Le Tennis en fauteuil roulant devient de plus en plus populaire, pour le meilleur et pour le pire. De plus en plus de personnes qui n’utilisent pas de fauteuil roulant au quotidien se lancent dans ce sport, laissant derrière elles les athlètes plus handicapés.
Le Stade IGA de Montréal accueille ce week-end l’Omnium Bourassa-Savaria et certains des meilleurs joueurs de tennis en fauteuil roulant. L’occasion aussi de recruter de nouveaux talents, dans un sport de plus en plus pratiqué par les bipèdes – des personnes qui se déplacent debout au quotidien.
Au plus haut niveau de la scène internationale, les effets se font sentir. Lors des derniers Jeux paralympiques, le meilleur joueur canadien, Robert Shaw, a mordu la poussière 6-0 et 6-0 au deuxième tour contre un athlète qui semblait appartenir à une autre ligue, Niels Vink.
Le Néerlandais de 21 ans survole son sport depuis ses débuts avec un bilan de 33 victoires et 6 défaites, et tous les titres majeurs en poche. Il n’a plus perdu un match depuis la mi-juin.
Rob Shaw lors du tournoi paralympique de tennis en fauteuil roulant.
Photo : La Presse Canadienne / Michael P. Hall
En tennis fauteuil, les athlètes sont répartis en deux catégories : la catégorie ouverte, pour les handicapés des membres inférieurs, et la catégorie quad, réservée aux handicapés des membres inférieurs et supérieurs.
Amputé des deux jambes, Niels Vink a été admis dans la catégorie quad puisqu’il lui manque plusieurs phalanges. Mais dans ce classement, on se mesure à des joueurs qui ont peu d’adhérence dans les mains – et qui doivent attacher la raquette à leur poignet – ou encore à des joueurs sans aucune force abdominale, pour cause de maladie ou de paralysie. , Par exemple.
Kai Schramayer a déjà représenté l’Allemagne aux Jeux Paralympiques. Il est maintenant l’entraîneur de l’équipe nationale canadienne. Il l’admet d’emblée : il y a un problème de classement dans son sport.
L’idée au départ, je pense que la fédération voulait éviter de créer trop de catégories, comme dans d’autres parasports, pour simplifier la tâche du public, a-t-il dit. Nous sommes allés dans l’autre sens, mais cela crée inévitablement des injustices.
Philippe Bédard, qui offre un cours d’initiation samedi en marge de l’Omnium Bourassa-Savaria, est un paraplégique qui a représenté son pays à deux reprises aux Jeux paralympiques. Il a été témoin de la fracture qui s’est creusée au sein de la catégorie quad.
Lors de mes premiers Jeux, à Rio, il y avait une vingtaine de paraplégiques, se souvient-il. Déjà en 2016, nous étions plus de 10 avec ce type de handicap.
Et le cas de Niels Vink n’est pas nouveau, explique-t-il.
Mon dernier tournoi paralympique a été remporté par un ancien joueur de basketball en fauteuil roulant, Gordon Reid. Déjà, certains commentaires disaient qu’il n’avait rien à faire dans la catégorie quad. Aujourd’hui, cela va encore plus loin avec Vink. J’ai arrêté le sport au bon moment, j’aurais été incapable de me qualifier avec le profil des joueurs actuels.
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Niels Vink a remporté 46 titres depuis le début de sa carrière, dont 6 en 2024.
Photo : Reuters / Gonzalo Fuentes
Philippe Bédard n’a aucune force dans ses abdos. Il explique comment les joueurs dans une situation comme la sienne ne se retrouvent pas sur un pied d’égalité face à un athlète comme Niels Vink.
C’est un sport qui rassemble presque tout. Il faut avoir de la mobilité sur le terrain, être capable de frapper fort. J’ai travaillé dur. Mais peu importe votre entraînement, votre talent, lorsque vous vous retrouvez avec des athlètes debout, qui ont poussé leur chaise sur le terrain avant de se transférer… il faut être extrêmement fort pour pouvoir concourir.
mentionne le médaillé de bronze aux Jeux parapanaméricains de Toronto en 2015.
Selon lui, Niels Vink n’aurait aucun problème à se positionner dans le top 40 mondial de la division. ouvrirouvert aux joueurs de tous horizons.
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Philippe Bédard a participé à deux épreuves paralympiques, à Londres en 2012 et à Rio en 2016.
Photo : Avec la permission de Philippe Bédard
La nouvelle championne canadienne, Frédérique Bérubé-Perron, vient de faire une entrée remarquée dans le sport. Celui qui est amputé d’une jambe a vite pris conscience du mécontentement de la communauté face au problème de classification.
Je sais qu’il y a un dilemme en ce moment. Cela fait beaucoup parler en marge des tournois. Rob Shaw doit cône (enrouler) la raquette sur la main, contrairement à Niels. C’est sûr qu’il y a une certaine iniquité
elle décide.
C’est le changement de grip, le problème, explique l’entraîneur Kai Schramayer, établi au Canada depuis 2010. Quand on contrôle la raquette, on peut contrôler la direction. Niels a la capacité de faire tourner la raquette pour obtenir le meilleur coup possible. J’ai travaillé avec Rob (Shaw) pendant quatre ans, il a vraiment su maximiser son potentiel. Quand il perd, ce n’est pas à cause de son tennis, mais à cause de son handicap.
Shawn Courchesne vient d’être reclassé dans la catégorie quad. Sa condition physique a changé ces dernières années et il a perdu le mouvement de ses poignets. Il est cependant toujours capable de manier sa raquette, mais pour le Franco-Ontarien de 31 ans, la principale distinction entre les concurrents se situe plutôt au niveau des abdos.
Oui, ça a une influence, l’accroche de la raquette, mais c’est surtout la force abdominale qui va créer des écarts. Les abdominaux permettent d’aller chercher les balles plus loin, d’être moins carré sur sa chaise, d’avoir plus de contrôle,
croit-il, ajoutant également que leITF devrait résoudre le problème.
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Shawn Courchesne à l’Omnium Bourassa-Savaria
Photographie : Patrice Hugo
Philippe Bédard craint de voir le tennis en fauteuil roulant devenir une compétition réservée aux athlètes présentant seulement certains handicaps.
On va voir de moins en moins Rob Shaw comme on voit Niels Vink contre eux, prédit-il. Shaw fait actuellement partie du top 10 des joueurs mondiaux, mais petit à petit, les joueurs avec son profil disparaîtront de la carte.
C’est dommage, oui, car techniquement, le sport se veut inclusif, déplore Frédérique Bérubé-Perron. Actuellement, ce sport gagne en popularité auprès des amputés et on voit moins de paraplégiques.
Si j’avais un jeune paraplégique qui voulait essayer le tennis en fauteuil roulant dès maintenant, il faudrait que je sois honnête avec lui. Je lui dirais : “C’est bien que tu aimes ce sport, mais si ton rêve est d’aller aux Jeux Paralympiques, tu ferais mieux de faire un autre sport.”
Dans une réponse envoyée par courriel à Radio-Canada, la Fédération internationale de tennis (ITF) a indiqué qu’elle s’est engagé à garantir que notre sport offre un système juste, ouvert et inclusif. Il est impératif que le système de classification du tennis en fauteuil roulant soit durable et complète notre stratégie sportive globale et notre structure de compétition.
L’ITF mentionne également que des travaux ont été récemment menés pour améliorer le processus de classification et que des discussions sont en cours pour d’éventuelles modifications.
Nous sommes satisfaits des progrès réalisés ces dernières années, mais notre travail n’est pas terminé. Notre mission de classement se poursuit en ce qui concerne le nombre de classes sportives et les frontières entre classes sportives. Nous serons guidés par notre groupe d’experts, qui devrait soumettre ses conclusions et recommandations auITF en 2025.
Plus de catégories, mais moins d’adversaires ?
Dans d’autres sports paralympiques, comme l’athlétisme ou la natation, il existe davantage de catégories, afin de mieux regrouper les athlètes en fonction de leurs capacités réelles.
Mais le vivier de joueurs de tennis fauteuil, encore limité, ne permettrait pas de créer davantage de subdivisions, ce qui risquerait de trop diluer le niveau de compétition.
Frédérique Bérubé-Perron, championne canadienne, doit affronter des athlètes masculins au niveau junior faute d’adversaires.
Dans le pays, il y a trop peu de femmes du côté féminin. Il y a déjà eu deux tournois annulés au Canada cette année parce qu’il n’y en avait pas assez
elle regrette.
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Frédérique Bérubé-Perron a participé à l’US Open l’an dernier.
Photo : Avec l’aimable autorisation de Pete Staples/USTA
Mais Shawn Courchesne souligne que le format actuel a aussi ses lacunes. Il n’est pas plus facile de recruter de nouveaux joueurs qui se retrouveront éliminés 6-0 et 6-0 lors de tous leurs premiers tournois, car ils ne sont pas dans une catégorie d’adversaires qui leur convient vraiment.
dit-il.
Tennis Canada a lancé à la mi-octobre un programme de recrutement visant à trouver de nouveaux talents.
Ce n’est pas un sport facile à apprendre. Il y a de nombreux éléments à assimiler rapidement : la raquette, la chaise, la balle…
témoigne Kai Schramayer. La stratégie que nous mettons en place n’est pas forcément de trouver le prochain champion, mais plutôt d’élargir le vivier de joueurs initiés.
Philippe Bédard estime que la fédération internationale devrait déjà s’inspirer du tennis de table ou du badminton, qui comptent respectivement 5 et 11 catégories dans le volet paralympique.
Mais la fédération veut intéresser la population aux Jeux paralympiques, et ce n’est pas en créant plus de catégories qu’on va y parvenir, soutient-il. Nous voulons que ce sport soit spectaculaire, et donc nous voulons réduire les catégories pour garder les moins handicapés aux Jeux Paralympiques.
Mais il y aurait moyen d’avoir une catégorie pour les paraplégiques pour jouer contre les paraplégiques
il plaide.
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