La LNH peut-elle vraiment espérer réduire la durée maximale des contrats ?

Brendan Gallagher n’est pas né récemment. Parfois, lorsqu’il entend les dirigeants de la Ligue nationale de hockey (LNH) proposer telle ou telle modification au système, il sent qu’il y a une embuscade.

Alors, lorsque les directeurs généraux ont suggéré lors d’une récente rencontre avec le commissaire Gary Bettman que la ligue tente de réduire la durée maximale du contrat, le vétéran du Canadien a souri.

Cela me fait toujours rire. Ils contrôlent la durée des contrats, s’est exclamé Gallagher. Ils peuvent offrir moins d’années s’ils le souhaitent. Ils peuvent désormais offrir moins d’années s’ils le souhaitent.

Avant d’entrer dans l’argumentation de Gallagher, un peu de contexte.

Lors de la réunion des PDG à Toronto, le lendemain des plus récentes intronisations au Temple de la renommée, Bettman leur a demandé de lui soumettre des idées. Ce qui a émergé est une liste exprimant les souhaits et les doléances des dirigeants du hockey alors que la ligue se prépare à entamer les négociations pour la prochaine convention collective.

La réduction de la durée maximale des contrats est une suggestion parmi tant d’autres, et aucune d’entre elles n’a encore été identifiée comme objet de négociation. Peut-être y arriverons-nous, mais l’idée en elle-même n’est pas nouvelle.

Lors du conflit de travail de 2012, la durée des contrats était un problème majeur. Les propriétaires et leurs dirigeants de hockey voulaient à l’époque limiter les contrats à une durée maximale de cinq ans, mais ils se sont finalement entendus avec les joueurs sur des contrats pouvant aller jusqu’à sept ans lorsqu’il s’agit d’un accord avec une nouvelle équipe, et huit ans pour le renouvellement avec leur équipe actuelle.

On était déjà loin du contrat de 17 ans qu’Ilya Kovalchuk avait signé en 2010 avec les Devils du New Jersey.

Certaines DG reviennent toutefois à la charge. Dans un effort pour se protéger d’eux-mêmes, diraient les cyniques.

La convention collective actuelle expirera en septembre 2026, et plusieurs croient qu’en cette période de prospérité, une entente avec les joueurs pourrait arriver bien avant. Mais si Bettman décide de faire de la réduction de la durée maximale des contrats une pierre angulaire des négociations, l’harmonie actuelle pourrait être perturbée.

Récompenser les meilleurs joueurs

Selon une Source présente autour de la table lors de la rencontre avec Bettman, l’intention principale des directeurs généraux en soumettant cette idée est d’éliminer les salaires les plus improductifs et les plus encombrants.

Il peut s’agir de contrats de joueurs inscrits sur la liste des blessés de longue durée (Carey Price, Shea Weber, etc.), de contrats rachetés à bas prix, ou encore de joueurs actifs qui sont depuis longtemps en déclin, mais qui continuent être grassement payé.

Réduire la durée maximale des contrats, affirment-ils, les aiderait à mieux canaliser les ressources vers les joueurs qui sont sur la glace et vers les plus méritants.

Mais on revient à ce qu’affirmait Gallagher : les directeurs généraux sont libres d’accorder des contrats de la durée qui leur convient. Les joueurs n’ont pas à payer pour les erreurs que les équipes choisissent de commettre.

Les DG ont déjà le pouvoir de déterminer la durée des contrats, fait valoir Brendan Gallagher.

Photo : USA Today Sports / Sergueï Belski

Gallagher voit également la durée des contrats comme un argument convaincant pouvant aider une équipe comme le Canadien dans la rétention de ses joueurs.

La durée du contrat est importante pour plusieurs joueurs, soutient l’ailier du CH. Cela vous donne un avantage, à Montréal par exemple, où le taux d’imposition est plus élevé, mais où l’on peut vous proposer un contrat à plus long terme et peut-être couvrir une différence par rapport à l’argent que vous gagnerez à Tampa ou à Dallas, où il y a moins d’impôts.

Il existe certains avantages que vous devez utiliser pour en bénéficier.

Le centre des Jets de Winnipeg, Mark Scheifele, en est un bon exemple.

L’attaquant de 31 ans connaît une excellente saison, mais il entame un contrat de sept ans qui lui rapportera 8,5 millions de dollars par an. Il y a beaucoup de risques dans cette transaction, mais c’est le prix que les Jets ont dû payer pour éviter de le perdre sur le marché des agents libres.

Au fil des années, plusieurs équipes ont été encombrées de contrats longs et problématiques. Dans le même temps, les Panthers de la Floride ont fini par composer avec l’énorme contrat de Sergei Bobrovsky, et les Stars de Dallas sortiront indemnes du long contrat les liant à Jamie Benn qui se termine en fin de saison.

Ce phénomène n’est cependant pas sur le point de disparaître. Des accords plus récents, qui ne posent peut-être pas de problème pour le moment, pourraient un jour le devenir en raison de leur durée. On pense entre autres aux contrats de Chris Tanev, Elias Lindholm et Brady Skjei.

Mis sous pression par leur fenêtre de compétitivité, les équipes continuent aujourd’hui de prendre des décisions en sachant pertinemment qu’elles ne les servent pas sur le long terme. Comme si le système les incitait à commettre consciemment des erreurs pour rester aujourd’hui compétitifs.

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Auston Matthews

Photo : La Presse Canadienne / Frank Gunn

Ce ne sont pas tous Auston Matthews

Auston Matthews a adopté une approche différente de la majorité de ses contemporains dans ses négociations avec les Maple Leafs de Toronto.

À la fin de son contrat d’entrée, plutôt que de se précipiter vers un contrat de huit ans, il a signé un contrat de cinq saisons lui rapportant 11,634 millions de dollars par an. De l’extérieur, Matthews n’a rien cédé en termes de dollars annuels, mais le contrat plus court lui a permis de revenir à la table des négociations dès août 2023 et de signer un nouvel accord de quatre ans.

A la fin du contrat actuel, il aura 31 ans et pourra viser un autre accord lucratif.

Matthews fait cela en pensant qu’à mesure que le plafond salarial augmente, il pourra gagner plus d’argent étant donné qu’il continuera à être un joueur d’élite. Dans le même temps, il accepte le risque lié aux blessures, qui est atténué par les accords plus longs.

Limiter la durée de ses contrats lui a permis d’améliorer son salaire au milieu de ses années de pointe, et ainsi de maximiser ses gains.

Mais cette stratégie ne convient pas à tout le monde.

Chez les Stars, Jason Robertson a emprunté le même chemin et sa performance n’est pas emballante cette saison. L’ailier de 25 ans en est à la troisième année d’un contrat de quatre ans, et il n’est pas certain que son prochain contrat lui rapportera plus que celui dont il dispose actuellement.

Seuls quelques joueurs pourraient entrer dans ce scénario, a déclaré un agent de joueurs influent qui a préféré rester anonyme afin de ne pas s’immiscer publiquement dans les négociations. C’est pourquoi je m’opposerais avec véhémence à toute réduction de la durée des contrats dans le cadre d’une nouvelle convention collective.

Ce que je souhaite, c’est que les joueurs aient la possibilité de signer à long terme ou à court terme en fonction de leur situation personnelle et de leurs valeurs.

Une citation de Un agent de joueurs

Peut-être que tout le système serait plus profitable pour tout le monde en limitant les contrats à cinq ou six ans – y compris pour les joueurs – mais lorsqu’il est lui-même en position de négociation, un joueur est attiré par la perspective d’un contrat à plus long terme.

Cela signifie plus de stabilité, moins de distractions par rapport à ce qui se trouve devant vous et une gestion des risques plus prudente.

Quel impact sur le marché de l’autonomie ?

Un autre argument qui circule concernant la durée des contrats est le fait que les périodes de reconstruction sont extrêmement longues dans la LNH. Des contrats plus courts et la possibilité de voir davantage de joueurs utiliser le levier de l’autonomie pourraient aider les équipes à sortir du marasme en ajoutant des talents.

Actuellement, il existe très peu d’agents libres d’impact sur le marché. Les meilleurs sont retenus par leurs équipes. Cependant, si davantage de contrats expiraient lorsque le joueur a 27 ans, et si une durée de contrat plus courte empêchait les équipes de traîner des années d’inefficacité ou d’attrition jusqu’au milieu de la trentaine, le marché de l’autonomie pourrait bénéficier d’un second souffle.

Pourtant, l’agent à qui nous avons parlé ne voit pas les choses de cet oeil. Il affirme que la loi de l’offre et de la demande ferait qu’avec plus d’acteurs sur le marché des agents libres, les contrats attribués seraient moins attractifs.

Il est vrai que le plafond salarial est appelé à augmenter considérablement au cours des prochaines années. Cela donnera aux équipes de l’argent frais à dépenser. Mais quelle que soit la durée des contrats, le gâteau sera toujours partagé de la même manière, et chaque année les joueurs auront le droit de se partager 50 % des revenus.

Dans ce contexte, on voit mal ce qui pourrait convaincre les acteurs d’accepter une telle réduction.

Et si la LNH décidait d’en faire un sujet de négociation comme l’espèrent certains directeurs généraux, que pourrait-elle offrir en retour aux joueurs pour les convaincre ?

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