La Ligue de Bretagne a développé Vor, une application qui permet de recruter des arbitres. Avec un certain succès puisqu’elle a battu son record en 2024. Et elle ne compte pas s’arrêter là.
Vor. Ces trois lettres parvinrent à redynamiser l’arbitrage breton en à peine quatre ans. Des pancartes et des dépliants, à l’origine bleus ou roses mais souvent personnalisés aux couleurs des clubs, ont fleuri dans les clubs-houses de la région. Avec, en tête, l’objectif de recruter de nouveaux arbitres. Pour cela, il suffit de scanner le QR code présent sur l’affiche, de renseigner vos coordonnées et de répondre à une série de neuf questions avec un baromètre allant de une, la plus intéressée, à neuf, la moins intéressée : est-ce qu’être arbitre correspond à ma vision de football? Pour mieux jouer, j’aimerais connaître les lois du jeu ? Est-ce que décider, gérer, commander me convient ?
Puis, l’action commence : analyse des réponses, prise de contact, explications… « J’ai reçu environ 45 demandes », explique Pierre Larvor, alternant chargé du développement de l’arbitrage à l’AS Dirinon. (29), club de 280 licenciés. J’ai ensuite contacté les profils qui se sont démarqués et les ai invités à un court rendez-vous en présence des parents. Et quatre jeunes filles sont allées suivre une formation d’arbitre à Ploufragan.
1 736 arbitres en juin 2024, un record
Grâce à ce système, la Bretagne comptait 1 736 arbitres en juin 2024, un record. « C’est difficile de dire qu’un arbitre a été recruté par le Vor car il y a d’autres paramètres », décrit Jonathan Tribodet, conseiller technique régional en arbitrage (CTRA) à la Ligue de Bretagne. Mais l’année dernière, nous avons recruté 550 arbitres, soit 150 de plus que les années précédentes. Certains clubs en ont recruté jusqu’à quatre. En deux ans (mars 2022 – mars 2024), le nombre de clubs en infraction a été divisé par deux (de 289 à 146). Cette saison, 360 clubs (sur près de 950) participent à l’Opération Vor, « dont la majorité des clubs Nationaux et Régionaux, mais aussi de D1 et D2 », explique Jonathan Tribodet.
L’ES Thorigné-Fouillard (35), forte d’environ 400 adhérents, n’avait plus d’arbitre depuis une dizaine d’années alors que les statuts de l’arbitrage en imposaient deux, dont un majeur. En infraction, cela représentait un préjudice de 720 euros d’amende par an. Lorsque le club a découvert le dispositif, il l’a adopté. Jérémy Golinval a distribué un maximum de flyers, allant même jusqu’à tenir des heures de bureau dans les centres commerciaux. Avec 300 réponses, celui qui cumule les rôles à l’ESTF a trouvé trois nouveaux arbitres et le club n’est plus en infraction. « Cela change aussi au niveau des cessionnaires. On passe de trois à six possibles. Le club a des projets et ça laisse de la liberté sur le plan sportif», ajoute Jérémy Golinval, qui a suivi les arbitres lors des premiers matches et en fait la promotion, notamment sur les réseaux sociaux. « Ils sont importants ! » Nous nous sommes occupés de toutes leurs formations, ils interviennent lors des stages… »
« Les arbitres couvrent le club, mais qu’est-ce que cela signifie ? »
Dirinon n’a pas attendu pour réagir. Après la perte de plusieurs arbitres, la direction a choisi de se concentrer sur l’arbitrage. Et ne comptez pas vous arrêter là. Entre deux entraînements, dans le froid et la pluie du Finistère, Karine Kerdraon, la présidente de l’AS Dirinon, déclare : « Nous avons travaillé le fair-play, le respect. Le respect de l’arbitre y était associé. C’est un message que nous envoyons dans la section football et lors du tournoi (Dirinon international, pour les U11 et les U13). Ces opérations sensibilisent l’ensemble de l’ensemble du club. Nous ne prenons pas suffisamment en considération le rôle des arbitres. Ils couvrent le club, mais qu’est-ce que cela signifie ? Il faut les intégrer à la vie du club. Ce ne sont pas de simples modules complémentaires permettant de cocher une case. Et si ça ne se passe pas bien autour des terrains durant le week-end, au niveau des joueurs, des dirigeants et des parents, on n’avance pas dans le bon sens. Mais cela ne peut pas se faire en 15 jours. Il nous a fallu au moins trois ans pour ancrer cette mentalité. Et ce n’est pas encore fini. » Désormais, le club finistérien compte cinq arbitres malgré la cessation d’emploi de deux des quatre jeunes recrutés grâce à Vor.
Comment fidéliser les arbitres ?
En pleine séance physique, Camille, 15 ans, porte fièrement sa tenue bleu ciel du District du Finistère. Celui qui « a répondu au questionnaire sans savoir que cela concernait l’arbitrage » a représenté Dirinon avec conviction sur le terrain samedi. « J’ai commencé par le tournoi de Dirinon, puis les U13, U14 et U15, filles et garçons, trace celui qui continue de jouer en parallèle. Quand j’ai commencé, je ne savais pas vraiment où j’allais. J’avais peur des réactions mais avec l’entraînement, j’ai appris que dans tous les cas, les joueurs vont se plaindre. J’étais super timide. Maintenant, je trouve que j’ose davantage, surtout en classe. J’ai souscrit une assurance. »
De quoi continuer longtemps. Après le recrutement, la Ligue de Bretagne s’attaque à un nouvel enjeu : la fidélisation. « Nous avons réussi à trouver des arbitres mais le problème, c’est de les garder », résume Alain Léauté, président de la Commission régionale d’arbitrage. Toutes les études montrent que nous perdons la majorité des nouveaux salariés au cours des deux premières années. » L’instance régionale mène sa propre étude sur la promotion de février 2024. Et devra encore trouver des solutions.
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