Ils n’ont pas 20 ans et ils bousculent l’ordre établi. Eh bien, en partie. Depuis plusieurs mois, des adeptes attentifs du circuit surveillent de près Jakub Mensik, Joao Fonseca et Learner Tien. Et avant le lancement de cette saison 2025, il y avait une certaine curiosité de savoir si leur travail à l’intersaison leur permettrait de poursuivre les progrès constatés l’an dernier et dans quelle mesure. Ce début de quinzaine australienne a apporté une réponse des plus spectaculaires.
En fait, cette bouffée d’air frais soufflait avant même le premier tour à Melbourne. Parce que trois « adolescents » – en l’occurrence Fonseca, Tien et… Martin Landaluce – avaient déjà échappé aux qualifications, cela ne s’était pas produit depuis près de dix ans (ils étaient 5 à l’US Open 2015). Mais ce qui s’est passé dans l’ensemble ressemble davantage à une tornade.
Car voir trois joueurs de moins de 20 ans battre des Top 10 – Fonseca, Mensik et Tien battant respectivement Andrey Rublev, Casper Ruud et Daniil Medvedev – n’est jamais arrivé au 21e siècle. Et il a fallu remonter à Wimbledon 2006 pour trouver des traces de même deux jeunes performants en même temps avec Novak Djokovic et Andy Murray (chacun âgé de 19 ans à l’époque). On a vu pire comme référence.
La Next Gen a pris le coup, la Baby Gen leur fait payer pour ça
Symbole de la cruauté du sport de haut niveau, ce « Baby Gen » a décimé la fameuse « Next Gen » de Melbourne, la défaite de Stefanos Tsitsipas face à Alex Michelsen pouvant alourdir le bilan. Comme son prédécesseur, elle a néanmoins été élevée au sein du Big 3, Fonseca et Mensik désignant Roger Federer et Novak Djokovic comme leurs idoles. Mais contrairement à Tsitsipas, Rublev et autres Medvedev, ils n’ont pas été traumatisés par les trois monstres. Il ne s’agit pas de jeunes joueurs prometteurs pressés d’incarner une relève que l’ATP possédait définitivement il y a cinq ans : ces nouveaux talents s’inscrivent dans un mouvement de fond déjà lancé et s’engouffrent dans la brèche.
Le « Baby Gen » est ainsi dirigé par ceux qui ont, en fait, déjà renversé la table. “Il y a quelques années, Jannik (Sinner) et Carlos (Alcaraz) étaient également adolescents.a souligné Jakub Mensik lors d’une conférence de presse après sa victoire au deuxième tour contre Ruud. Nous pouvons avoir la même approche, suivre leurs traces et essayer d’atteindre le même niveau en jouant contre eux. C’est génial qu’il y ait toujours du sang neuf. Le tennis bouge, nous pouvons voir des noms nouveaux et différents lors des tournois. Pour les fans aussi, c’est vraiment génial. Nous nous poussons mutuellement vers l’avant.» Tien a également confirmé que les performances de ses deux amis l’avaient inspiré.
51 tirs gagnants en 3 sets : Fonseca a été phénoménal contre Rublev
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McEnroe : « Quand je vois Fonseca, je vois le prochain Alcaraz »
Décomplexés comme Alcaraz et Sinner, ces jeunes ambitieux savent ce que cela coûte de percer si tôt. Ils ont ainsi atteint leur maturité physique et technique plus tôt que leurs aînés. “Les balles sont beaucoup plus lentes ces jours-ci, les courts sont plus lents, ils doivent donc frapper beaucoup plus fort. Ces gars sont des monstres“, souligne Mats Wilander, consultant pour Eurosport. “Fonseca a une attitude calme et physiquement, à 18 ans, il est déjà fort comme un chêne. Quand je le regarde, je vois le prochain Carlos Alcaraz. Je ne peux pas croire à quel point il est déjà bon», renchérit John McEnroe.
Ils ont tous un autre point commun fondamental : une grande confiance en eux et en leurs atouts. C’est ce qui les rend mentalement forts et capables d’exceller même dans des circonstances qui leur sont inconnues. L’apprenant Tien, par exemple, n’avait jamais joué un match en cinq sets. En deux tours, il a su se pousser deux fois jusqu’au bout du format long sans aucune expérience. Et la deuxième fois, il l’a fait après avoir raté l’occasion de terminer en trois sets face à un ancien numéro 1 mondial. Cela veut dire que la tête est déjà solide.
-Au bout de la nuit, au bout de lui-même : le résumé de l’exploit de Tien face à Medvedev
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Profils et styles variés
Certes, ni Joao Fonseca ni Jakub Mensik n’ont pu confirmer leurs exploits, tombant au tour suivant après cinq sets respectivement face à Lorenzo Sonego et Alejandro Davidovich Fokina (malgré des balles de match pour le Tchèque). Et rien ne dit que l’Apprenant Tien, qui a dépensé beaucoup d’énergie, sera là dès la deuxième semaine. Mais à Melbourne, ils ont déjà pris rendez-vous pour la suite de la saison. La difficulté commencera alors pour eux, car ils ne bénéficieront plus de l’effet de surprise et seront attendus au coin de la rue.
“Le défi pour la jeune génération est d’avoir de la variété. Vous pouvez matraquer le ballon depuis la ligne de fond, mais ajouter de la variété n’est pas facile. C’est pourquoi Alcaraz et Sinner sont si bons. Des joueurs comme Tsitsipas et Rublev ont un peu stagné et la nouvelle génération a vite rattrapé son retard.», prévient Tim Henman, un autre expert d’Eurosport.
De ce point de vue, il y a lieu d’être optimiste et prudent. Mensik, Fonseca et Tien ont des tailles (de 1,93 à 1,80 mètres) et des styles très différents. Quand le Tchèque impressionne par sa puissance et sa régularité dès le fond du court, le Brésilien impressionne par son explosivité et sa fluidité, tandis que l’Américain étonne par ses changements de rythme et son savoir tactique. S’ils continuent sur cette voie, le tennis du futur est une source d’inspiration. La Next Gen déçoit ? Longue vie à Baby Gen !
Le secret de Tien ? « Il faut toujours avoir confiance »
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