Depuis la saison dernière en Pro D2, Sacha Valleau n’a plus mis les pieds sur un terrain. En question? Une grave blessure au dos, qui le pousse à mettre un terme prématurément à sa carrière (28 ans). L’ancien international français de 7 explique avec émotion le chemin de croix qu’il traverse depuis près d’un an et qui le handicape dans son quotidien.
Vous mettez donc fin prématurément à votre carrière. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
J’ai une blessure au dos depuis la fin de la saison dernière, avant que le club (Vannes, ndlr) ne remporte la finale de Pro D2 et monte en Top 14. Lors d’un stage avec l’équipe, nous avons fait un stage militaire de cohésion à la fin de la saison. En sautant un exercice, j’ai ressenti une douleur dans le dos. Et depuis, je n’ai jamais réussi à m’en sortir. Je me suis poussé à m’entraîner, à arriver au terme de la saison du mieux que je pouvais. Et, en fait, il s’est complètement lâché pendant une séance d’entraînement.
Avez-vous trouvé la cause ?
J’ai passé des tests qui ont révélé que j’avais quatre hernies discales dans le bas du dos. En faisant des images complémentaires puis en allant voir le spécialiste du dos en France, Pierre Bernard, on s’est rendu compte que j’avais un disque, le dernier entre le bassin et le bas du dos, qui était complètement rongé. En fait, il y a littéralement des trous. Cela provoque un frottement direct de mes os les uns contre les autres et crée une souffrance quotidienne déjà difficile à vivre même sans faire de sport. On m’a dit que j’avais le dos d’un homme de 75 ans.
Je n’ai pas eu une nuit complète de sommeil normale depuis plus de six mois
Comment cela se matérialise-t-il au quotidien ?
Je suis incapable de trotter. Cela peut paraître peu, mais le sport, c’est toute ma vie. Je me réveille la nuit dès que je bouge trop. Ce qui est le plus débilitant, c’est que je n’ai pas eu une nuit complète de sommeil normale depuis plus de six mois. Chaque fois que je me retourne dans mon sommeil, je suis réveillé par des maux de dos. Jusqu’à récemment, je ne pouvais pas conduire. Quand je prends le train, je dois rester dans le wagon-bar. Un trajet d’une heure en avion, c’est très compliqué. J’ai réalisé, lorsque j’ai voulu jouer avec mon chien, que cela m’était impossible.
Et ensuite ?
L’espoir est de se dire qu’aujourd’hui, seul le - peut éventuellement améliorer cela. Le fait de ne plus avoir de contact, de ne plus pratiquer un sport traumatisant pourrait me permettre, à l’avenir, d’avoir de meilleures conditions de vie. En arrêtant de courir, de tacler, de prendre contact, mes problèmes de dos vont peut-être se « stabiliser ».
La chirurgie n’est donc pas envisageable ?
Il n’y avait qu’une seule intervention chirurgicale réellement possible : la pose d’une prothèse lombaire, ce qui reste une opération très lourde. Il faut savoir qu’on ouvre les abdos de 25 ou 30 cm pour retirer de manière irréversible ce qui reste de mon disque. Pour les personnes de moins de 40 ans, c’est extrêmement rare. Et pour les sportifs de haut niveau, c’est quasiment du jamais vu. Sur les prothèses lombaires, ciblées L5 S1, il n’y a pour l’instant que quatre cas qui concernent deux personnes vraiment sportives : un joueur de rugby à 13 et un basketteur Pro B. Et tous deux se sont arrêtés après la pose de la prothèse, souffrant davantage.
Je suis allé jusqu’à faire des soins à base de plantes, de champignons
Avez-vous essayé des alternatives ?
J’ai passé les six premiers mois à parcourir toute la France, à découvrir tous les types de médecine possibles. J’ai tout essayé, du kiné à l’ostéopathe, en passant par le chiropracteur, presque jusqu’aux personnes un peu vaudou. Je suis allé jusqu’à faire des traitements à base de plantes et de champignons. J’avais très envie de me guérir et, petit à petit, une forme de peur a commencé à entrer dans ma tête. En me disant qu’à 28 ans, est-ce que je vais avoir cette douleur toute ma vie ? Mon objectif numéro un, « mon rêve » pourrait-on dire, qui était de jouer le Top 14, a été abandonné. J’avais simplement pour objectif de retrouver une vie normale.
Cette « petite mort », comme on l’appelle, qui marque la fin de votre carrière, l’avez-vous acceptée ?
C’est une bonne question, je ne sais pas si je l’ai complètement acceptée. (Il fait une pause.) Ce qui est terrible aujourd’hui, c’est de ne pas suivre mes rêves. Quand j’ai quitté l’équipe de France 7, je ne pensais qu’à jouer en Top 14. Aujourd’hui, le club est là, et je sais que je n’y mettrai jamais les pieds, que je ne jouerai aucune minute de ma vie en Top 14. Là où je vois le petit aspect mort que tu évoques, c’est pour le sportif que je suis en général. Cela me dit potentiellement que je ne pourrai jamais obtenir une licence pour jouer au football avec mes amis à la fin de ma carrière, que je ne pourrai jamais faire un semi-marathon avec mes proches, ni faire de longues randonnées en les montagnes. Pour l’amateur de sport que je suis, c’est vraiment compliqué. Après, je relativise. J’arrive à avoir une vie supportable, disons. Il y a tellement de gens pires que moi.
Avez-vous identifié les raisons de ces problèmes ?
Je pense que la vérité est que j’étais déjà un joueur un peu plus fragile que les autres. Je sais que durant ma carrière, je n’ai jamais pu me permettre de sortir après les matches, car sinon j’aurais souvent mal. Pendant dix ans, il me fallait vraiment avoir une bonne hygiène de vie, sinon j’étais sujet aux blessures.
Auriez-vous fait les choses différemment si vous aviez su que cela se terminerait si tôt ? Peut-être plus de - à XV ?
Je ne pense pas que j’aurais obtenu quoi que ce soit, non. C’est drôle parce qu’Antoine Dupont disait récemment que lorsqu’il disait vouloir aller au 7, tout le monde le traitait de fou. Dans un autre contexte, je me souviens que, quand j’ai quitté le Pôle France, quand je jouais au Stade Toulousain, et quand j’ai décidé de rejoindre l’équipe de France entre 7 et 18 ans, même lui m’a dit : « Mais pourquoi tu fais ça ? ce?” En fin de compte, j’ai voyagé partout dans le monde, j’ai joué contre les meilleurs joueurs du monde – Sonny Bill Williams, Quade Cooper, les frères Ioane – j’ai participé aux Jeux olympiques et j’ai participé à une Coupe du monde. à San Francisco devant 75 000 personnes. J’ai aussi pu défier Bryan Habana au Cap, devant 65 000 personnes. Je me souviens aussi d’une demi-finale avec Virimi Vakatawa contre François Hougard, Cheslin Kolbe… Franchement, je me dis que j’avais vraiment raison de m’écouter. Et, en vérité, du parcours que j’ai eu, j’en suis super fier.
Que voulez-vous que les gens retiennent de vous après ces dix années ?
Si les gens disaient de moi que j’avais toujours le sourire et que j’étais un type bien, j’aurais réussi ma carrière ! Les coachs me reprochaient souvent d’être trop gentil, à l’entraînement, tout ça, mais, en fait, c’était moi. Et si les gens gardent une bonne image de moi, j’aurai tout réussi.
Où ira ta vie à partir de maintenant ?
J’ai eu la chance de goûter aux commentaires des matchs, et c’est vrai que j’aime beaucoup ça. C’est une façon de garder un pied dans le monde du sport, et notamment du rugby. Continuer à vivre des émotions et faire vivre des émotions. C’est aussi pour ça que j’aimais le rugby. J’allais voir des gars qui me faisaient rêver. Aujourd’hui, j’ai la chance, en m’arrêtant à 28 ans, d’avoir presque tous mes amis, mes meilleurs amis, qui jouent encore. Cela peut aussi être un atout pour ce rôle de consultant. Et je ne ferme évidemment pas la porte aux autres sports, notamment au football, même si le rugby reste mon domaine.
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