Pourquoi le hockey canadien est-il en déclin ? Et pourquoi le hockey québécois disparaît-il complètement au sein du hockey canadien ?
Cette semaine, deux événements distincts ont mis ces questions d’identité sur le devant de la scène.
Lundi, Hockey Canada a publié pour la première fois la liste des 32 joueurs invités au camp d’entraînement d’Équipe Canada junior en vue du Championnat du monde qui se jouera à Ottawa pendant la période des Fêtes. Sur cette liste, il n’y avait que deux joueurs québécois : les attaquants Mathieu Cataford, de l’Océanic de Rimouski, et Ethan Gauthier, des Voltigeurs de Drummondville.
Selon les experts de la scène du hockey junior, il y a de fortes chances qu’un seul des deux Québécois parvienne à se tailler une place au sein de l’équipe. Il est aussi fort possible que le Québec soit complètement rayé du portrait. Rappelons qu’en juin dernier, pour une deuxième année consécutive, les joueurs de hockey de la LHJMQ avaient été ignorés au premier tour du repêchage de la LNH. En 55 ans, rien de pareil ne s’était produit.
Il y a quelque 87 000 joueurs de hockey au Québec. C’est presque autant qu’en Russie (90 000 joueurs), qui figure constamment dans le top 3 des nations de hockey les plus titrées au monde. C’est aussi 20 000 joueurs de plus qu’en Finlande et 10 000 de plus qu’en Suède, deux pays qui développent en grande quantité les joueurs de la LNH et qui connaissent un grand succès sur la scène internationale.
Pour tenter de corriger ce déclin inacceptable qui se poursuit depuis des décennies, il ne se passe pas grand-chose sur le terrain.
Avant de penser à réinventer le parcours et l’encadrement des joueurs, les dirigeants de Hockey Québec semblent se concentrer sur l’adoption de saines pratiques de gouvernance par les régions et les associations. Ces problèmes de gouvernance et ces guerres de clocher paralysent depuis trop longtemps le hockey québécois.
Puis mercredi, la LNH a dévoilé les équipes qui participeront au Showdown des 4 Nations en février prochain. Conçu pour permettre à la LNH d’augmenter ses revenus, cet événement servira également de terrain d’essai aux entraîneurs de la Finlande, de la Suède, des États-Unis et du Canada en vue des Jeux d’hiver de Milan-Cortina. .
Comme au niveau junior, les représentants du Québec occupent une place anecdotique au sein du vrai
équipe nationale. Seul Samuel Montembeault y a obtenu un poste, qui doit pour le moment être considéré comme celui de troisième gardien.
Et sur un spectre plus large, Montembeault se retrouve au milieu d’une intrigue qui laisse sans voix tous les experts du monde du hockey. Le Canada, qui s’appuie pourtant sur le plus grand bassin de joueurs de hockey au monde (près de 504 000 joueurs) apparaît désormais incapable de produire des gardiens de premier ordre.
Pour défendre le filet canadien en février prochain, la direction d’Équipe Canada a décidé de s’appuyer sur Jordan Binnington, Adin Hill et Montembeault.
Binnington a mené les Blues de St. Louis à la Coupe Stanley en 2019. Au cours des trois dernières saisons (combinées), il a compilé la 22e moyenne d’arrêts (,903) parmi les gardiens numéro un de la LNH.
Colline Adin
Photo : Getty Images / Matthieu Stockman
Pour sa part, Hill agit à titre de gardien numéro un pour la première fois de sa carrière cette saison avec les Golden Knights de Vegas. Il a défendu le filet de Vegas lors de la Coupe Stanley 2023 parce que le numéro un de l’équipe, Logan Thompson, était blessé.
Quant à Montembeault, sa moyenne d’efficacité des trois dernières années (.902) le place au 25e rang de la ligue. C’est pourtant très respectable pour un gardien réclamé au ballottage qui doit, soir après soir, rattraper les erreurs d’une jeune équipe en reconstruction dans un milieu comme celui de Montréal. Cela dit, Montembeault n’a jamais participé à un match éliminatoire dans la LNH.
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Samuel Montembeault n’a jamais disputé de match éliminatoire dans la LNH.
-Photo : La Presse Canadienne / Christine Muschi
Notre collègue Alexandre Gascon a produit cette semaine deux textes intéressants qui tentent d’expliquer comment on en est arrivé là. C’est quand même incroyable que le pays qui a inventé le hockey et produit les cinq meilleurs gardiens de l’histoire de la LNH au cours des 35 dernières années ne soit plus en mesure de trouver un gardien dominant pour défendre le filet de son équipe. national.
Dans le deuxième texte de l’ami Gascon, les représentants d’USA Hockey admettent franchement qu’ils se sont inspirés des méthodes d’entraînement de pays comme la Suède et la Finlande pour former un plus grand nombre de gardiens de classe mondiale.
Pourtant, au cours des trois dernières saisons, quatre des dix meilleurs gardiens de la LNH étaient des Américains (Connor Hellebuyck, Jake Oettinger, Jeremy Swayman et Thacher Demko).
Il y a quelques semaines, j’ai contacté André Lachance, un expert canadien des systèmes sportifs de renommée internationale, pour tenter de voir ce que Hockey Canada pourrait faire pour renverser la situation.
Cependant, Lachance a répondu par une question. Qu’est-ce que le Canada a fait de bien lorsque ses gardiens de but étaient dominants ?
il a demandé.
Si vous ne savez pas ce que vous faites de bien lorsque vous gagnez et si vous ne savez pas ce que vous faites de mal lorsque vous perdez, ou si vous n’avez pas de stratégie ou de méthode pour mesurer ce que vous faites, vous avez peut-être un sérieux problème.
» a-t-il suggéré comme hypothèse.
Cette réflexion m’a fait repenser à des conversations passées avec les dirigeants des fédérations suédoise, finlandaise, allemande et tchèque. Lorsqu’ils expliquent les réformes entreprises pour rendre leur organisation plus efficace, les hockeyeurs européens répètent souvent la même blague. Ah, vous Canadiens, vous n’avez pas besoin de vous embêter avec les méthodes de développement ! Vous avez tellement de joueurs qu’il est facile de constituer une bonne équipe nationale
disent-ils.
Maintenant, c’est peut-être exactement le problème.
Pendant que d’autres pays se creusent la tête pour améliorer leurs structures, mieux encadrer leurs athlètes et mieux former leurs entraîneurs, le Canada n’a pas changé son approche depuis 50 ans.
- Nous nous contentons de faire jouer nos meilleurs joueurs les uns contre les autres, en nous disant qu’une élite se formera et se développera d’elle-même ;
- Nous confions nos meilleurs jeunes hockeyeurs âgés de 16 à 19 ans à une entreprise privée (hockey junior majeur) qui fonctionne sur le modèle du hockey professionnel et hors du cadre de la fédération nationale. Il n’existe pas de stratégie de développement au niveau universitaire alors qu’il s’agit d’une étape cruciale pour la grande majorité des acteurs ;
- La fédération nationale n’est pas sur le terrain. Ce sont les fédérations provinciales qui encadrent les joueurs et les entraîneurs du hockey mineur. Mais c’est la fédération nationale qui dicte un modèle de développement dépassé, notamment en formant des catégories élites dès l’âge de 12 ans alors que le hockey est un sport qui se développe tardivement. Dans un article de son collègue Gascon, le célèbre entraîneur des gardiens François Allaire soulignait à juste titre que de nombreux talents se perdent parmi nous parce que nous identifions l’élite beaucoup trop tôt.
Tout cela explique peut-être pourquoi le nombre de minutes de jeu jouées par les gardiens canadiens a diminué de moitié au cours des 20 dernières années et pourquoi la qualité des gardiens qui atteignent la LNH est moins élevée.
Cela explique peut-être aussi pourquoi le pourcentage d’attaquants et de défenseurs canadiens a chuté de 55,6 % à 42,4 % dans la LNH depuis le début des années 2000.
Certains diront que c’est tout à fait normal car le hockey s’est internationalisé. Mais si les dirigeants d’une entreprise dominante, par exemple Apple, trouvaient normal de perdre 13 parts de marché en invoquant la progression normale de leurs concurrents, ils seraient licenciés sur-le-champ. Si l’on accepte sans broncher la perte de 13 parts de marché, combien faudra-t-il en perdre encore avant de conclure que quelque chose ne va pas ?
Hockey Canada est une entreprise figée dans le - qui trouve normal de perdre des parts de marché et voit son plus grand rival, USA Hockey, prendre le contrôle du réseau de développement nord-américain via son réseau universitaire. Soit dit en passant, USA Hockey ne se contente pas de développer des gardiens de but. Au cours des 25 dernières années, la part des Américains dans la LNH est passée de 16,5 % à 30 %.
Et comme les chiffres parlent d’eux-mêmes, malgré sa taille imposante, Hockey Québec est devenue la franchise la plus insignifiante et la moins performante de Hockey Canada.
Nous ne sommes pas au bout de nos peines.
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