Pourquoi les retours des légendes Marcel Hirscher et Lindsey Vonn laissent le circuit perplexe

Pourquoi les retours des légendes Marcel Hirscher et Lindsey Vonn laissent le circuit perplexe
Pourquoi les retours des légendes Marcel Hirscher et Lindsey Vonn laissent le circuit perplexe

Les retours de grands champions en mal de sensations fortes, c’est un peu la boîte de chocolats de Forrest Gump : on ne sait jamais vraiment ce qu’on va obtenir. L’éventail est large, depuis les morceaux d’histoire proposés par Mohamed Ali à Kinshasa ou Tiger Woods à Augusta, jusqu’aux souvenirs très douloureux de Michael Jordan chez les Wizards ou de Michael Schumacher chez Mercedes. Quelle sera la place de Marcel Hirscher et Lindsey Vonn dans cette auberge sportive espagnole ? Pour être honnête, nous ne sommes pas sûrs de vouloir vraiment savoir.

“Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose”

Les deux légendes du ski alpin sont en tout cas les grandes attractions de ce début de saison. Le double champion olympique autrichien, qui court désormais sous les couleurs néerlandaises, a officiellement repris le fil de sa carrière fin octobre à Sölden, où il a pris la 23e place du géant, cinq ans après sa dernière course. Pour l’Américain, l’annonce choc est bien plus récente, vieille d’à peine deux semaines, et le circuit se remet à peine de l’onde de choc.

La reine de la vitesse, titre olympique, 82 victoires en Coupe du monde et quatre gros globes de cristal à son actif, ne sera pas à Killington ce week-end. Son plan est d’être ouvreuse à Beaver Creek les 14 et 15 décembre, avant de débuter les deux super-G à Saint-Moritz le week-end suivant. A 40 ans et avec un corps « brisé au-delà du raisonnable », comme elle le décrivait en justifiant sa retraite en 2019, voilà un défi qui attise la curiosité.

Lindsey Vonn a porté la flamme olympique à Paris le jour de la cérémonie d’ouverture, le 26 juillet 2024.-David Goldman

Dans le petit milieu alpin, on reste pour le moment assez dubitatif. Si chacun rappelle le respect dû à ces deux immenses champions, l’intérêt, la pertinence et les privilèges accordés posent question. A Sölden, lors de la conférence de presse leur équipementier commun, Head, la Suissesse Lara Gut-Behrami a exprimé sa méfiance. « Je ne veux pas polémiquer, mais je ne suis pas sûre que ce soit une bonne chose », a-t-elle commenté. Figure légendaire du ski suisse, l’entraîneur Hugues Ansermoz, qui voit Vonn grandir depuis ses 15 ans, s’est également dit “assez sceptique” dans les colonnes de Matinsans occulter évidemment le « grand coup publicitaire du ski ».

C’est justement ce qui dérange un peu le directeur de l’alpin français, David Chastan. Non pas la lumière portée sur la discipline, mais tout ce qu’elle cache. « Cela va au-delà du sport, à mon avis. On parle d’affaires, d’effet d’annonce, estime l’ancien patron de l’équipe de masculine. Je préfère qu’on parle de mon sport en termes de performances plutôt qu’en termes de retours. Ce sont des athlètes qui ont marqué l’histoire du ski, mais qui sont aujourd’hui, je l’espère, dépassés. »

Chastan ne dit pas ça méchamment. Simplement, s’accrocher à d’anciennes gloires n’a jamais fait avancer une discipline. Voir Hirscher passer à la trappe dès la première manche lors des slaloms de Levi et Gurgl ces deux dernières semaines est plutôt rassurant selon lui. “Cela montre que ce n’est pas si facile de revenir, et c’est bien”, a-t-il déclaré. Le ski demande beaucoup de sacrifices, d’entraînements, de concessions, pour atteindre un très haut niveau. Et là on mesure la difficulté, malgré avoir été de grands champions. Il est également important de ne pas dévaloriser les performances des jeunes skieurs. »

Une nouvelle réglementation sur mesure

Soyons clairs, ces retours sont tout à fait respectables et puisent leurs racines profondes dans la passion de ces deux athlètes pour leur sport. C’est une évidence, sinon pourquoi vouloir rechausser les skis en compétition après huit blessures graves et une opération au genou en avril dernier, comme c’est le cas de l’Américain ? Mais il y a peut-être un peu plus que cela, comme le développement de la marque de ski (Van Deer) qu’il a lancée il y a trois ans pour Hirscher, par exemple.

Un léger malaise se fait aussi sentir en raison d’un nouveau point réglementaire ajouté par la Fédération internationale de ski (Fis), qui semble avoir été fait sur mesure pour les Austro-Néerlandais – même s’il est entré en vigueur la saison dernière. En résumé, l’article 3.2.1 prévoit la possibilité de demander une caractère générique pour les athlètes qui se sont arrêtés pendant au moins deux ans et ont remporté la Coupe du monde au classement général, un petit globe, une médaille d’or olympique ou un titre mondial. Cette invitation permet de prendre le départ d’une course juste après le top 30, et non avec un dossard très élevé, synonyme de piste dégradée, donc de performances limitées et rendant impossible un retour au très haut niveau.

Article 3.2.1 du règlement FIS, un petit cadeau pour ceux qui lisent l’anglais.-FIS

Les étapes vers le plus haut niveau mondial sont donc un peu plus claires pour Vonn et Hirscher. Un avantage « légitime par rapport à ce qu’ils ont fait dans leur sport », estime David Chastan, mais aussi « discutable ». Car pendant cette période, ceux qui ont le malheur de se blesser, ce qui n’est pas rare en ski, peinent à retrouver des dossards corrects. “Ça me dérange un peu qu’on privilégie plus un retour de 5 ans d’arrêt de carrière que celui d’un skieur qui est dans le coup et qui se blesse”, poursuit le patron français. Une personne blessée doit faire face à un défi bien plus grand, avec tout ce que cela peut entraîner en termes d’appréhension et d’inquiétudes physiques. »

Chastan prend comme exemple le cas de Victor Muffat-Jeandet, médaillé olympique en 2018, dans le top 10 mondial en combiné depuis des années et qui vient de réintégrer le top 50 après plus de deux ans de lutte, suite à sa fracture de la droite. cheville en 2022 puis son opération du genou gauche en 2023. « La réglementation est très dure avec ces athlètes qui sont entre la 20e et la 30e place mondiale et qui perdent ce rang. Qu’il existe un statut particulier pour des gens comme Hirscher ou Vonn, je suis prêt à l’admettre et à l’entendre, mais il faut qu’il y ait une réflexion globale sur ces sujets. »

NOTRE DOSSIER SUR LE SKI ALPIN

Premier concerné, Alexis Pinturault estime également que « la blessure devrait être beaucoup plus permissive que la caractère générique », comme il l’a déclaré sur Eurosport le mois dernier. Tout juste revenu après s’être écrasé le genou gauche en janvier dernier, le vainqueur du gros globe 2021 est obligé d’obtenir de bons résultats très rapidement s’il ne veut pas compromettre son nouveau projet axé sur la vitesse. Il n’aura droit qu’à trois départs de descente pour trouver sa place parmi les 30 meilleurs de la spécialité. Sinon, il devra retirer les rames.

 
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