Dans une petite semaine, Charlie Dalin et Yoann Richomme arriveront aux Sables-d’Olonne pour boucler un Vendée Globe record. Ils pourraient même repartir ensuite pour une deuxième tournée mondiale, qu’ils finiraient peut-être par rejoindre Denis Van Weynbergh. Le Belge, dernier de cette dixième édition de la course seul et sans assistance, est arrivé dans le Pacifique il y a quelques jours et est désormais plus proche de l’arrivée que du départ.
A plus de 8 000 milles nautiques des leaders (14 000 km), le skipper de Groupe D’Ieteren court à son rythme, en évitant les grandes dépressions, avec un seul objectif : devenir le premier Belge à terminer le Vendée Globe, même s’il est à des années lumières des autres participants. Mais l’ancien patron de PME le reconnaît, il n’a pas l’impression d’être le « même marin » que les autres.
Vous souciez-vous toujours du classement ?
Au départ, j’ai beaucoup regardé les classements et petit à petit, au départ de l’Océan Indien, voyant que j’avais des problèmes, que je bricolais pas mal, j’ai lâché les classements. La dernière place, il faut en avoir une, il faut l’assumer. Ce n’est jamais facile, ni amusant. C’est dommage d’être si loin. Mais sur un Vendée Globe, on sait qu’on peut être dernier, mais pas perdre. C’est vraiment un concept important. Après, j’étais toujours en bas du classement, je me doutais que je n’allais pas faire un top 10, même si j’aurais aimé être plus proche de certains bateaux, être plus entouré.
Je fais mon Vendée Globe selon mes propres conditions et c’est ce qui compte. Je n’ai ni les compétences, ni l’envie d’aller dans des rafales de vent très fortes. S’il existe un moyen de les éviter, je le fais. Peut-être que parfois je navigue avec trop de prudence, mais c’est ma façon de naviguer et cela me met dans une certaine zone de confort. De toute façon, mon objectif c’est de finir le Vendée Globe, ce n’est pas le classement qui m’importe.
Avez-vous l’impression d’être dans la même course que tout le monde ?
Certainement pas. J’ai l’impression d’être dans un stade de football, d’être spectateur et de regarder le match. Ou comme lorsque Makelele, au Real Madrid, a déclaré qu’il avait passé le ballon à Zidane et qu’il avait regardé ce qui se passait ensuite. C’est un peu ça. Après, je suis vraiment concentré sur moi-même, même si je regarde ce qui se passe sur les réseaux. Je n’ai même pas l’impression d’être le même marin que les autres, du moins les premiers. C’est un autre monde.
C’est devenu plus une aventure qu’une course…
Le Vendée Globe était au départ une course pour moi, mais compte tenu du contexte et des circonstances, il est devenu une aventure personnelle, initiatique et philosophique. Je dois apprendre la patience et, à 57 ans, c’est difficile. C’est tout aussi enrichissant.
Doute-t-on davantage quand on est dernier de la course ?
Chaque jour, nous traversons inévitablement des moments de doute. Chaque jour est dur mentalement, nous traversons des hauts et des bas, des hauts et des bas émotionnels, des joies et des tristesses. Il n’y a pas de juste milieu. Moi, j’essaie de canaliser ça et de voir le positif même quand il y a un moment où je doute ou un moment où je me demande ce que je fais là. Mais au final, c’est incroyable, je fais le Vendée Globe, c’est une opportunité unique, je me suis battu pendant six ans pour y être, on ne peut pas abandonner. Je n’ai pas pensé à abandonner, j’ai trop travaillé, j’ai trop donné de moi pour ça. Mais nous voulons juste être déjà à l’arrivée. On envient les premiers car dans huit à dix jours, ils seront au restaurant, ils prendront une douche et ils dormiront dans un vrai lit. C’est ça qui est difficile à gérer, le manque de ces petits conforts.
Quelle a été votre journée la plus compliquée à gérer ?
Quand j’ai perdu la girouette en tête de mât et que j’ai dû monter sur le mât dans les 24 heures. C’est assez effrayant d’aller là-haut dans l’Indian, parce qu’on se fait ballotter comme une marionnette. C’est bien quand on est au sommet, mais se relever est une vraie galère. J’ai fait trois tentatives et la dernière a duré trois heures. J’étais épuisé. Et quand on est en haut, il faut redescendre, et ce n’est pas rien, c’est aussi dangereux que de monter. Vous descendez par pas de cinquante centimètres et du coup vous êtes à trois mètres car la corde glisse. C’était assez impressionnant et très compliqué.
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Même si vous êtes dernier, pouvez-vous vous amuser ?
Tous les jours sont beaux sur le Vendée Globe. On a des petits plaisirs quand il y a un rayon de soleil, un peu de lumière, quand il fait un peu plus chaud et qu’on peut sortir prendre un café. Ce sont des moments comme celui-ci qui rendent les journées belles et nous essayons de multiplier ces petits moments pour rendre les journées agréables dans des conditions parfois vraiment hostiles.
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Vous êtes près du Point Némo (le point de l’océan le plus éloigné de toute surface terrestre), sans aucun bateau qui puisse vous venir en aide en cas de problème. Est-ce que cela vous inquiète ?
Cela ne m’inquiète pas trop. De toute façon, nous sommes isolés, et j’ai eu le sentiment d’être plus isolé au milieu de l’océan Indien qu’ici. C’est vrai qu’on est loin de toute terre habitée, mais on sera très vite près du Chili, ça ira assez vite. Je m’en occupe et n’y pense pas vraiment.