83% des Français considèrent l’industrie française « en déclin depuis plusieurs années ». Pourquoi le secteur souffre-t-il d’une image négative ? Principalement parce qu’elle est peu connue du grand public et communique peu. C’est pour remédier à ce problème que les professionnels liés au monde industriel ont décidé de se réunir au sein d’un collectif d’influenceurs industriels. Non partisan, transgénérationnel et égalitaire, le collectif Les Influstriels a un objectif : améliorer l’attractivité de l’industrie française auprès du grand public et susciter l’engouement autour d’elle.
Emilie Le Douaron, co-fondatrice (avec Aurélien Gohier, COO de Start Industrie, et Olivier Lluansi, professeur titulaire au Conservatoire des Arts et Métiers) du collectif et professionnel du marketing, a accepté de répondre à nos questions.
Emilie Le Douaron est la directrice du cabinet MITI, spécialisé dans le marketing industriel.
Elle est également co-fondatrice et animatrice du collectif d’influenceurs industriels appelé « Les influstriels ».
Le collectif est mobilisé autour de 5 thématiques :
- Accélérer l’émergence d’un nouvel imaginaire autour de l’industrie
- Mettre en valeur et contribuer à une plus grande inclusion et diversité
- Soutenir une industrie responsable et circulaire
- Valoriser les savoir-faire et les produits de notre tissu industriel
- Montrer les mobilisations territoriales dans leur diversité
Techniques d’ingénierie : D’où est venue l’idée de créer un collectif d’influenceurs industriels ?
Emilie Le DOUARON : Au sein du cabinet MITI, nous avions une liste de personnes à suivre, composée de profils particulièrement influents sur LinkedIn, mais aussi dans les médias spécialisés. Au départ nous l’utilisions pour notre suivi personnel et celui de nos clients.
Au fil des échanges, la liste s’est progressivement consolidée. On y retrouve désormais une multitude de personnalités venues d’univers très différents. Or, nous avons remarqué que ces personnalités qui semblaient avoir peu de points communs étaient en réalité ravies d’évoquer des sujets comme l’acceptabilité sociale de l’industrie, les solutions pour résoudre les tensions de recrutement, notre compétitivité internationale…
Avec Aurélien et Olivier, les co-fondateurs du collectif, on s’est dit : pourquoi ne pas poursuivre ces discussions et capitaliser sur toute cette bonne énergie ? À l’occasion de l’arrivée du salon Global Industrie 2024, c’était le lieu idéal pour explorer la question « Comment accroître la visibilité de l’industrie via le levier de l’influence numérique ? »
Après des échanges passionnants au GI 2024, nous avons conclu que le levier d’influence numérique reste très peu utilisé en B2B et encore moins dans l’industrie, domaine qui souffre d’un fort déficit de communication.
À l’avenir, l’idée était de trouver des moyens de maximiser notre impact et de traiter certains sujets plus efficacement. Un 2e Une réunion a ensuite été organisée en mai, dans les locaux de Bpifrance. Il faut dire que Bpifrance nous suit d’assez près, car François-Xavier de Thieulloy, Expert Industrie du Futur chez Bpifrance, est également membre du collectif (en son propre nom).
Cette deuxième séance a pris la forme d’un grand brainstorming autour d’un « cercle d’or ». Il peut être considéré comme un élément fondateur du collectif, puisque des questions cruciales ont été abordées : que voulons-nous faire ? Quel est notre rôle ? Que ne sommes-nous pas ?
Pouvez-vous nous dire ce que fait, ou ne fait pas, le collectif Infllustriels ?
Avant d’aller plus loin, je dois préciser que le collectif n’est ni un lobby ni un outil de promotion destiné aux entreprises !
Et soyons clairs, il y a déjà beaucoup d’actions et d’événements en faveur de l’attractivité de la filière. Le collectif ne souhaite pas non plus se substituer aux organisations ou syndicats qui mettent en œuvre ce type d’actions.
Notre rôle est plutôt de nous associer à ces initiatives, événements professionnels ou campagnes de communication[1], pour mettre en valeur certains aspects. Par exemple, début septembre, Lyon a accueilli le 47e Concours mondial des compétences, connu sous le nom de « WorldSkills 2024 ». On constate cependant que ces JO des carrières souffrent d’un manque de visibilité auprès de certains publics, ce qui est paradoxal pour un événement qui a accueilli plus de 60 000 jeunes et qui est ouvert à tous.
Pour cet événement, le collectif a souhaité cibler « les trous de la raquette », au regard des campagnes de communication déjà en place. Avec l’équipe de communication de Worldskills France, nous avons donc identifié que les parents de lycéens constituent un public relativement peu touché, alors que les jeunes sont bien plus touchés, via les réseaux sociaux comme TikTok ou Instagram.
Cette cible « parent » est justement celle que le collectif peut atteindre via les réseaux professionnels comme LinkedIn. Sur ce réseau social, on leur dit : l’industrie, c’est des carrières, des niveaux de salaires plus élevés que dans d’autres secteurs qui semblent faire rêver, qu’il existe des métiers qui ont du sens et qui sont tournés vers l’avenir, etc. Toutes ces actions se construisent bien entendu en accord avec les organisateurs avant d’être lancé.
Pour nos prochaines mobilisations, la même méthode sera appliquée, c’est-à-dire trouver comment aider les organisateurs d’événements à maximiser leur impact, sur les thématiques que le collectif souhaite aborder puis les pousser sur les réseaux, à travers des posts informatifs au lecteur, riche des expériences de chacun des membres du collectif. De plus, je précise qu’il n’y a pas de comité de post validation et que les membres sont libres de publier ou non !
Vous êtes donc intervenu à Lyon qui est une grande ville. Envisagez-vous d’intervenir sur tout le territoire ?
Les membres du collectif souhaitent aller vite, faire mieux et être présents partout. Nous voulons que « partout » soit un mot au cœur de nos actions, car c’est dans les territoires qu’il y a le plus besoin d’une industrie forte.
Chaque fois qu’une grande entreprise s’implante dans un territoire, c’est une nouvelle opportunité de créer du lien social et d’apporter de la cohésion. Même s’il se passe beaucoup de choses intéressantes à Paris et dans les grandes villes, ce sont ces domaines qui ont le plus besoin de notre aide.
Le collectif est très jeune. Que projetez-vous pour l’avenir ?
A l’avenir, nous souhaiterions élargir notre champ d’action en dehors de LinkedIn, qui reste un petit microcosme, en nous associant à d’autres événements, pas forcément professionnels. Il va falloir élargir les canaux, les modalités de mobilisation et la diversité des profils au sein du collectif, notamment en intégrant des personnes pour qui LinkedIn n’est pas le meilleur endroit pour parler.
Quant à 2025, nous avons déjà quelques idées en tête, comme celle d’initier des ateliers qui aideront les leaders de l’industrie à s’exprimer davantage. On leur dit : « C’est vous, managers, ainsi que vos équipes, qui parlez le mieux de l’industrie, car vous êtes sur le terrain. Il est important que vous sortiez de l’ombre et le collectif vous y aidera. »
Bien sûr, pour accélérer, il va falloir consolider notre organisation ! En fait, le collectif est né il y a seulement quelques mois et nous n’avons pas encore de statut légal. Nous réfléchissons donc à la meilleure façon de nous structurer pour le début de l’année 2025, ce qui nous permettra, à plus long terme, d’être encore plus ambitieux et impactants.
[1] Exemples de campagnes : Avec l’industrie « Nous avons un avenir à fabriquer », le FrenchFab « tour de France de l’industrie », etc.
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