“Pour la première fois, je peux dire qu’il n’y a rien à redire.” Comme de nombreux observateurs, Markus Buck, responsable du sport de performance chez Swiss Aquatics, a été stupéfait par les Championnats du monde en petit bassin de Noè Ponti à Budapest.
En l’espace de quatre jours, du mardi 10 au samedi 14 décembre, le Tessinois a remporté trois médailles d’or – au 50 m papillon, au 100 m quatre nages et au 100 m papillon – et a battu trois records du monde. A deux reprises sur le 50 m papillon, établissant une nouvelle marque de référence à 21”32, puis sur le 100 m papillon où il a délogé le - de 47”78 réalisé en novembre 2020 par son idole Caleb Dressel (9 fois champion olympique et 15 fois champion du monde, pas moins).
Comme pour Léon Marchand aux JO de Paris, il y aura un avant et un après Budapest 2024 pour Noè Ponti. Ce dernier s’était déjà illustré dans les grandes compétitions internationales, en petit bassin (sept médailles dont trois d’or aux européennes 2023) comme en fond (bronzé aux JO 2021 et vice-champion d’Europe 2022, à chaque fois en 100 m papillon), mais jamais avec autant d’éclat. De quoi l’emmener, à 23 ans, dans une autre dimension. Son enchaînement l’envoie au sommet du panthéon de la natation suisse qui, jusqu’à la semaine dernière, n’avait jamais placé un de ses représentants à la première place des Championnats du monde.
Compétences innées pour le cursus court
« Je suis impressionné, ce qu’il a accompli est fou, commente Jérémy Desplanches. Le Genevois, médaillé de bronze au 200 m quatre nages aux Jeux de Tokyo et champion d’Europe en grand bassin en 2018 sur la même distance, n’est cependant pas surpris par les performances de son jeune ami : « Pour le voir en action, il s’entraîne dur et a une dose aberrante de talent. Lorsque ces deux éléments se réunissent, cela crée un combo explosif.
Plusieurs facteurs ont contribué au succès retentissant de Ponti dans la capitale hongroise. A commencer par ses propres compétences. « En petit bassin, Noè est au-dessus des autres », souligne Jérémy Desplanches. C’est une configuration où il faut être fort dans les flux et les virages. Cela demande de la pratique, bien sûr, mais c’est une qualité innée, qui nécessite un ressenti particulier avec l’eau. Ce n’était pas mon cas – c’est pourtant un aspect sur lequel je travaille depuis longtemps – et c’est pour cela que je me suis concentré sur les compétitions en grand bassin. Noè est un saumon. Lorsqu’il est sous l’eau, il glisse sur sa peau, là où d’autres – moi y compris – sont soumis à plus de résistance.
Sous forme olympique
Le natif de Locarno a également bénéficié d’un calendrier favorable, après une année olympique. “Beaucoup d’athlètes sont arrivés aux Mondiaux en meilleure forme que d’habitude, car ils s’inscrivent dans la continuité des Jeux”, constate Roman Mityukov, présent à Budapest où il s’est moins fait remarquer, éliminé dès les séries du 100 m dos. , 100 m nage libre et 200 m dos, malgré un nouveau record suisse obtenu au relais 4×100 m quatre nages. « Une fois les Jeux olympiques terminés, nous relâchons la pression et nageons en toute liberté alors que nous sommes encore au sommet. C’est là que ça fait des étincelles», renchérit Jérémy Desplanches, fraîchement retraité des piscines.
Frustré à Paris (il a dû se contenter de la 4e place au 100 m papillon), Noè Ponti était aussi animé par un état d’esprit revanchard. « Les années précédentes, il n’avait aucun intérêt à se préparer aux compétitions en petit bassin puisqu’il y avait la perspective des Jeux olympiques, qui se déroulent en grand bassin. Là, il en a eu l’opportunité et il l’a apprécié. Quand on voit ses résultats, il avait tout à fait raison », reconnaît Jérémy Desplanches.
Une piscine propice aux records
En Hongrie, les performances ont également été stimulées par les conditions de baignade. Contrairement à celle de Paris La Défense Arena cet été, la piscine de la Danube Arena est propice aux records avec sa profondeur de 3 m. “Les spécialistes disent que c’est l’idéal pour aller le plus vite possible”, relaye Roman Mityukov. Jérémy Desplanches précise : « Plus il y a d’eau, moins il y a de vagues. Et moins les nageurs sont secoués, du coup. A ce niveau-là, c’est un détail qui compte.
En témoigne le nombre de records du monde battus lors de ces Mondiaux : 30, dont 11 par la seule Gretchen Walsh. « C’est étonnant et en même -, cela donne l’impression que la réalisation est dévalorisée », sourit Desplanches. J’aurais préféré que cette pluie de disques soit étalée, afin de conserver le charme de l’instant. Mais cela n’enlève rien à la réussite. »
En harmonie avec son environnement de travail
Enfin, la consécration de Noè Ponti est celle d’une méthode. Parti aux Etats-Unis à l’été 2021 dans le but d’allier études et sport de haut niveau, le Suisse a fait marche arrière au bout d’un mois. De retour au Tessin, il est depuis entraîné par un duo d’entraîneurs composé de Massimo Meloni et Andrea Mercuri. Un environnement plus propice à son développement. « Ce trio est très efficace », constate Jérémy Desplanches. Il y a une vraie complicité, de l’amitié et beaucoup de respect mutuel. En même -, Noè est proche de sa famille, c’est quelque chose dont il a besoin. Bref, il a trouvé le cocon dont il avait besoin.
Roman Mityukov est du même avis : « Notre environnement est déterminant pour notre réussite. Notre sport est déjà tellement difficile, avec toute la rigueur qu’on s’impose au quotidien, que si on ne peut pas s’ouvrir sur ce qu’on ressent à ses proches, et notamment aux coachs, cela devient intenable. Nous devrions pouvoir parler de tout. Les coachs sont aussi des amis, voire des psychologues. En natation, la communication est fondamentale.
Mélangez tous ces ingrédients et vous obtenez Noè Ponti sur le toit du monde. Et plutôt trois fois qu’une.
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