satellites, zone d’exclusion de l’Antarctique… Comment le Vendée Globe détecte les icebergs pour protéger les skippers

satellites, zone d’exclusion de l’Antarctique… Comment le Vendée Globe détecte les icebergs pour protéger les skippers
satellites, zone d’exclusion de l’Antarctique… Comment le Vendée Globe détecte les icebergs pour protéger les skippers

Cinq jours après la première étape majeure de la course, celle de Bonne-Espérance, les skippers s’aventurent désormais dans les redoutables mers du Sud, sujettes aux dépressions, aux vagues creuses mais aussi et surtout aux icebergs. Afin d’éviter toute collision, mais aussi de protéger les concurrents, le Vendée Globe les surveille depuis longtemps. « Lorsque l’on navigue près de l’Antarctique, la surveillance des glaces est cruciale. La course sera belle si nous protégeons tout le monde. a résumé Alain Leboeuf, le directeur de course, mercredi 4 décembre.

Cette surveillance, débutée en 2000 avec les « Portes des glaces », est ensuite devenue une « zone interdite » en 2014 avant de prendre, depuis 2016, la forme d’une zone d’exclusion de l’Antarctique (ZEA), en dessous de laquelle les marins ne peuvent pénétrer. Il s’agit de la société française CLS (Collecte Locale Satellites), grâce aux données satellitaires de l’Agence spatiale européenne (ESA) et le Centre national d’études spatiales (CNES), qui est chargé du suivi de la course et qui en définit les contours.

Ces satellites, situés à 700 kilomètres d’altitude, prennent trois formes : altimètre (normalement utilisé pour mesurer le niveau moyen de la mer mais détourné pour détecter les icebergs), optique (caméras spatiales) et radar (pour détecter les icebergs de jour comme de nuit et à travers les nuages).

Grâce aux données récoltées depuis l’été, l’entreprise a pu définir une première ZEA début novembre. “Le satellite est le seul moyen de surveiller l’océan Austral car il est particulièrement hostile. Une fois ces détections obtenues, nous avons développé un modèle de dérive qui permet d’anticiper les mouvements des icebergs. Ceci est résumé dans une cartographie des risques qui permet de définir cette ZEA »explique Franck Mercier, expert glace chez CLS.

« Nous détectons des icebergs d’une longueur d’environ 80 m, l’équivalent de Fort Boyard. On peut descendre jusqu’à des icebergs de 25-30 m. »

Franck Mercier, expert glace chez CLS

lors d’une conférence de presse

Une fois définie et transmise aux skippers, cette ZEA n’est pour autant pas figée, car les icebergs dérivent, même s’ils ne se déplacent qu’à une vitesse d’environ un demi-nœud (moins de 1 km/h). La direction de course l’ajuste quasiment en - réel, comme elle l’a fait sur cette édition suite à la dérive d’une centaine d’icebergs vers la ZEA. « En 2016, la ZEA a été modifiée neuf fois. En 2020, il a été modifié cinq fois. En 2024, nous l’avons déjà modifié à trois reprises. En général, nous le modifions jusqu’à fin décembre, à quelques jours du Cap Horn”rappelle Hubert Lemonnier, directeur de course.

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Car cette ZEA, un polygone de 72 points qui entoure l’Antarctique, agit comme une barrière invisible pour les skippers, qui les empêche de rechercher les vents de l’extrême Sud. L’organisation recherche donc toujours le meilleur compromis entre sécurité et liberté. « Il est important que l’athlète soit le plus libre possible. Nous ne voulons pas qu’il y ait beaucoup de contraintes, donc nous essayons de le garder le plus court possible. C’est aussi un enjeu stratégique car plus on est haut, plus on est dans la zone anticyclonique et donc moins on a de possibilité de capter les vents de sud »poursuit le directeur de course.

Pour les skippers, qui peuvent avoir jusqu’à 24 heures de pénalité en cas d’entrée dans la ZEA, c’est bienvenu et leur permet de se concentrer uniquement sur la course. Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 11e) en sait quelque chose : elle a rencontré un iceberg lors de la course en 2008. «J’étais passé juste à côté. Ce n’était pas une zone contrôlée, les détections étaient moins bonnes. J’ai eu de la chance, c’est de plus en plus rare. Mais dans une course Imoca, ce n’est pas mieux je ne les ai pas, donc ils ne me manquent pas.sourit-elle, ballottée par le creux des vagues.

Guirec Soudé (Freelance.com, 28e), qui a rencontré une île fantôme en 2018, se méfie également de ces blocs de glace dérivants. « C’était un énorme morceau de glace tombé de l’Antarctique, mesurant 250 km2. C’était très impressionnant, terrifiant et pénible. Je veux seulement retourner sur la glace, mais pas sur ce bateau ! » ajoute le skipper qui dispute son premier Vendée Globe.

Reste que si la surveillance satellitaire, non pas instantanée mais quotidienne, permet d’anticiper les mouvements des icebergs, le risque zéro n’existe pas, notamment pour les « growlers », petits morceaux issus de la fonte et de la dislocation des gros. « C’est très dangereux pour les bateaux car ils sont indétectables. Dans certaines images, la différence entre un iceberg et un bateau peut être très subtile, il y a toujours une ambiguïté. Les crêtes des vagues peuvent également avoir une forme proche de celle des icebergs. Il reste encore une petite part d’incertitude.rappelle Franck Mercier de CLS.

Pour la suite de la course, plusieurs points nécessiteront une vigilance accrue : autour des îles Kerguelen, puis autour des îles Malouines, une fois le Cap Horn franchi. Et pour la prochaine édition, le suivi devrait encore être amélioré, avec l’ajout par l’Agence spatiale européenne d’un satellite capable de mesurer cette fois l’épaisseur des blocs de glace dérivants.

 
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