de faire de mon mieux pour remonter au classement. C’est comme ça que ça devait être écrit, je dois maintenant attendre que les deux personnes de mon équipe arrivent lundi avec la fameuse pièce, pour qu’elle soit réparée au plus vite pour que je puisse repartir sereinement seul. Nous terminerons ce tour du monde, une nouvelle aventure commencera et l’histoire sera belle aussi.
Cela a commencé très fort avec l’arrivée aux Malouines, de nuit, avec un vent de plus de 35 nœuds et des rafales qui ont duré, une des manœuvres les plus rock and roll de ma vie de marin.
Je dois le fait que le bateau soit intact, au calme, à l’assurance et au professionnalisme de Paul, Marilou, Barth, Marion et de toute l’équipe du port. Tout mon instinct me disait que j’allais droit dans un piège, j’avais très peur de perdre mon bateau. C’était une manœuvre très risquée pour s’amarrer au ponton. Dix minutes plus tard, le vent est monté à plus de 50 nœuds, dix minutes plus tard je pense que le bateau s’est échoué. Nous avons eu beaucoup de chance.
Je suis à terre, accueilli par Marilou qui me donne des fruits et des salades à manger, j’ai marché pour la première fois à terre, toutes ces choses que j’avais fantasmé de faire aux Sables d’Olonne et que je fais enfin ici au Malouines… ce n’est pas comme ça que j’imaginais les choses mais c’est comme ça. Je suis très reconnaissant de cette chance qui a été donnée au bateau et à moi et j’essaierai de l’utiliser au maximum pour terminer cette aventure en beauté.
Nous sommes en sécurité, le bateau est en sécurité, personne n’est blessé. J’ai pu compter ici sur des personnes extraordinaires, merci beaucoup pour ce soutien. Maintenant on va laisser passer la tempête, on va la réparer et on va passer à autre chose. On sèche nos larmes et on construit une nouvelle aventure. »
Related News :