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Capitaine Léo | La presse

Léo s’assoit dans l’allée de la maison familiale, pose le ballon sur la pagaie de son bâton de hockey et tire inlassablement pendant des heures vers le filet. Puis il prend sa raquette de tennis et frappe les balles contre le mur de l’école. Il ne s’arrête jamais.

À l’été 2023, Léo a 10 ans. Après des vacances en Californie avec ses parents et sa sœur Arielle, 13 ans, où nous « avons beaucoup bougé », disent Julie Rabouin et Stéphane Tremblay, Léo reprend sa routine en jouant au deck hockey. Les tournois s’enchaînent, trois ou quatre matchs par jour, malgré la chaleur. Il prépare la rentrée scolaire et sa prochaine saison de hockey. Il est heureux et aime le sport.

Fin septembre, Léo remarque qu’il a une petite bosse à l’avant-bras. Il en parle à ses parents. Même si cela semble bénin, Julie et Stéphane décident de consulter un médecin. Ils ont une bonne raison. En 2009, ils ont perdu leur premier enfant, Norah, à l’âge de 23 mois, à la suite d’un cancer dévastateur. Une tumeur rhabdoïde avec métastases, un cancer extrêmement rare, s’attaquait aux reins de Norah. Julie et Stéphane ont aimé, soigné et fait rire Norah jusqu’au bout.

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PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Lion au parc national Joshua Tree, Californie, le 11 août 2023

Léo et Arielle n’ont jamais connu leur sœur, mais savent qu’elle est décédée d’un cancer. Norah est restée présente au sein de la famille. De nombreux albums photos, une pensée particulière pour son anniversaire et le rappel de nombreux souvenirs heureux.

En plus de la bosse sur son bras, Léo ressent également une douleur à une jambe. Mais il continue de faire du sport et se rend à l’école à pied tous les jours. Les examens et analyses ne permettent pas de poser un diagnostic clair. La douleur est de plus en plus intense, il dort mal et passe de mauvaises journées.

vendredi 1est Décembre, une infirmière de l’Hôpital de Montréal pour enfants appelle Julie pour lui dire que Léo a rendez-vous avec le D.r Anthony Bozzo le mardi suivant et qu’il pourra lui expliquer les résultats des examens. Julie fait une recherche rapide et découvre que le Dr Bozzo est un chirurgien orthopédiste spécialisé dans le cancer. C’est le choc. Elle rappelle immédiatement pour dire que la jambe de Léo est également très douloureuse et qu’il n’arrive plus à dormir la nuit. L’infirmière lui dit que le Dr David Mitchell, chef du service d’hémato-oncologie, sera également présent.

Julie et Stéphane se regardent et décident de ne rien dire à Léo ni à sa sœur Arielle. Même s’il souffre, Léo insiste pour participer au tournoi de hockey prévu ce week-end. Il parvient à jouer, rate une période, mais termine le match. Stéphane est dévasté : « J’ai dit à un des coachs qu’on avait rendez-vous avec l’oncologie. J’ai fondu en larmes et je me suis tenu dans un coin pour pleurer. J’ai eu un mauvais pressentiment. Nous l’avions déjà vécu. Nous n’avons pas mangé, nous n’avons dormi que mardi. »

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PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

La dernière fois que Léo a chaussé ses patins, c’était en mars 2024. Stéphane l’avait accompagné sur la glace pour rejoindre son équipe, les Chevaliers de Boucherville, pour un entraînement.

La réunion durera quelques heures. Le Dr Mitchell apprend qu’en plus de la bosse, Léo n’est plus capable de soutenir sa jambe droite. Il procède à un examen. Stéphane voit bien que les médecins sont inquiets. «Quand ils se regardaient dans les yeux, j’avais une image très forte, j’ai compris qu’ils disaient ‘dis-moi que ce n’est pas ça’. » Nouvelle radiographie, nouvelle lecture des images.

Le Dr Mitchell ouvre la porte de son bureau et invite Julie, Stéphane et Léo à s’asseoir. Il leur explique que les douleurs au bras et au bassin sont directement liées. C’est un cancer.

« J’étais complètement dans le brouillard, en état de choc », se souvient Stéphane. Le Dr Mitchell se tourne vers Leo : « Comprenez-vous ce qui se passe ? Tu sais, Léo, on voit que tu as un cancer. Vous pouvez me poser toutes les questions que vous voulez. » Si l’approche peut paraître un peu trop directe, elle permet d’établir un lien de confiance entre Léo et le D.r Mitchell.

« Nous ne mentons pas aux enfants. Nous ne cachons pas la vérité. Il faut savoir leur parler gentiment pour qu’ils comprennent ce qui leur arrive et leur dire qu’on va former une équipe”, précise le D.r Mitchell.

De retour chez lui, Léo se précipite vers sa tablette. Il regarde sur YouTube la cérémonie au Centre Bell où Saku Koivu saute sur la glace pour la première fois après avoir vaincu un cancer, hypnotisé par l’ovation de neuf minutes que reçoit le capitaine du Canadien. Pour Léo, le cancer, c’est la mort de sa sœur, mais c’est aussi les victoires de sa grand-mère, aujourd’hui en rémission, et de Koivu.

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PHOTO RYAN REMIORZ, ARCHIVES DE LA PRESSE CANADIENNE

Le capitaine des Canadiens de Montréal, Saku Koivu, salue la foule lors de son premier match après un traitement contre le cancer.

Julie et Stéphane sont confrontés à un deuxième cancer pédiatrique extrêmement rare, le sarcome d’Ewing, qui s’attaque d’abord aux os et aux tissus mous autour des os.

Nous savions que les chances de survie étaient faibles. Mais nous avons donné tout ce que nous pouvions. Leo est le capitaine de l’équipe. Il faut faire le maximum.

Julie Rabouin, maman de Léo

«Je voulais connaître son espérance de vie. Combien de - lui reste-t-il ? Les médecins n’ont pas voulu commenter. Il fallait vivre le moment présent et ne pas chercher à se projeter. Mais c’est difficile. On y pense tout le -», ajoute Stéphane Tremblay.

Au début, Léo a peur. Il ne veut pas aller à l’hôpital. Il déteste les aiguilles et dit à ses parents que les infirmières sont des terroristes qui vont le torturer. Julie lui montre des photos d’une Norah souriante s’amusant à l’hôpital. Nous devons faire rire Léo et voir l’hôpital comme une salle de jeux.

En plus du Dr Mitchell, l’hémato-oncologue pédiatrique Stéphanie Mourad, la radio-oncologue Carol Oliveira et la pédiatre Naomi Goloff se déploieront autour de Léo avec la complicité de l’infirmière pivot Johanne Soucy et de la conseillère enfance Afifah Chaudry.

D’un côté, des cycles de chimiothérapie et 31 traitements de radiothérapie se succèdent. De l’autre, tout est fait pour que Léo vive des moments magiques. Une alliance de la science et du cœur.

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PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

L’équipe de la clinique d’hémato-oncologie de l’Hôpital de Montréal pour enfants qui a offert un cadeau à Léo pour ses 11 anse anniversaire. De gauche à droite, Karen Brual, Sandra DiLullo, Johanne Soucy, la Dr David Mitchell, Léo, Afifah Chaudry, Sophie Lacoste et le Dconcernant Stéphanie Mourad.

Rencontre inoubliable avec Cole Caufield, son idole, et Nick Suzuki au centre d’entraînement des Canadiens grâce à Félix Séguin de TVA Sports et de la Fondation des Canadiens pour l’enfance. Même la Ligue nationale de hockey lui a envoyé un maillot autographié du match des étoiles.

Lors de ses soins, Léo porte fièrement les couleurs du club de football de Manchester City pour provoquer amicalement l’infirmière, fan d’Arsenal. L’équipe de radiothérapie s’assure que les mêmes technologues sont présents autour de lui tout en jouant sa chanson préférée, C’est la vie, par Khaled. Des petits détails qui montrent toute l’humanité et la gentillesse du personnel.

La chimiothérapie s’est avérée un échec. Le cancer progresse. Les médecins se tournent vers la radiothérapie palliative. C’est le compte à rebours, dit Julie. « Vous regardez la douleur qui apparaît partout, chaque jour. Léo pensait qu’il recevrait de nouveaux traitements pour guérir. On savait que ce n’était pas ça, mais on a préféré ne pas lui dire… Avec Stéphane, on a eu une bonne discussion avec les médecins… Racontez-nous les vraies choses… S’il me reste quatre semaines avec mon fils, je vais le faire tout ce que je peux pour lui faire vivre des expériences incroyables pendant quatre semaines. »

Léo a trois rêves : voir un match de Coupe du monde de soccer en 2026, assister à un match des Kings de Los Angeles pour rencontrer Phillip Danault ou encore un match des Oilers d’Edmonton et son idole Connor McDavid. Ça ne marche pas. Stéphane pense alors à un voyage à Toronto au Temple de la renommée du hockey. Nous devons agir rapidement.

La famille prend l’avion pour faire vivre à Léo sa passion du hockey et du sport dans les derniers instants de sa vie. Entre la visite du Temple de la renommée, une soirée mémorable à un match des Blue Jays, les achats dans les boutiques de souvenirs et à la Tour CN, Julie et Stéphane sont en contact direct avec l’équipe médicale de Montréal qui s’assure que la douleur est sous contrôle.

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PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Stéphane, Léo, Arielle et Julie au Temple de la renommée du hockey à Toronto. Le paradis, selon Léo.

De retour chez lui, Léo est de plus en plus fatigué. Le cancer est impitoyable. Il est - de prendre de grandes décisions. Léo veut rester à la maison le plus longtemps possible. Pas question d’aller dans une maison de soins palliatifs. Il faut suivre le capitaine et faire quelques dérogations au protocole.

Encore une fois, toutes les mesures sont prises dans l’intérêt de Léo. Supervision médicale, réunions des équipes toutes les quatre heures pour ajuster les médicaments, visites à domicile. “Vous ramenez Léo à l’hôpital alors que vous avez l’impression de ne plus être parents et que vous commencez à devenir infirmiers”, explique le D.concernant Goloff aux parents.

Après quelques jours, le Dconcernant Mourad leur dit qu’ils ont « fait de leur mieux ». “Je pense qu’il est - de ramener Leo à l’hôpital.” » Sa chambre est prête. Des images du Canadien, des stars et du nom de Léo sont bien en évidence. Ces derniers jours, Léo est sous sédation. Tout le monde, infirmier, pharmacien, nutritionniste, préposés, est venu dire un dernier au revoir à Léo et partager anecdotes et moments vécus avec lui.

Julie raconte la visite du Dr Mitchell : « Leo dormait profondément. Mais lorsqu’il entendit sa voix, il ouvrit un peu les yeux. Son médecin, qui le suivait depuis le début, était à ses côtés. »

Léo s’est éteint lentement dans la nuit du 17 août.

Pourquoi le cancer a-t-il frappé deux fois, des cancers différents et rares ? Les experts en génétique recherchent la réponse.

C’est difficile à croire. Je n’aurai probablement jamais de réponse. Norah, c’était six mois, Leo, neuf mois. C’est comme si j’avais été frappé durement.

Stéphane Tremblay, père de Léo

« Même si j’étais en colère et que j’essayais de comprendre pourquoi ils ont tous deux eu un cancer, quelle différence cela va-t-il faire ? demande Julie. Léo avait beaucoup de passions et nous allons essayer de vivre à travers ses passions. Nous sommes deux parents en bonne santé et nous allons profiter de la vie avec Arielle. »

Il y a quelque chose d’émouvant à voir tous ces humains s’unir autour de Léo. Une équipe médicale exceptionnelle, sensible et dévouée. Et des parents merveilleux qui ont navigué entre douleurs et grands moments de bonheur, portés par un enfant courageux et inspirant.

 
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