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“La rivalité n’aurait jamais dû aller aussi loin” – .

Deux familles, égales dans la tristesse. De Romans-sur-Isère (Drôme) à la Catalogne (Espagne), les rixes ont fait place aux coups de feu. Au cœur du quartier sensible de la Monnaie, la rivalité sanglante n’oppose pas les Capulet et les Montaigu mais les Amrani et les Gourini. Deux clans rivaux engloutis dans une guerre qui a déjà coûté la vie à deux des leurs : Walid Gourini, tué en juin 2016 à 25 ans à Romans-sur-Isère, puis Chaouki Amrani, 23 ans, abattu en mai 2022 dans un café terrasse à Salou en Espagne.

Ces dernières semaines, la rivalité s’est poursuivie avec l’issue judiciaire de ces premiers meurtres, envoyant deux hommes en prison : en février dernier, Salim Amrani a été condamné à 20 ans de prison pour le meurtre de Walid Gourini – il a fait appel de cette décision. Et quelques jours plus tard en mars, la police espagnole annonçait l’extradition de Nadir Gourini, désormais mis en examen pour le “meurtre en bande organisée” de Chaouki Amrani.

Un pas fait pour une raison futile

A Romans-sur-Isère, personne ne semble vraiment se rappeler quand et comment la rivalité a commencé entre ces deux frères et sœurs qui vivaient dans le même quartier avant d’enchaîner les condamnations pour violences et nombre d’autres délits… « Depuis des années, la rumeur d’une rivalité sur fond de trafic de drogue fait le buzz, glisse une Source policière, mais il n’a jamais été prouvé qu’il s’agissait de trafiquants notoires. Cette histoire ressemble surtout à un combat de bites qui veulent être les rois du quartier. Après quelques tensions initiales, le cap est franchi à l’été 2016. Pour une raison futile.

Le 22 juin 2016, Yanis, un ami proche des Gourini, roulait aux alentours de Romans-sur-Isère lorsqu’il a cédé le pas à une Clio conduite par Salim Amrani. Les insultes pleuvent puis Yanis prend à droite. Il alerte les frères Gourini. Aucun des deux clans n’entend laisser passer l’affront. Une bagarre éclate au cours de laquelle Salim Amrani, accompagné de son frère Chaouki, frappe les Gourini avec des chaînes. La haine monte, comme un poison. Trois jours plus tard, l’un des Gourini alerte ses frères : il est poursuivi par Salim et Chaouki Amrani qui veulent « lui mettre la pression ».

Les deux frères se retrouvent face à face. Salim Amrani, qui affirme avoir récupéré une arme perdue par l’un de ses rivaux, rattrape Walid Gourini. “Il se débattait (…) J’ai mis un premier coup de canon sur sa tête, puis un second et j’ai entendu une détonation”, a-t-il raconté plus tard. L’hypothèse fortuite n’a pas convaincu la cour d’assises de la Drôme.

Chaouki Amrani mortellement atteint de cinq balles dans le dos

Longtemps mis en examen pour meurtre dans cette affaire, son frère Chaouki Amrani bénéficie finalement d’un non-lieu. Une décision qui renforce la haine. Ce dernier semble également “avoir été alimenté par des voyous lyonnais persuadés qu’aider l’un des deux clans serait utile pour s’implanter dans le quartier de la Monnaie, où se trouvent des points de deal lucratifs”, explique une Source policière.

Cette aversion finira par émerger le 9 mai 2022 à plusieurs centaines de kilomètres de la Drôme en Espagne. Chaouki Amrani, assis dans un restaurant de la vaste artère piétonne de Salou, a été mortellement touché par cinq balles dans le dos. Trois hommes fuient les lieux, mais l’un d’eux est plaqué au sol par un videur de boîte de nuit et plusieurs passants. Lorsque la police espagnole arrive, elle trouve une arme de poing et de faux papiers dans les poches du suspect. Ses empreintes digitales le trahissent : c’est Nadir Gourini.

Nadir Gourini est plaqué au sol par un videur de boîte de nuit et plusieurs passants le 9 mai 2022 en Espagne. RD

Des caméras de surveillance montrent que les deux autres tireurs présumés ont jeté un pistolet de calibre .38 – vraisemblablement l’arme du crime – dans une poubelle et se sont enfuis dans une voiture retrouvée calcinée juste avant la frontière française. Les policiers de la PJ de Lyon interpelleront les deux hommes quelques semaines plus tard.

“La peur d’un engrenage est forte”

Après l’extradition de Nadir Gourini d’Espagne vers la , l’enquête est désormais entre les mains de la justice française. Les investigations espagnoles ont montré que les trois Français étaient arrivés à Salou le jour du meurtre, après avoir appris que Chaouki y passait ses vacances… Une coïncidence qui laisse présager une vendetta planifiée. « Mon client attend toujours d’avoir accès au dossier et d’être entendu par la justice, souligne Me Ivan Flaud, qui défend Nadir Gourini. Il nie formellement être le tireur et être à l’origine de cette expédition. »

« C’est un véritable assassinat, conteste de son côté Me Bertrand Sayn pour la famille Amrani. La mort de Walid Gourini et celle de Chaouki Armani ne sont pas comparables. D’un côté un accident dramatique, de l’autre un règlement de compte. »

L’ombre de cette vendetta espagnole a pesé lors du procès de Salim Amrani qui s’est tenu en février dernier. La famille Gourini était absente du siège des parties civiles lors du délibéré par crainte de représailles. « La peur d’un engrenage est forte, confie un connaisseur du dossier. La rivalité n’aurait jamais dû aller aussi loin, la vérité c’est qu’on a affaire à des petits gars sans envergure… qui tirent comme des gros voyous ! »

 
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