Entraîneur de l’équipe de France championne olympique à 7, Jérôme Daret a récemment été élu meilleur entraîneur de l’année aux World Rugby Awards. Il revient sur cette distinction personnelle et évoque son nouveau rôle au sein des Bleus, tout en retrouvant les Jeux Olympiques.
Vous avez été élu meilleur entraîneur de l’année aux World Rugby Awards. Comment avez-vous reçu ce prix ?
Avec une grande surprise et une immense émotion. Beaucoup d’honneur aussi car recevoir un titre comme celui-là, c’est incroyable. En outre, Ce n’est pas seulement gratifiant pour moi. Ce trophée met en avant tout le travail réalisé par le staff, les joueurs et l’ensemble de l’écosystème. Les collaborations avec les clubs et le travail avec la Fédération Française de Rugby sont également mis en avant… Je suis extrêmement fier car nous avions l’ambition de positionner le rugby à sept dans le paysage du rugby français, du rugby international et du sport olympique. Et je pense que nous ne nous en sommes pas trop mal sortis !
Avez-vous conscience d’avoir battu des grands noms du rugby à XV en remportant cette récompense ?
J’ai reçu un trophée selon des critères établis. Nous gagnons les Jeux olympiquesqui est la compétition la plus importante au monde, universellement et globalement. Nous avons également remporté des étapes des Séries grâce à un travail de fond et quatorze médailles à notre actif ces dernières années. Je suis fier du rugby à sept, qui est un sport incroyable. Un véritable sport extrême. Cela ne me paraît pas étonnant que tous les quatre ans, un des entraîneurs du 7 soit promu sur ce type d’épreuves et sur le rugby version olympique.
Vous êtes également le premier entraîneur de rugby à sept sacré dans cette catégorie…
C’est un honneur. J’en suis ravi car cela met en valeur cette version du rugby, parce que c’est le même rugby. Je me réjouis pour le monde du rugby à sept, qui est un monde atypique, où l’on partage tout avec nos concurrents et où nos ennemis deviennent nos alliés. Un lieu où tout est lié et dans lequel nous devons pouvoir prendre des décisions à tout moment.
Avez-vous l’impression d’avoir profité de la lumière des JO de Paris 2024 pour faire comprendre ce qu’est le rugby à sept ?
J’ai souvent dit que le rugby à sept était la Formule 1 du rugby. Maintenant, je préfère dire que c’est des montagnes russes. Cela crée un ascenseur émotionnel permanent entre dramaturgie et plaisir fou. C’est un cocktail qui crée des expériences incroyables entre les joueurs, les entraîneurs et le public. La population s’en est rendu compte lors des Jeux olympiques. 130 000 spectateurs en six jours au Stade de France, des audiences incroyables… Les gens ont découvert le rugby à sept mais aussi le rugby en général.
Pour vous, Monaco a d’abord été une terre d’infortune, avec cette défaite en finale du Tournoi de Qualification Olympique en 2021. Désormais, c’est le lieu où tout votre travail personnel a été récompensé. Est-ce que cela veut dire quelque chose ?
Les choses se terminent les unes après les autres et c’est une façon de dire que la boucle est bouclée. D’autant plus que j’évolue maintenant vers un autre rôle. Revenir à Monaco avec cette consécration est inattendu et c’est une sorte de clin d’œil au projet qui se termine pour moi. J’ai annoncé il y a un an que j’allais arrêter après Paris 2024 et recevoir cette réalisation à la sortie est tout simplement magique. Le cercle est bouclé.
Pourquoi avez-vous décidé de quitter votre poste ?
C’est sept années de travail acharné, plus de 220 jours d’arrêt, encore 70 jours travaillés… Je peux vous garantir que c’est beaucoup de sacrifices, beaucoup d’énergie déployée. Car on a quand même vécu un énorme échec en ne se qualifiant pas pour Tokyo. Et derrière ça, c’était un investissement fou d’aller chercher le Graal comme on l’a fait. C’est un travail sur la performance du personnel, sur l’intelligence émotionnelle, sur la performance mentale, sur l’écosystème… Un investissement de chaque seconde, de chaque minute. Cela a eu un impact sur la vie de famille donc c’était le moment pour moi de passer le relais. Il faut qu’il y ait des gens qui apportent beaucoup d’énergie et une ambition pour faire grandir un projet et un discours. C’est le rôle du nouveau staff et il est important que cela se passe ainsi. C’est comme quand on part chercher des champignons dans la forêt ! Vous verrez des champignons et quelqu’un qui passe derrière vous en verra davantage. Avoir une autre perspective permet d’avoir un angle de vue différent pour recréer dynamique et motivation.
Quelles seront les missions de votre nouveau rôle ?
Il s’agira de travailler sur l’héritage. Pour retranscrire tout cela à tous les niveaux, jusqu’aux clubs et à tous les salariés. Dans un premier temps, je serai le tuteur de l’équipe mais en gardant suffisamment de distance pour que le coach s’implique rapidement. Il doit être en pleine possession de l’équipe et capable d’exprimer ses compétences. Bien sûr, je le soutiendrai. Mon rôle sera de travailler sur l’écosystème, de manière transversale avec les clubs et l’organisation fédérale. Tout cela afin d’accompagner les équipes françaises vers la performance.
Quelques mois après les JO, êtes-vous descendu de votre nuage ?
Le rythme est toujours très intense et il y a beaucoup d’exigences. Les choses ont changé, ce n’est plus pareil. Il y a avant et après les Jeux olympiques. Il faut être vigilant quant à la construction de l’avenir pour le staff, pour nous et pour les joueurs. Après les grands sommets de Los Angeles, de Madrid et des Jeux Olympiques, il faut faire attention à la descente. Nous ne sommes pas encore complètement tombés, mais nous devons faire attention à ne pas tomber.
L’équipe de France à 7 sera-t-elle particulièrement attendue dans cette nouvelle saison qui débute ce week-end à Dubaï ?
Nous partons sur un cycle de quatre ans et c’est ça l’œuvre de Benoît Baby. Sa responsabilité sera de raconter une nouvelle histoire et de déterminer une nouvelle voie avec de nouveaux acteurs et de nouvelles associations. Le format de la compétition va évoluer, c’est déjà le cas entre Dubaï et Cape Town, où l’on passe de trois poules de quatre équipes à quatre poules de trois équipes. Il existe un nouvel univers dans lequel tout se transforme constamment. Tout le monde est attendu et tout le monde peut convaincre n’importe qui. Nous avons eu beaucoup de succès à la fin de la saison dernière, maintenant nous repartons de zéro. Personne n’attend personne.
Votre célèbre danse a fait le tour du monde cet été. L’équipe de France va-t-elle continuer à travailler sur ce type de chorégraphie ?
C’est un travail qui a été entrepris autour de la performance mentale et de l’intelligence émotionnelle. C’est un chemin qui a été très bénéfique et qui nous a permis d’avancer. Ce sera au nouvel entraîneur de voir s’il souhaite continuer à utiliser ce genre d’astuces.