Une petite soirée de Ligue des Champions entre deux entraînements et une sieste dans le jacuzzi. Les joueurs de l’Olympique de Marseille, et le staff, ont très probablement passé leur mercredi soir devant la télé au milieu de leur stage de quatre jours à Mallemort, à une heure de Marseille, comme l’a décidé l’entraîneur Roberto From Zerbi. Pour le plaisir, mais aussi et surtout pour analyser son adversaire de dimanche, l’AS Monaco, qui s’est incliné mercredi soir sur sa pelouse face au Benfica Lisbonne (3-2), en C1.
L’occasion de voir les Monégasques perdre dans les dernières secondes du match, et surtout de prendre le plein d’informations avant de les retrouver, en vrai cette fois, dimanche (20h45) dans le choc de la 13e journée. Mais ce cap décidé en pleine saison, « du jamais vu », selon un habitué du club, n’était évidemment pas destiné uniquement à analyser Monaco.
“Parler de tout et de rien, parfois ça fait du bien”
Renforcez et consolidez également la main-d’œuvre. Car contrairement aux saisons précédentes, l’Olympique de Marseille n’a pas effectué d’entraînement de pré-saison, la faute à des recrues estivales arrivées tardivement, à la mi-août comme Rulli, Wahi, Rowe, Maupay. Sans oublier Adrien Rabiot, qui a signé mi-septembre.
Au programme donc, « un peu de football », mais une seule séance quotidienne, et beaucoup d’activités en dehors du football, pour resserrer les liens. Balades à vélo, petites séances de golf, récupération dans les jacuzzis, et surtout beaucoup de temps d’échange. « Ce genre de stage permet de parler de tout et de rien, et ça fait parfois du bien. On apprend à connaître ses coéquipiers, car dans la vie de tous les jours on ne passe que quelques heures ensemble et tout tourne autour du football. Là, vous passez des soirées ensemble, mais aussi avec le staff et le coach. Ce sont des moments finalement rares, qui nous permettent de renforcer la cohésion », énumère l’ancien milieu de terrain Ricardo Faty.
Un timing « intelligent »
Un besoin identifié par Robert De Zerbi, qu’il a donc décidé après deux défaites au Stade Vélodrome dont la dernière face à Auxerre (3-1) a été plus que marquante pour l’entraîneur italien. Il l’a annoncé à ses joueurs dimanche matin, après la victoire contre le RC Lens (3-1), même si certains de ses cadres en étaient au courant depuis la veille.
Un timing parfait pour Rolland Courbis, qui connaît bien le contexte marseillais. « Je trouve très intelligent de profiter de cette semaine où on a la « chance » de ne pas jouer la Coupe d’Europe, pour prendre l’avantage sur Monaco. En plus, avant un match très très important au stade Vélodrome», estime l’ancien entraîneur de l’OM.
La «retraite» italienne
Si cela reste très rare en Ligue 1, l’idée de ce recours à un stage en pleine saison pour Roberto De Zerbi vient très probablement de son pays natal, l’Italie, où cette spécificité porte un nom : « le retiro ». Cela, Ricardo Faty l’a connu lorsqu’il était à l’AS Rome, sous les ordres d’un certain Claudio Ranieri lors de la saison 2009-2010.
« Ranieri venait de succéder à Spalletti, et nous ne faisions que perdre, nous étions dans une période de crise. Il a donc décidé de « prendre sa retraite ». Cela a commencé par le « silencio stampa », ou silence radio avec la presse, et nous sommes partis à l’entraînement. C’est fondamentalement punitif, mais comme pour la démarche de De Zerbi, il s’agit aussi de resserrer les liens, de se serrer les coudes et de se régénérer. Tout cela en dehors du contexte bouillonnant de Rome, comme cela peut être le cas à Marseille », raconte-t-il. Résultat, l’AS Roma n’a plus jamais perdu de toute la saison, sauf lors de la 35ème journée, pour terminer 2ème derrière l’intouchable Inter Milan.
Selon nos informations, ce stage de l’OM aurait été maintenu même en cas de défaite face au RC Lens (3-1), mais la victoire a forcément contribué à gagner l’adhésion des joueurs à la proposition de Roberto De Zerbi. Tout le monde semblait partant pour l’aventure, même les internationaux qui ont à peine eu le temps de poser les pieds à Marseille, et de profiter de leurs familles, avant de repartir à Mallemort.
Effets contre-productifs possibles
Car ces stages peuvent aussi produire des effets indésirables, surtout dans une période où les rythmes infernaux entre trêves internationales et périodes de clubs ne font que s’enchaîner. « C’est sûr que parfois il n’y a pas le même intérêt pour le club et l’entraîneur que pour le joueur. Certains peuvent le prendre mal en fonction de leurs intérêts personnels, surtout dans cette période où les joueurs jouent beaucoup et où on parle beaucoup de leur santé mentale », souligne un entraîneur de D1 féminine.
Rolland Courbis garde même un souvenir très précis d’une expérience totalement contre-productive, lorsqu’il entraînait les Girondins de Bordeaux lors de la saison 93/94. « Nous disputions notre huitième de finale retour de Coupe UEFA à Karlsruhe. Nous avons gagné 1-0 à l’aller et j’ai décidé d’emmener mon groupe en Allemagne trois ou quatre jours avant pour me préparer. Sauf que l’endroit n’était franchement pas sympa et au final on s’ennuyait plus qu’autre chose. Il n’y avait pas cette ambiance joyeuse et nous avons perdu le match 3-0», sourit encore Rolland Courbis, jaune. Nous saurons dimanche si de Zerbi avait une meilleure idée.