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“Je lui ai donné de la crème chauffante, il est devenu rouge tomate”

Par

Clément Mazella

Publié le

16 oct. 2024 à 6h32

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A l’heure du Rugby lance « Mémoires de Pro D2 ». Le concept : rencontrer les joueurs les plus expérimentés du championnat et les faire parler de leur meilleurs et pires souvenirs. Mais aussi nous révéler quelques anecdotesou le la plus belle amitié qu’ils ont créé. Premier opus avec 3e ligne Anthony Coletta, qui n’a connu la Pro D2 qu’en pro (266 matches), lui qui a défendu les couleurs de Dax, Soyaux-Angoulême et Colomiers.

Votre premier match de Pro D2 ?

« Je m’en souviens très bien : c’était à Carcassonne avec Dax en 2010. Ce match était exceptionnellement diffusé sur 3, c’était extraordinaire à l’époque. Sans prétention, je n’avais jamais été remplaçant de ma vie, et à un moment donné, Mathieu André, notre 3e ligne, sort en cas de saignement. J’étais dans la zone des buts, l’entraîneur Fred Garcia m’a dit de reculer, et au lieu d’aller au bord, je suis allé directement sur le terrain en lançant le gilet. Fred avait un peu honte : il fallait que je sorte, que je rentre. J’étais pressé de jouer, disons. J’entre sur une touche, je me bats pour rattraper le lancer de M. Yves Pedrosa, notre talonneur. Il a dit « merci ». Dire ça à un jeune à l’époque, j’avais 21 ans, ça voulait dire quelque chose.

Votre meilleur souvenir ?

« C’est assez récent. Je dirai la victoire arrachée à la dernière seconde contre Bayonne à Bendichou (27-26 en octobre 2021) dans un stade plein. On a fait un maul qui s’est effondré, on a attendu la décision de l’arbitre… c’était très émouvant. Un match où je me suis senti bien et qui a fait du bien à l’équipe. On a joué à Colomiers Rugby : on est allé chercher cette victoire avec du cran dans le money-time. La joie que nous avons eu à la fin restera très longtemps gravée dans notre mémoire.

Votre pire souvenir ?

« J’ai joué 6 ou 7 matchs dans ma carrière, avec des saisons très compliquées, notamment à Dax. Je me souviens d’une défaite à domicile avec l’USD contre Albi à domicile (24-29). Il fallait qu’ils gagnent pour accéder à la phase finale, il fallait que nous gagnions pour conserver notre position. C’était le match de descente. On perd (enfin maintenu sur tapis vert). Cela avait été très dur à supporter. C’était aussi mon anniversaire. C’est mon éducation aussi : j’ai beaucoup donné durant cette saison, et finir par un échec m’a fait mal, surtout émotionnellement.

Le joueur qui pour vous n’avait rien à faire sur un terrain de Pro D2 ?

Il y en avait pas mal. Mais je dirai Apisai Naqalevu (à Dax entre 2015 et 2017). Il est à Perpignan maintenant. Le niveau de la Pro D2 a beaucoup augmenté, et je ne dirais pas que cela passerait encore inaperçu aujourd’hui. Mais il était vraiment quelque chose. Tant physiquement que techniquement. Il était clairement au-dessus. C’était impressionnant.

Le match joué dans les pires conditions météo ?

J’ai été marqué par un match joué en plein hiver à Aurillac (en 2019). Je jouais à Soyaux-Angoulême, et nous sommes arrivés sur le terrain : il était couvert à cause du gel. J’étais capitaine, et l’arbitre est venu me voir et m’a dit qu’il allait faire le test clé : si tu parviens à le planter, tu joues. Le terrain était un parking ! Un point a été refait 30 minutes plus tard, le terrain était encore plus dur et là on a discuté dans le vestiaire des arbitres. Nous avons fini par y rester 3 jours pour jouer dimanche. Nous avons perdu, avec un essai refusé à Adrien Ayestaran alors qu’il était parfaitement valable.

Anthony Coletta a débuté professionnellement à Dax, club dont il a défendu les couleurs entre 2010 et 2017. (©Icon Sport)

Plus dur de jouer à Aurillac ou à Oyonnax dans la neige ?

« J’ai gagné plus à Oyo qu’à Aurillac. Je pense que c’est plus dur de gagner dans le Cantal (rires). J’ai beaucoup de respect pour ce club aurillacois (il était au Pôle Espoirs d’Ussel). C’est le club le plus ancien de la division, il se débrouille avec ses moyens, il a une importance territoriale parfois sous-estimée. C’est un pays qui a beaucoup de valeurs, qui a des produits régionaux, une bonne mentalité : j’adore ce club ! »

Meilleure anecdote avant ou après un match ?

« A Colomiers, nous avons Guillaume Tartas, un pilier à l’ancienne, basque, formé à l’Aviron Bayonnais. A 25 ans, il vient de découvrir la crème chauffante. J’ai frotté la crème sur son dos et elle est devenue rouge comme une tomate. C’était la première fois de ma vie que je riais aux éclats avant le match. Tout le vestiaire éclatait de rire. En gros, il avait une allergie et le personnel a dû lui donner une autre crème pour calmer tout cela. Il a même failli s’évanouir.

Le pire trajet en bus ?

« Il y a 4-5 ans, il nous fallait 11-12 heures pour arriver à Rouen. Il avait neigé et nous avions eu des embouteillages sur l’autoroute. Nous avions emprunté des petites routes. C’était long, et en plus, j’ai perdu 100€ au poker lors de ce voyage. J’ai dû tuer le temps, et comme je suis mauvais à ce jeu… Cela m’a valu le surnom de « sponsor ».

Le plus beau stade/la plus belle ambiance ?

« Le stade Chanzy d’Angoulême, sans aucun doute. La ferveur du public lorsque j’y jouais, ainsi qu’un groupe extraordinaire, sont le lieu qui m’a le plus marqué. L’ambiance est particulière, et la ferveur qui y règne n’est pas comme ailleurs. Même déjà, avec Dax, ça m’avait fait quelque chose de jouer là même si ce stade n’avait pas été refait. Lorsque je suis entré dans ce domaine, l’ambiance m’a transformé. Et en money time, le club a obtenu pas mal de primes grâce aux supporters.

Anthony Coletta, ici sous les couleurs de Soyaux-Angoulême, le club dont il a porté les couleurs de 2017 à 2019. (©Icon Sport)

Le joueur qui symbolise le mieux la Pro D2 ?

» Jean-Baptiste Barrère (actuellement à Dax). C’est un gars emblématique, qui a mon âge, et qui aussi n’a joué que en Pro D2. J’aurais pu dire Yann Brethous, mais il a fait une ou deux saisons en Top 14. JB, il a toujours été très bon, il représente bien ce championnat par la résilience, le travail en extérieur, je ne l’ai jamais vu lâcher prise ni baisser la tête . Il était fidèle à lui-même. Nous ne nous connaissons pas particulièrement, juste des amis communs, mais je l’aime et le respecte. J’avoue que nous jouons au même poste et que je m’inspire un peu de lui.

L’action ou l’essai légendaire de Pro D2 que vous n’oublierez jamais ?

« Je vais être égoïste (large sourire). Je dirai mon essai contre Aurillac. C’est le seul que j’enfile en parcourant plus de 2m avec le ballon dans les mains. C’est une belle action, construite, et je termine par un court sprint de 15-20 mètres. Plus largement, c’est même la meilleure tentative de ma carrière.

Le coéquipier perdu que vous aimeriez revoir ?

« Il y en a donc plusieurs, et je vais en citer deux. Il y a Ilian Perraux (joueur de Biarritz), avec qui j’ai joué à Dax et Angoulême. Nous ne nous appelons pas tous les jours, mais je le considère comme un ami et je pense que c’est réciproque. J’ai eu beaucoup de plaisir à jouer avec lui. Et puis mon fidèle compagnon Quentin Witt qui est actuellement à Bourg-en-Bresse (Nationale). Je ne le revois plus sur le terrain et je peux vous dire que c’est un joueur que vous préférez clairement avoir avec vous dans votre équipe. J’adorerais rejouer avec Ilian et Quentin.

Le joueur de Pro D2 avec qui vous avez noué la plus belle amitié ?

« Aldric Lescure. Je pense que c’est le joueur avec qui j’ai joué le plus de matches au cours de ma carrière. Nous sommes, si j’ai bien compté, nos 8e assaisonner ensemble. Je le considère comme mon frère. En quittant Soyaux-Angoulême, j’avais plusieurs options mais Colomiers a toujours été mon choix numéro un. Ma femme est également originaire du coin (Plaisance-du-Touch). La cerise sur le gâteau, c’est qu’il m’a accompagné, et que Colomiers s’intéressait à nous deux.

A la fin de votre carrière, pourriez-vous regretter de ne jamais avoir joué en Top 14 ?

Mon premier match professionnel, c’était avec Brive contre Toulon de Wilkinson et Sonny Bill Williams. Sauf que c’était un match amical, je n’étais que U23, et je n’ai pas joué le Top 14 suivant. J’ai eu des opportunités d’adhérer, mais j’ai préféré signer à Soyaux-Angoulême en 2017. Ce club m’a relancé, car je n’étais pas épanoui à Dax, j’ai même failli arrêter le rugby. Je savais aussi que dans le SA XV, il y avait l’excellent Julien Laïrle : je savais qu’il allait m’épater. Je n’y ai pas beaucoup réfléchi, mais je savais qu’il serait le déclencheur de beaucoup de choses. Je lui serai éternellement reconnaissant. Je voudrais également citer Pierre Sagot, préparateur physique lyonnais. Je n’ai jamais brigué le Top 14, et je pense avoir fait de bons choix. J’aurais peut-être pu me mettre davantage en danger, aller plus haut et être plus patient. Mais honnêtement, je n’ai aucun regret. Je suis là où je mérite d’être.

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