CF Montréal | Saputos, nouvelle génération

Les jeunes de la famille Saputo gagnent du terrain au CF Montréal. Quels sont leurs rôles, leurs ambitions et leur vision ? Pour la première fois, ils répondent à nos questions.

C’est bien connu, chaque club sportif est une « grande famille ». Sauf qu’au CF Montréal, c’est plus qu’une figure de style. C’est la réalité.

La famille Saputo est propriétaire de l’équipe. Ses membres siègent au conseil d’administration. Joey Saputo a fondé le club, en plus de l’avoir présidé pendant un quart de siècle. Son beau-frère, Raffaele Frassetti, est scout. Son fils, Jesse, est un espoir qui a participé au dernier camp d’entraînement. En coulisses, deux autres de ses garçons, Luca et Simone, multiplient les mandats importants.

Ce sont eux qui m’accueillent au centre d’entraînement de l’équipe pour un entretien rare. Le premier, en fait, depuis qu’ils travaillent au club.

Luca, 27 ans, vient de vivre une année intense. Il faisait partie du quintette qui s’est occupé du dernier mercato. Parmi ses dossiers, les acquisitions de Tom Pearce et Dawid Bugaj. Simone, 25 ans, a travaillé tout l’été à la restructuration de l’académie. Les deux trébuchent fort.

Aucune autre industrie ne vous permet de vivre des émotions ou une passion comme celle-ci.

Simone Saputo

C’est pourquoi les deux frères envisagent de poursuivre une carrière dans le sport professionnel. Plus précisément, au CF Montréal. Ils ont de grandes ambitions. Des rêves. Une vision aussi : offrir un débouché aux meilleurs joueurs québécois.

Quarante-cinq minutes plus tard, j’en suis sorti avec conviction.

Un jour, ce seront eux qui dirigeront le club.

* * *

Luca et Simone ont tous deux grandi dans le milieu de l’Impact.

« À 5 ans, on ramassait des ballons à l’entraînement, se souvient Luca. C’était notre passion. Nous avons toujours voulu être autour du club. Après, nous avons fait des stages. Marketing, académie, opérations, aspect sportif, on a vraiment tout essayé. »

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PHOTO FOURNIE PAR CF MONTRÉAL

Luca Saputo, enfant, ramassant des ballons à l’entraînement

Après avoir obtenu un master en affaires internationales à l’Université de Miami, il rejoint en 2020 le club à temps plein. Simone a suivi ses traces un an plus tard, également après un master en administration des affaires à Miami. Luca s’est d’abord orienté vers l’aspect sportif et Simone, vers le business.

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PHOTO FOURNIE PAR CF MONTRÉAL

Simone Saputo, enfant

« Quand j’ai commencé, raconte Luca, j’ai analysé les clubs de MLS pour savoir comment ils dépensaient leur argent. J’essayais de comprendre comment les équipes gagnantes investissaient leur argent dans leur équipe. » Il a aussi fait un peu de recrutement. À l’été 2023, son rôle a changé. Il devient responsable de la liaison entre le CF Montréal et l’autre club de Joey Saputo, le Bologna FC, en première division italienne. Lorsqu’il est en Europe, il suit pas à pas les directeurs sportifs et techniques Marco Di Vaio et Giovanni Sartori, pour apprendre les ficelles du métier.

Durant les années d’Olivier Renard à Montréal, les deux clubs ont collaboré – à quelques bras de distance. Luca Saputo ne s’en cache pas, il souhaite une plus grande synergie entre les deux entités.

«Je vois beaucoup de potentiel dans ce partenariat. Je vais vous donner un exemple. Notre académie. Comment former nos jeunes ? A 13, 14, 15, 16 ans, quels outils utiliser pour développer un certain type de joueur ? » Pour lui, Bologne peut apprendre des expériences de Montréal, et vice versa. Il y a aussi des gains à réaliser en termes de recrutement. « En réunissant nos deux équipes, nous disposons d’une équipe de 15 recruteurs sur le terrain. Nous avons également trois dépisteurs à Bologne et un ici à Montréal qui font de la vidéo. C’est super important de centraliser le recrutement. » Pour illustrer son propos, il met en avant les récentes acquisitions de Tom Pearce et Dawid Bugaj, qui ont été repérés pour la première fois par les éclaireurs de Bologne.

Simone a d’abord rejoint l’équipe des partenariats d’affaires. C’est une partie qui l’intéresse. « C’est très important pour la croissance du club, insiste-t-il. Après, on devine qu’il souhaite aussi se lancer dans le sport, comme son frère aîné. « J’aime les deux côtés de la même manière, mais j’aime certainement beaucoup l’aspect sportif, car il affecte directement le produit que nous mettons sur le terrain. »

L’été dernier, il a hérité d’un nouveau mandat sportif : conseiller le président Gabriel Gervais pour restructurer l’académie. « J’essaie de voir comment nous pouvons optimiser ce que nous faisons avec nos jeunes équipes. Pas seulement sur le terrain. Financièrement aussi, pour qu’il continue d’être l’un des piliers de notre organisation pour les années à venir. »

Ce travail a conduit à l’abandon du club scolaire des moins de 23 ans.

« Avant, nous avions des équipes U23, U17 et U15. Désormais, ce sont les U18, U16 et U15, et nous prêtons des joueurs plus âgés à d’autres clubs. Cela correspond mieux aux besoins de notre première équipe. Malheureusement, chez les U23, il n’y avait pas beaucoup de joueurs qui évoluaient dans notre équipe première. » Le club a également accru sa couverture sur son territoire. « On recrute davantage dans les régions du Québec. On est plus présent pour voir les espoirs à un plus jeune âge. »

* * *

Luca et Simone Saputo sont lucides. Même s’ils ont gravi les échelons, ils savent très bien qu’ils profitent d’opportunités qu’ils n’auraient probablement pas eu si leur père Joey n’était pas l’homme le plus important de l’histoire du club.

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PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Simone et Luca Saputo

Les trois sont très proches. Ils participent également ensemble aux réunions des gouverneurs de la MLS, rencontres que les deux jeunes hommes apprécient particulièrement.

«Notre père est un très bon modèle», déclare Luca. Il nous laisse apprendre. Il nous laisse faire nos erreurs, mais il est là pour nous conseiller. Quand on y pense, il avait à peu près mon âge lorsqu’il a fondé le club. Personne ne lui a montré comment faire. Je me sens donc très privilégié de pouvoir compter sur lui. »

Simone deuxième. « Trente ans d’expérience au sein d’une équipe sportive, c’est précieux. »

Durant ces trois décennies, le club a connu des hauts, mais aussi des bas. L’organisation a connu son lot de crises, souvent issues de bisbilles entre Joey Saputo et ses collaborateurs. Aujourd’hui encore, la famille Saputo est la cible de plaintes de ses partisans, qui lui reprochent de ne pas investir suffisamment dans la main-d’œuvre. Cette saison, le CFM avait la plus petite masse salariale de la MLS. Je fais remarquer à Luca et Simone que plus ils s’élèveront au sein de l’organisation, plus ils seront également l’objet de critiques. Comment envisagent-ils cela ?

« Depuis que nous sommes jeunes, nous l’avons vécu. Nous sommes habitués à ça », répond Simone. « Lorsque j’ai choisi de faire carrière dans ce secteur, poursuit Luca, je ne l’ai pas fait pour me faire connaître. Jusqu’à présent, j’ai toujours essayé de faire profil bas. » Il s’agit en fait de sa première interview. « Je comprends que ça vient avec les affaires, mais tout ce qu’on essaie de faire, c’est pour le bien du club et du sport au Québec. »

Ils répéteront cette dernière phrase plusieurs fois au cours de l’entretien. Par exemple, lorsque je leur demande de présenter leur vision du club à long terme, en supposant qu’ils sont destinés à de plus grandes responsabilités.

“Nous voulons être compétitifs et gagner des matches”, déclare Luca. Mais ce qui nous motive aussi, c’est le fait qu’un jeune d’ici puisse rêver de jouer professionnellement à un haut niveau. Quand j’avais 10 ans, l’académie n’existait pas. Les opportunités n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui. »

C’est super important d’avoir des joueurs avec qui nos fans peuvent se connecter, comme Samuel Piette et Nathan Saliba.

Luca Saputo

« Notre philosophie, poursuit Simone, c’est d’acheter des jeunes joueurs et d’essayer de les revendre. Mais nous voulons aussi ajouter des joueurs locaux, des Québécois, pour leur donner la chance de faire partie de la première équipe et d’être remarqués par l’équipe nationale. Nous voulons être les piliers de la croissance du football ici. »

Un discours totalement à contre-courant de la rumeur persistante de déménagement du club, qui alimente les conversations entre supporters depuis plusieurs années. Luca rejette catégoriquement cette hypothèse. « Honnêtement, non. Nous avons un plan pour développer le sport ici. Nous sommes attachés à Montréal. Nous voulons être à Montréal. »

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PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Simone et Luca Saputo

À ce sujet, lorsqu’il est question de son petit frère Jesse, qui évolue avec l’équipe U18 de Bologne, Luca confie : « Son rêve, en tant que Montréalais et Québécois ayant grandi au sein de l’académie, c’est de représenter le club ici, de jouer en Montréal devant sa famille. » Son autre frère, Joey, joue pour l’équipe de l’Université Quinnipiac aux États-Unis.

Et quelles sont leurs ambitions personnelles au sein du club ?

« Je n’ai pas de titre particulier en tête. Je veux juste aider le club », déclare Luca. Simone insiste sur l’importance de bien connaître les deux aspects, sportif et administratif.

D’accord, mais messieurs, il y a un poste vacant dans l’organigramme. Une belle, en plus. Celui de directeur sportif. Luca a vu Olivier Renard accéder à ce poste. Il côtoie de près Marco Di Vaio et Giovanni Sartori. Il a abordé le recrutement et la négociation des contrats. Gabriel Gervais l’a impliqué dans son quintette décisionnel du dernier mercato, avec Daniel Pozzi, Raffaele Frassetti et Corey Wray. Il me semble cocher plusieurs cases, d’où ma dernière question avant de fermer l’enregistreur.

Allez-vous soumettre votre candidature ?

Les deux frères se regardent et rient.

Luca : « Cette question s’adresse à Gabriel. »

 
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