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“Si on voulait rester à 11 contre 11, il fallait aller aux sanctions”, un dimanche au plus près d’un arbitre amateur en Aveyron

Dimanche, nous étions au match Boussac – Agen-Gages en D2, arrivés et repartis avec l’arbitre Faridi Aboubacari. Grâce à l’accord exceptionnel de la Commission d’Arbitrage de District et sans révéler notre qualité sur place, nous ne l’avons pas lâché d’un pas, même dans son vestiaire. Immersion dans ce monde de l’arbitrage amateur où cohabitent passion et tensions.

Il fait chaud pour la saison. Mais le petit stade bucolique, au fond de la vallée, verdoyant et bordant un ruisseau charriant son lot de coccinelles et d’insectes tisseurs, est gros, très gros. Herbes hautes. “Le terrain n’est pas bon ! Il va falloir assurer les passes, quitte à rentrer en touche, je préfère ça plutôt que les ballons n’arrivent pas », répète le coach local dès l’échauffement. A quelques mètres de là, Faridi Aboubacari échauffe également son corps. Il est l’arbitre du match. Nous sommes arrivés à Boussac, avec lui, dans son Siège qui a dû le voir débuter l’arbitrage en 2016. »Je reste toujours dans mon coin, le plus loin possible des deux groupes», dit-il en enchaînant des longueurs derrière la main courante, pataugeant même à quelques mètres du cours d’eau. “Compte tenu du terrain, je vais devoir rester très très proche des actions.« Et il avait raison. Cependant, et malgré sa pédagogie acquise sur le tas, et sur laquelle nous reviendrons plus tard, la rencontre n’aura pas de fin. Ben oui, presque. Mais non.

Un petit frottement avec de l’huile de massage avant de commencer pour l’arbitre, mais aussi le joueur (et entraîneur) qui effectue encore plusieurs entraînements par semaine à 35 ans.
Aveyron Press Center – AP

Révélateur également de ce football amateur où passion et tension tentent de faire bon ménage chaque week-end. DONC. Le score est de 4-3 pour les visiteurs. Les quelques dizaines de supporters – des deux camps et pour certains bruyants – présents au bord du terrain savent que la fin est proche. L’arbitre reste évidemment maître du temps. Mais c’est finalement le local, capitaine, attaquant et buteur ce jour-là qui jouera contre son équipe. Sanctionné, s’explique-t-il sèchement avec son propre responsable de club bénévole officiant en marge (à ce niveau, le District ne peut envoyer qu’un arbitre central sur le terrain, les adjoints étant assurés par les deux clubs). C’en est trop pour ce dernier, à qui le public et le staff n’ont cessé de parler – voire de le chipoter – pendant la séance. Béret, jean et chaussures de marche, il baisse définitivement le drapeau.

Valise bien remplie, 42 petits euros, mordue à l’oreille

Notre homme en noir (en vert fluo ce jour-là, après avoir choisi entre les cinq ou six couleurs différentes qu’il transportait dans sa valise et selon les couleurs des maillots des deux équipes et des gardiens ; le noir étant celui qu’il ne porte jamais comme un dernier recours, ne manquant pas d’humour sur le sujet, avec un grand sourire : “Tout en noir, personne ne me verrait“) n’hésite pas. Il ne laisse pas la confusion s’installer et décide de siffler la fin du match.

Avant le match, une fois la couleur du maillot décidée, Faridi Aboubacari y accroche l’écusson du District.
Aveyron Press Center – AP

Une fois de retour dans son vestiaire, il explique : «Je n’allais pas me mettre dans une situation délicate (en devant nommer un nouvel assistant). Le temps réglementaire était terminé. J’avais calculé qu’il restait normalement trois minutes de temps additionnel. Dommage pour eux.

Un choix parmi peut-être plus d’une centaine qu’il a dû faire seul, pendant les trois heures et demie chargées au stade, de la couleur des maillots respectifs, au contrôle du terrain et des filets, en passant par les vêtements vissés. crampons, ou encore l’identité des délégués, sans oublier les décisions sportives sur le terrain. Révéler ce rôle aussi ingrat que crucial ; attribué à ce niveau seulement 42 euros plus les frais de déplacement. Dans cette affaire, il a mis fin à une situation tendue, même si le vestiaire de Boussac était encore en ébullition à tel point qu’on n’a pas pu ouvrir sa porte lorsque Faridi Aboubacari a dû soulager les blessés – d’autant qu’un soupçon de croisés avait eu lieu. arrivé du côté de Boussac pendant le match. Une responsabilité administrative, en plus sportive, qui n’effraie pas le facteur de la ville.

Le football est ma passion. Quand je suis sur le terrain, je ne pense qu’à ça, j’oublie tous les problèmes du quotidien. » Une passion dévorante pour celui qui est, d’ailleurs, élu aussi chez lui, à Aubin. Car au-delà du coup de sifflet qu’il détient pour le club de la JSBA, il est aussi un joueur vétéran malgré ses 35 ans et sa condition athlétique au top (à première vue meilleure en tout cas que la plupart des joueurs présents sur le terrain ce dimanche) ou dans le équipe réserve mais aussi entraîneur du fanion Combes, également en D2, mais dans l’autre groupe. Je refuse d’arbitrer les équipes que je rencontre avec Combes», précise celui qui est bien connu aux abords des terrains, en se serrant la main avant ou après le match ce dimanche. “Parfois, quand j’arbitre, certains me parlent comme à un ami, mais je sais leur dire qu’ici, c’est moi l’arbitre.

« Grosse connerie », amour et humanité, rôle crucial du staff

De quoi préparer des week-ends chargés. D’ailleurs, quelques heures auparavant seulement, lui et ses protégés s’étaient imposés 2-1 à Laissac. Un endroit qui ne lui rappelle pas que de bons souvenirs, en tant qu’arbitre. En effet, le natif de Mayotte arrivé en métropolitaine à l’âge de 22 ans l’a fait »une grosse bêtise « la saison dernière. Au point que la commission l’a sanctionné, le rétrogradant d’arbitre de D1 à D2. »C’est normal, je suppose », dit-il, alors qu’au District, ce « classement » des arbitres s’inscrit dans une volonté d’amélioration, forcément difficile à mettre en œuvre au regard des moyens alloués mais aussi des effectifs ; et ce même si ces derniers sont revenus à des niveaux très élevés (125 actuellement en Aveyron), alors que se profile une formation d’entrée à l’arbitrage à la fin du mois à Onet (voir site du District).

J’ai commis une double erreur ce jour-là, en donnant un carton rouge à une équipe, alors que c’était l’autre qui aurait dû être inférieure. J’y ai pensé tout le match, ça m’a affecté, et j’ai eu envie d’annuler ce carton rouge après, je n’aurais pas dû.« Un témoignage plein d’humanité, malgré la façade qu’exige le rôle. Témoignage aussi d’un parcours personnel loin d’être linéaire. Car avant cela, Faridi Aboubacari avait lui aussi connu une belle ascension. Lui qui évolue toujours en D1 et R3, avait ainsi officié lors de la finale de la Coupe de l’Aveyron en 2023, drapeau à la main. Fier de cette réussite malgré les déboires passés. En effet, son nom s’était retrouvé dans la chronique judiciaire, malgré lui. en victime, après s’être fait arracher l’oreille, en 2020 à Foissac, par un gardien alors en liberté conditionnelle, puis de nouveau condamné par le tribunal judiciaire de Rodez pour cette agression. toute la communauté des directeurs de jeux aveyronnais appelant à la grève, pas de quoi le dégoûter.C’était un acte isolé.confie-t-il aujourd’hui, après avoir fait une pause de plusieurs mois et retrouvé «une deuxième famille à l’Unaf (association d’arbitres qui l’ont soutenu).J’aime trop le football pour laisser ce genre de comportement me l’enlever. » Cependant, d’autres affrontements l’ont poussé par la suite à demander à ne plus officier pour tel club de l’ouest du département, comme plusieurs autres arbitres aveyronnais le demandent chaque saison auprès d’autres clubs. Sans oublier, la saison dernière encore, ce président qui le menaçait verbalement lors du goûter d’après-match…

Revenons à Boussac. “ je m’amuse aujourd’hui », envoie « FA » en s’épongant le front dans son vestiaire, pendant la pause. “c’est chaud. Et j’ai l’impression que ça va continuer à augmenter. Je devrai peut-être retirer quelques cartons.« Une connaissance assez fine de ce microcosme, bien singulier. Il n’en manque pas, sur les huit jaunes qu’il a distribués ce dimanche, sept l’ont été en deuxième période. Au début, je suis resté conciliant dans le discours. Mais ensuite j’ai vu que si on voulait rester à 11 contre 11 sur le terrain, il fallait aller aux tirs au but.

De sa fiche de match papier à la feuille de match numérique sur tablette, les informations sont saisies dès la fin du match.
Aveyron Press Center – AP

Un équilibre entre fermeté et sens du jeu remis en cause à plusieurs reprises par certains joueurs et les bancs au cours du match, l’adrénaline n’ayant pas forcément que des bons côtés. “ Les joueurs vont bien. Le plus important c’est le personneldit-il en connaissance de cause. Si vous perdez les entraîneurs, c’est beaucoup plus compliqué, voire même. Ce sont eux qui influencent le plus les comportements sur le terrain.“Pendant que les piques et autres plaisanteries entendues derrière la rampe, dimanche dès la 3e minute (!), affluent sur lui.”Bien sûr, nous les entendons, car j’ai entendu dire que beaucoup de gens parlaient à ce bénévole en marge du match tout au long du match. Mais j’ai une règle, je fais la sourde oreille. » Comme il refuse de regarder le classement des deux équipes avant d’aller les arbitrer.

Sens du jeu, entraînement et abstraction du contexte

Un cadre qu’il se fixe. Lui qui est venu en arbitrage pour «comprendre beaucoup mieux la loi, les règles du jeu parce que, (je) a pris beaucoup de cartes en tant que joueur sans vraiment comprendre pourquoi. « Toutefois, sa montée en compétences dans ce domaine reste difficile à mesurer objectivement, malgré les une ou deux observations d’un encadrant qu’il rencontre chaque saison. De toute façon, il n’y a pas de véritable entraînement autre qu’à l’entrée en fonction à ce niveau. Et, selon lui, les seuls tests physiques tels que rédigés en début de saison ne sont pas éliminatoires, ni même suffisamment débriefés.

Pourtant, dimanche, une fois la pression retombée en fin de match, et au milieu d’une demi-bière servie, la récompense est venue d’un milieu de terrain, qui avait par ailleurs perdu. “Donc on ne peut pas finir le match ?il rit d’abord avec l’arbitre qui s’est douché, s’est changé et à qui on a servi un verre de collation. Non, je plaisante. Bravo pour le match, merci.

De quoi monter dans le Seat, cette fois-ci, sereinement. “Tout s’est bien passé. Mon esprit est libre aujourd’hui.

 
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