Plusieurs proverbes nous enseignent que le passage du temps atténue la douleur et apaise la douleur. En entrevue marquant le troisième anniversaire de son renvoi comme directeur général du Canadien, Marc Bergevin nous en a donné un très bon exemple.
Au tout début de 2022, quelques semaines seulement après avoir perdu son poste de directeur général à Montréal, Bergevin a accepté un poste de conseiller principal du directeur général Rob Blake chez les Kings de Los Angeles. Il occupe toujours ces postes. Extrêmement discret depuis cette rupture, Bergevin a accordé sa toute première entrevue à son collègue Pierre Lebrun, du site Athlétique.
Alors que le temps apaise les douleurs, l’ancien directeur général du CH décrit désormais son licenciement comme une sorte de décision commune prise dans un climat d’harmonie.
Bergevin explique notamment avoir refusé une offre de prolongation de contrat qui lui avait été soumise par Geoff Molson après la finale de la Coupe Stanley 2021. Il a alors simplement décidé de passer à autre chose car, explique-t-il, les exigences du poste de directeur général du Canadien et l’impossibilité de voir ses enfants pendant la pandémie avaient sapé ses énergies.
Il ajoute également que Molson a bien fait les choses
lorsqu’il a été congédié et que le propriétaire du Canadien toujours soutenu
.
Cette révision de l’histoire est bien différente du chaos qui régnait au sein de l’organisation à l’automne 2021 dans les semaines précédant son départ, qui constituait un parfait exemple d’une longue relation d’affaires se terminant en queue de poisson.
Selon des informations fiables recueillies à l’époque, Bergevin avait refusé l’offre de contrat présentée par Geoff Molson parce qu’elle était insuffisante et que la durée de l’entente proposée était loin de constituer un vote de confiance.
Se sachant en sursis, Bergevin avait vidé son bureau de ses effets personnels plusieurs semaines avant son congédiement. Et bien avant d’être démis de ses fonctions, il avait appris que son adjoint Scott Mellanby avait été approché par le propriétaire pour le remplacer puis licencié. Ajoutant l’insulte à l’injure, un cadre d’une équipe adverse lui a alors annoncé que Jeff Gorton avait été embauché par Molson et que même si Geoff Molson ne le lui avait pas encore dit, il avait bel et bien été congédié.
Tout cela pour dire qu’on a rarement vu un chef d’équipe se faire évincer de façon aussi incroyable.
Marc Bergevin redeviendra-t-il un jour directeur général d’une équipe de la LNH ? Lorsqu’on analyse objectivement son bilan, il faut reconnaître qu’il n’a pas fait du mauvais travail.
Durant les cinq premières années de son mandat, de 2012 à 2017, le Canadien a connu sa période la plus réussie depuis le début des années 1980. Et si Carey Price n’avait pas été blessé par Chris Kreider au troisième tour des séries éliminatoires au printemps 2014, l’équipe aurait eu d’excellentes chances de vaincre les Rangers de New York et de se qualifier pour la finale de la Coupe Stanley.
Carey Price était le pilier du Canadien sous le règne de Marc Bergevin.
Photo : Reuters / Éric Bolte
Contraint de travailler une main attachée dans le dos en raison de la contre-performance prolongée de son directeur du recrutement, Trevor Timmins, Bergevin a miraculeusement réussi à garder la tête hors de l’eau en multipliant les échanges, qui ont souvent tourné à son avantage.
En 2017, se rendant compte que l’organisation se dirigeait droit vers le mur en raison de la mauvaise performance de son département de dépistage amateur, Bergevin commençait à accumuler les choix au repêchage. Pour reprendre une expression du monde du baseball, il voulait donner à ses dépisteurs plus de présence au bâton pour leur donner une chance de frapper la balle en toute sécurité plus souvent.
C’est donc lui qui entreprit véritablement la reconstruction du Canadien. Lors de ses quatre derniers repêchages, de 2018 à 2021, le CH a sélectionné 12 joueurs aux deux premiers tours et cinq autres au troisième tour.
Ces quatre repêchages ont notamment produit des jeunes comme Jesperi Kotkaniemi (une erreur), Alexander Romanov, Jordan Harris, Cole Caufield, Mattias Norlinder, Rafaël Harvey-Pinard, Kaiden Guhle, Luke Tuch, Jakub Dobes, Logan Mailloux, Oliver Kapanen, Joshua Roy et Jayden Struble. Arber Xhekaj a également été signé en tant qu’agent libre non repêché en 2021.
On parle d’un contingent impressionnant d’une quinzaine de joueurs suffisamment talentueux pour évoluer dans la LNH. Si cet impressionnant travail de correction n’avait pas été fait en amont, Jeff Gorton et Kent Hughes se seraient retrouvés face à un véritable désert à leur arrivée à Montréal. De plus, Gorton et Hughes ont réalisé un véritable exploit (en nombre de choix au repêchage) lorsqu’ils sont arrivés à la table en 2022.
Incroyablement, trois ans après son départ, les joueurs hérités de l’administration de Marc Bergevin constituent toujours plus des deux tiers de l’équipe. Et sept de ces joueurs figurent parmi les huit meilleurs buteurs de l’équipe.
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Marc Bergevin et Trevor Timmins
Photo : Getty Images / Bruce Bennett
Depuis leur arrivée, Jeff Gorton et Kent Hughes ont ajouté deux joueurs via le repêchage : Juraj Slafkovsky et Lane Hutson. Le processus de développement des joueurs prenant généralement de trois à cinq ans, d’autres noms viendront évidemment s’ajouter à cette liste.
Gorton et Hughes ont également ajouté cinq autres joueurs à la liste grâce à des échanges. Et jusqu’à présent, leur bilan montre qu’il est loin d’être facile de réussir des circuits à chaque fois que l’on se présente au bâton, même lorsque l’on sacrifie des atouts importants. Voici à quoi cela ressemble :
- L’attaquant Kirby Dach, en retour pour qui le CH a dû céder un choix de 1re ronde (13e au total) et un choix de 3e ronde aux Blackhawks de Chicago ainsi que le jeune défenseur Alexander Romanov aux Islanders;
- L’attaquant Alex Newhook, en retour pour qui le CH a cédé un choix de 1re ronde et un choix de 2e ronde à l’Avalanche du Colorado;
- Le défenseur Justin Barron, obtenu de l’Avalanche du Colorado en remplacement de l’attaquant Artturi Lehkonen;
- Le défenseur Mike Matheson, obtenu des Penguins de Pittsburgh ainsi qu’un choix de 4e ronde pour le défenseur Jeff Petry et l’attaquant Ryan Poehling ;
- L’attaquant Emil Heineman a obtenu des Flames de Calgary un choix de 1re ronde pour les attaquants Tyler Toffoli et Tyler Pitlick, ainsi qu’un choix de 5e ronde.
Trois ans plus tard, Marc Bergevin semble apaisé et épanoui par la vie qu’il mène en Californie. Très bien pour lui.
En revanche, la patience dont les fans ont fait preuve envers Jeff Gorton et Kent Hughes commence sérieusement à s’estomper. Souhaitons-leur au moins des succès équivalents à ceux de leur prédécesseur.
Et surtout, espérons qu’ils ne connaîtront pas une fin aussi amère.
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