Si sa non-convocation en Bleu pour disputer la récente tournée d’automne a eu des conséquences néfastes sur son moral, Jonathan Danty ne perd pas pour autant de vue le XV de France. En attendant, le centre international (29 sélections) du Stade Rochelais – dont la carrière pourrait se poursuivre à un autre poste à l’avenir – se concentre principalement sur les prochains événements du club, où la situation n’est pas tout rose.
Le groupe rochelais a-t-il complètement basculé ce lundi vers le match d’ouverture de la Champions Cup, prévu vendredi à Bath, et mis fin à la défaite inattendue face à Vannes (14-23) ?
On est encore en train de digérer, cette défaite nous fait très mal. Je pense que cela pesait au-dessus de nos têtes et que cela aurait pu être contre n’importe quelle équipe. On a bien préparé le match mais, évidemment, Vannes a aussi réussi à faire une très bonne semaine d’entraînement et à venir valider son début de saison avec nous. Il n’y a pas grand chose à dire, juste à les féliciter. Maintenant il va falloir se réveiller car on a un gros déplacement ce week-end en Champions Cup. C’est une compétition à laquelle nous aimons jouer. Et si on est à ce niveau de performance, on risque de ne pas y jouer très longtemps. Il faudra cliquer très rapidement.
D’autant plus que la carte est très robuste. Après les deux premiers du championnat anglais (Bath, Bristol), il y aura le Leinster en janvier…
On a vu ce matin le classement de Premiership, un championnat qui est en train de retrouver son niveau, plus le même depuis deux ou trois saisons, notamment avec les difficultés financières. Et c’est vrai qu’on n’est pas les mieux placés pour aller à Bath, une très bonne équipe avec beaucoup d’internationaux anglais. Mais il faut se poser la question de savoir si y gagner ne serait pas aussi un déclencheur pour nous ? Pour vraiment lancer notre saison.
On pensait qu’il avait été lancé il y a quelques semaines, non ?
Je comprends que de l’extérieur, nous ne soyons pas reconnus, notamment sur l’engagement et l’agressivité dont nous faisons preuve depuis tant de saisons. Et ça là, on ne peut plus s’enfiler, on ne s’enfile plus. Nous sommes même capables d’être pris sur nos atouts. Cette défaite face à Vannes est une grosse claque, qu’il faut digérer rapidement. Toute la frustration de ce match mérite d’être évacuée ce week-end contre Bath. Faisons enfin un match référence qui nous remet sur le bon chemin.
Une explication à ce manque d’agressivité ?
C’est peut-être une question d’état d’esprit. On ferait bien de regarder notre troisième ligne, notamment Oscar (Jegou) et Matthias (Haddad-Victor) qui, depuis quatre semaines, tiennent la baraque pour nous et qui sont présents à chaque match. Oscar n’est pas le plus fort mais en matière d’engagement, il est monstrueux ! Matthias, c’est pareil. Nous ferions mieux de nous mettre dans la peau de ces gars-là, cela nous débloquera déjà quelques choses.
“J’étais en ville pour prendre un café, je ne me suis pas fait insulter mais je comprends […] le discours de ‘ROG’ (Ronan O’Gara). Il doit également trouver cette chose qui nous fera redevenir l’équipe que nous étions autrefois.
Avez-vous entendu les propos de Ronan O’Gara samedi dernier, une heure après le match ?
D’aller se faire insulter en ville ? (rires). Oui, nous l’avons entendu.
Et ?
J’étais en ville pour prendre un café, je n’ai pas été insulté mais je comprends ce qu’il veut dire. On a beaucoup de soutien, on a des supporters qui nous suivent partout en Europe, même en Afrique du Sud la saison dernière. Il y a de la frustration. Nous sommes évidemment très déçus pour nous, pour le club et pour nos supporters. Je comprends le discours « ROG ». Il doit également trouver cette chose qui nous fait redevenir l’équipe que nous étions autrefois. Et même une équipe, j’espère, encore meilleure. Je pense que nous en avons les capacités. Mais nous avons besoin de quelque chose sur lequel cliquer très rapidement.
Votre manager parlait d’inconfort dont il fallait se débarrasser rapidement. Y a-t-il un inconfort ?
Nous étions très mal à l’aise face à cette contre-performance. Pour avoir rendu une si mauvaise copie à nos supporters, à nous aussi. Parce que la semaine, on s’entraîne très bien ! Et quand on arrive au coup de sifflet, on se retrouve très vite en difficulté. Alors évidemment, c’est difficile. C’est frustrant parce que je pense que tout le monde travaille dur, que chacun connaît son rôle. Nous sommes placés dans la bonne position pour bien performer. Et ça nous manque…
Votre dernier souvenir européen reste cette lourde défaite (40-13) à Dublin, contre le Leinster, en quart de finale de l’édition précédente…
C’était difficile. Nous aimerions reconquérir cette Champions Cup. Avant de parler de reconquête, il faut déjà travailler pour se qualifier pour les phases finales. On sait que ça va très vite. Et ce qui se passe le plus vite, c’est la finale. Même si nous étions outsiders, nous avons réussi à le gagner deux fois. Surtout la deuxième fois à Dublin. Mais il faut reconstruire ce qui s’est effondré.
Vous parliez de la troisième ligne ci-dessus. N’êtes-vous pas un peu flanqueur maintenant ?
J’étais (rires), j’étais.
Votre repositionnement à Castres, il y a dix jours, n’était-il qu’un « one shot » ?
Pour le moment, je pense que ça va être mis en stand-by mais c’est quelque chose dont j’ai parlé avec Seb Boboul (responsable de l’attaque) et « Talo » (Rémi Talès, entraîneur des ¾) dans un match où un troisième ligne s’est blessé. Je suis sorti du terrain et je leur ai dit ‘jetez-moi, j’ai chaud’. Ils n’étaient pas vraiment d’accord (rires). Finalement, ils ont introduit une deuxième ligne. C’était le lundi avant Castres où « ROG », au petit déjeuner, m’a dit « ça t’intéresserait de jouer en troisième ligne ce week-end ?
«Je me suis amusé (en jouant en troisième ligne) […] J’ai pas mal d’amis qui m’ont dit ‘enfin, tu joues à ton vrai poste !’ J’ai compris le message (rires).
Dites-nous…
Je lui ai dit « donne-moi le matin, je te donnerai la réponse ». En fait, dix minutes plus tard, je lui ai dit « ça me va ». L’adaptation a dû être très rapide : du lundi matin pour le samedi après-midi, avec deux entraînements. Je ne connaissais pas toutes les clés, je ne vais pas vous mentir. Honnêtement, respect pour le front. Parce que c’est un travail énorme. Ayant donné des retours aux trois quarts, ce que je leur ai dit, c’est que les gros se plaignaient parfois un peu d’avoir des annonces tardives. C’est vrai qu’après avoir été au milieu de tout ça, c’est compliqué. Si la communication n’est pas très précise, claire et rapide, il est compliqué de suivre un mouvement ou une annonce.
Et vos sentiments, alors ?
Malgré tout, je me suis amusé. Je n’ai pas fait le meilleur match de ma carrière, mais plutôt bon pour une première. J’aurais préféré être à ce niveau mais à mon poste (rires). Cela aurait été mieux. C’est une expérience formidable. Nous verrons éventuellement si l’opportunité se présente à nouveau, si le besoin s’en fait sentir, ou encore pour une éventuelle reconversion dans le futur. Je ne suis pas fermé à la discussion.
Votre coéquipier Levani Botia, l’ancien centre devenu une terreur en troisième ligne, a laissé entendre il y a quelques jours que vous deviendrez comme lui…
Je pense qu’il y a des probabilités. Cela dépendra aussi de la vision du staff, de la façon dont j’évolue au fil des années, si mon niveau évolue. Pour le moment, il vaut mieux ne pas jouer en 3e ligne vu la concurrence, ça peut très vite se compliquer (rires). Le personnel n’a pas besoin de moi.
Mais ce n’est pas incongru d’y penser…
Du tout. Je pense que mon profil correspond, j’en suis conscient. J’ai pas mal d’amis qui m’ont dit « enfin, tu joues à ton vrai poste ! J’ai compris le message (rires).
Qui est-ce?
Des amis avec qui je jouais quand j’étais à Paris, mais quand j’avais 15 ans. Parce qu’au départ, j’ai joué en troisième ligne centre jusqu’au lycée. J’ai déménagé au centre car j’étais jugé trop petit au regard des prérequis de la Fédération Française de Rugby à cette époque. Il fallait faire 1m90, 100 kg. Finalement, il y a très peu de gars de ma génération quand j’étais en pole qui jouaient à ce poste et qui sont passés professionnels. J’aurais aimé ça parce que je m’amusais à jouer au numéro 8 quand j’étais enfant. J’ai fait toutes les équipes de France au départ car j’ai joué 3ème ligne médiane puis centre. Mais on se perd très vite. En dix ans, tu as tout perdu, il n’y a plus de repères (rires). Il revient, mais pas dans trois jours.
Seriez-vous plutôt Botia ou Bastareaud ?
J’aimerais un mélange des deux. C’est bien, n’est-ce pas ? (rires).
« La tournée ? Fabien m’a dit très vite que je ne serais pas rappelé. C’était très difficile à entendre.
Un mot sur vous, votre statut international et votre seul aller-retour à Marcoussis juste avant le premier des trois matches de la tournée automnale du XV de France ?
J’ai eu Fabien Galthié (la veille du match de Top 14 La Rochelle-Paris, début novembre, ndlr). Je m’attendais à une bonne nouvelle, qu’il m’annonce que j’étais rappelé pour la semaine de préparation au Japon. En discutant avec lui, il m’a rapidement dit que je ne serais pas rappelé. Ce n’est pas forcément l’appel téléphonique auquel je m’attendais. C’était très difficile à entendre. Surtout la veille du match. C’était un peu délicat pour moi, je préparais un match contre Paris, je voulais être très performant pour pouvoir postuler à nouveau en équipe de France. Au final, même avant ce match, je savais que ce n’était pas le cas. Durant le match, beaucoup de frustration donc beaucoup d’engagement (sourire). Parfois, l’engagement peut venir de la frustration. J’espère que ce sera le cas ce week-end. Fabien m’a dit qu’il comptait sur moi pour la suite mais qu’il souhaitait voir d’autres profils. Pour l’instant, il n’y a pas de huis clos depuis son dernier appel. Après, son prochain appel, je ne sais pas ce que ça sera. Je continue de m’entraîner dur pour être performant avec mon club. J’espère retrouver l’équipe de France. J’ai toujours réussi à élever mon niveau de jeu lorsque j’étais en équipe de France, c’est quelque chose qui me motive vraiment. Je pense qu’en club, je suis souvent à 100%, mais dès que j’ai le maillot bleu, je suis à 200%. Même si je ne suis pas le meilleur centre du monde, je ne suis pas parfait, j’apporte toujours le meilleur de moi-même.
Commentaires recueillis par Romain Asselin
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