Nîmois dans l’âme, formé chez les Crocodiles, René Girard est devenu Pailladin d’adoption, statuaire des supporters locaux lorsqu’il a mené le club au titre de champion en 2012. Un souvenir inoubliable dont il apprécie un peu plus la portée au fil du temps.
Un numéro spécial de 84 pages
Condenser un demi-siècle d’histoire en 84 pages. C’est le défi relevé par la rédaction sportive du Midi Libre dans ce numéro spécial sur les 50 ans du MHSC. Disponible en kiosque le 11 décembre pour seulement 5 euros, ce magazine sur papier glacé vous fera revivre les grands moments de l’histoire du club montpelliérain à travers nos « 50 » qui ont fait le MHSC.
Joueurs, entraîneurs et bâtisseurs, évidemment, à commencer par cette « Saga Nicollin », racontée par Laurent et Colette, l’épouse de feu Loulou. Un hors-série rempli d’anecdotes et de photos inédites avec un entretien exclusif avec Olivier Giroud.
Le football vous manque ?
Les gens m’ont dit « tu verras, la retraite, ce n’est pas si simple ». Et c’est vrai, en exagérant un peu, que je me demande parfois ce que je vais faire de ma journée. Je pense que j’aurais pu y rester encore deux ou trois ans. J’en ai l’envie et l’énergie. La vie de famille est là, j’ai le plaisir d’aller voir les matchs, mais c’est la passion qui prend le dessus. J’aurais peut-être dû continuer mais en même temps quand je vois que des amis comme Bruno Martini ou Faouzi Mansouri sont partis trop tôt, je me dis que je ne vais pas me plaindre.
Et le MHSC vous manque ?
Cela me manque beaucoup car personne n’aurait pu me prédire ce que nous allions écrire. Le titre était magnifique et je sens le poids qu’il représente. Je viens à presque tous les matches à la Mosson et je me rends compte à quel point on a touché les gens. La reconnaissance est toujours aussi intense. C’est beau et ça touche toutes les catégories sociales. Ça fait du bien parce que le temps passe et il y a des choses qu’on ne fait pas deux fois dans sa vie, surtout avec un club comme celui-là.
Quand avez-vous commencé à regarder ce qui se passait à La Paillade ?
Il y a eu un derby, en Coupe à Alès (en 1978 NDLR). J’ai été expulsé après m’être échauffé avec Jean-Louis Gasset. On en rit aujourd’hui. Jean-Louis me dit “quand tu étais joueur je te détestais et maintenant on passe de bons moments ensemble”.
Avez-vous au moins montré une certaine partie de votre anatomie au public montpelliérain en sortant ?
Parfois, il n’est pas nécessaire de marquer un but pour faire parler les gens. Toute la semaine, la question a été la couleur des sous-vêtements de René Girard (rires)… Cet antagonisme est revenu lorsque Mézy a quitté Montpellier. J’avais vu des matchs de Coupe très chauds à la Mosson. On a retrouvé en terme de mentalité ce qu’on a vécu à Jean-Bouin. Mais je suis parti à Bordeaux en 1980 et nous avons perdu contact.
C’est Loulou qui vous a contacté en 2009 ?
Je venais de quitter le DTN et l’équipe junior. À ma grande surprise, Loulou m’avait appelé. Nous avons déjeuné à la ferme. Il y avait pas mal de monde du club. Laurent, Michel… Je l’ai rencontré quand il était à la Ligue.
Le fait d’être local, avec un gros caractère aussi, a-t-il créé une alchimie ?
Nicollin aimait que les choses soient claires. Dès le début, le regard qu’il m’a posé disait : « c’est peut-être ce que tu dois faire ». C’est le président honnête et démodé avec lequel j’ai pu le mieux travailler. C’était aussi les débuts de Laurent. Nous avons beaucoup voyagé en bus. Le plus dur c’était parfois d’aller le voir au mas pour négocier des voyages en avion car on ne roulait pas dans l’or.
Que retenez-vous de cette année magique ?
Notre force cette saison, c’est de sentir que le groupe est avec vous. Nous avons presque tout le temps une saison dans le top trois.
Pourtant, à la pause, après avoir laissé filer le titre de champion d’automne à Evian-Thonon, vous souhaitez un mauvais Noël aux joueurs…
(Rires) Qu’est-ce que j’ai mis dedans ! Si je dis quelque chose comme ça aujourd’hui, je vais m’enflammer… Ce n’était pas pensé mais je m’attendais à cette déception. Mon expérience de joueur à Bordeaux m’avait appris beaucoup de choses. A Évian, on mène 2-1 et on perd 4-2. Quand je suis revenu aux vestiaires, j’étais fou. Je leur ai dit « vous ne réalisez pas que vous gâchez les choses ». Si c’était à refaire, je le referais parce que je pense que ça a été un déclic. Ils revinrent après la trêve, prêts, rafraîchis et rafraîchis.
Quelle image ou anecdote vous vient à l’esprit ?
L’image est pendant la Ligue des Champions. Pour jouer à Arsenal, nous avons pris l’avion pour Londres et lorsque nous sommes arrivés en bus, un homme nous attendait, assis devant l’hôtel. C’était Loulou ! L’anecdote, c’est cette invitation des fans du quartier de la Mosson juste après le titre. Le gars qui vient me chercher me dit de laisser ma voiture devant le stade. Je lui dis : « Ils vont le brûler »… Il me répond « Non, tu es avec nous, tu ne risques rien ». Il m’emmène dans la cour d’un immeuble, il y avait des tambours, toute une ambiance. Ils avaient préparé un repas. C’était un bon moment. Ils étaient vraiment heureux que je partage cela avec eux. Et moi aussi…
Il y a aussi cette clause dans le titre que tu as fait signer à Loulou…
Je ne sais pas ce qui nous est passé par la tête. Cette clause a été demandée dès ma signature avec une prime en cas de titre. C’était pourtant une clause importante. Cela m’a fait rire car je n’ai eu aucun mal à le faire passer. Personne ne nous imaginait champions. Après, Loulou m’a excité. “Putain, tu m’as eu…”
Le match décisif ?
Les deux matches contre Lille. A l’aller, nous avons gagné 1-0 à Villeneuve-d’Ascq avec un but de Giroud et un énorme jeu de Pioneer dans les buts. C’est le déclencheur. Le retour à la Mosson a permis de réaliser notre rêve fou… La finale à Auxerre a également été phénoménale. Les balles de tennis, les interruptions. C’était insupportable mais au final on se souvient de l’aventure collective. Des garçons comme Bédimo et Jeunechamp, délaissés au plus haut niveau, ont pris une sacrée revanche. Cyril, je l’avais au centre de formation de Nîmes et les gens de la Ligue Amateur ne voulaient pas le garder. Je lui ai donné une chance de faire une saison supplémentaire avec un contrat. Il jouait à l’époque comme attaquant.
Olivier Giroud a joué un rôle majeur ?
Sans aucun doute. Il a marqué un tas de buts impressionnants. Je trouve ce garçon extraordinaire, quand on voit où il est passé… Grenoble, Istres, Tours, Montpellier. Beaucoup me l’ont dit, il est lent, il n’avancera pas. Je lui ai fait comprendre qu’on peut aller vite en étant lent. Olivier, il avait la vitesse sur 80 mètres mais pas la vivacité. Mais la progression et l’abnégation dont il a fait preuve dans le jeu sont énormes.
Montpellier est-il un club unique dans votre carrière ?
En termes de standing, le plus grand club que j’ai connu est Lille. Montpellier a développé et amélioré ses infrastructures grâce à l’argent du titre. Mais la place de la pleine Comédie, la jubilation, ce sont des choses qui restent. Vous l’avez en vous pour toujours.
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Le MHSC peut-il encore exister dans le football moderne ?
Chaque club a sa philosophie. Les jeunes joueurs d’aujourd’hui sont tous célèbres. Il faut être là au bon moment pour les récupérer. C’est un travail quotidien. Quand vous avez fait ce que nous avons fait en 2012, vous savez que vous avez six ou sept joueurs qui vont partir et qu’il faut être prêt à reconstruire. Il ne faut pas avoir peur de jouer des jeunes comme on l’avait fait en 2012 lors de la CAN avec Cabella, Stambouli… Si on n’a pas les moyens financiers, il faut trouver d’autres leviers. On peut vivre une année difficile avec les jeunes en se disant qu’ils vont devenir plus durs et gravir les échelons. Il faut aussi donner aux joueurs l’importance qu’ils méritent, pas les mettre en valeur.
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Est-ce le poids du titre qui empêche le MHSC de faire appel à vous en ces temps difficiles ?
On peut se poser la question. Ma faute, c’est de ne pas me mettre en avant. Si cela ne se produit pas dans ce cas précis, c’est parce que nous ne voulons pas que cela se produise. Parce que je suis là, disponible… Jean-Louis Gasset est dans la même situation que moi (1). Ce serait quelque chose à essayer.