Dans ce thriller prétentieux et pléthorique, un espion américain surveille un petit groupe de gauchistes français, sans qu’on comprenne pourquoi.
Pour son quatrième roman, Kushner s’inspire directement de Julien Coupat et du groupe Tarnac, qu’elle a rencontré lors des étés passés en France. Présenté comme un thriller philosophique par la presse américaine, Le lac de la création n’est malheureusement ni l’un ni l’autre, même s’il est truffé de digressions soi-disant profondes sur les Néandertaliens, Guy Debord, Louis-Ferdinand Céline et bien d’autres.
Et tout cela, avant même que l’héroïne, agent secret au service des Américains, n’ait encore infiltré le groupe qu’elle est censée surveiller. Ce n’est pas sa faute : il lui a fallu 120 pages (et beaucoup d’invraisemblances) pour rejoindre le sud de la France, où il est basé, depuis Paris.
Kushner veut nous dire quelque chose, mais quoi ? Si son objectif – du moins ce qu’on devine après bien des efforts – est de remettre en question la possibilité d’une gauche aujourd’hui et la notion de progrès, elle le rate en gonflant son texte de réflexions banales. Au mieux, on apprend que l’Europe n’est pas seulement un salon de thé à l’ancienne, mais qu’elle est un système de libre-échange qui a défiguré le paysage.
L’écriture est soit plate, soit prétentieuse ; lorsque son narrateur prend deux somnifères, cela devient : “J’ai donc soumis chimiquement mon cortex en le canalisant avec deux petites pilules.” Ah bien.
Le lac de la création de Rachel Kushner (Stock/« La Cosmopolite »), traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson, 480 p., 23h40 €. En librairie le 8 janvier.
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