Top 14 – « Ça ne m’intéresse pas qu’on parle de moi », entretien exclusif avec Jean-Noël Spitzer (Vannes) – .

Top 14 – « Ça ne m’intéresse pas qu’on parle de moi », entretien exclusif avec Jean-Noël Spitzer (Vannes) – .
Top 14 – « Ça ne m’intéresse pas qu’on parle de moi », entretien exclusif avec Jean-Noël Spitzer (Vannes) – .

Au lendemain du sacre de son équipe, après un long voyage aller-retour en bus depuis Toulouse et avant de rejoindre les remparts de la ville de Vénètes pour partager le bouclier avec les Bretons, l’entraîneur vannais Jean-Noël Spitzer a accordé au Midi Olympique une interview à son image. Très simple : s’asseoir sur un banc situé le long du quai qui longe le port et sous un joli soleil printanier. Chemise hawaïenne bleue sur short du club, l’homme des trois montées de la Fédérale 2 au Top 14 revient sur son parcours et envisage la saison prochaine. Avec modestie et authenticité. Sans filtre.

Quelle a été votre première pensée samedi soir au coup de sifflet final ?

(Il réfléchit longuement) Merde… Bonne question. En fait, je ne m’en souviens pas (il rit). Je crois que j’ai ressenti une forme de soulagement, d’apaisement. Pour y arriver, c’est beaucoup de travail, beaucoup d’efforts, de sacrifices… Du soulagement, oui, c’est ça !

Auriez-vous pu arrêter si vous aviez échoué ?

Non ! Clairement non. Si on avait échoué en demi-finale, la question se serait posée. J’aurais dû passer par une période d’introspection et de réflexion avec l’ensemble du staff. Perdre une quatrième demi-finale consécutive m’aurait fait mal. J’aurais certainement eu une mauvaise expérience. Perdre en finale n’aurait pas été amusant, nous sommes tous des compétiteurs, nous avions évidemment envie d’aller au bout, d’aller chercher ce titre et ce bouclier. Nous l’avons fait, les joueurs l’ont fait. La question ne se pose donc pas.

Le manager de Nevers Xavier Péméja disait de vous récemment dans ces colonnes que vous aviez bâti une équipe à votre image : froide et efficace. Partagez-vous ce sentiment ?

J’ai lu les déclarations de Xavier, un manager pour qui j’ai un immense respect, que j’apprécie beaucoup. D’ailleurs tous les retours que je peux avoir sur lui, que ce soit de la part des joueurs ou des personnes ayant travaillé dans son staff, sont extrêmement positifs. C’est une bonne personne. Mais je ne bâtis pas une équipe à mon image. Je suis en adaptation. Je fais avec les joueurs que j’ai à ma disposition. Parfois, j’ai la chance d’avoir un peu plus de talent dans mon effectif que je n’aurais pu en avoir cette saison. Je vais vous donner un exemple : notre montée en Pro D2, nous devons beaucoup à Anthony Bouthier. A l’époque, on comptait sur son talent offensif et sa capacité à contre-attaquer. Cette saison, très vite, j’ai eu le sentiment qu’on n’avait pas ce talent-là. Nous avons essayé d’être plus pragmatiques, de jouer davantage dans certains domaines que dans d’autres. Et je travaille ainsi depuis vingt ans. J’essaie de dégager la quintessence d’un groupe à partir de ses caractéristiques.

Mais pouvez-vous quand même confirmer que ce côté froid et pragmatique vous ressemble ?

Peut-être, mais c’est comme ça qu’on a gagné la finale. A la mi-temps, j’ai recentré les joueurs qui commençaient à sortir de notre plan de jeu. Certains voulaient jouer au ballon dans des zones qui ne rapportaient pas de points. Surtout pas ! Dans l’effectif cette saison, nous n’avions pas un facteur X, un joueur capable de traverser le terrain. Ceux qui auraient pu nous donner cette option ont souvent été blessés. On a donc joué les matchs cruciaux avec des joueurs évoluant plutôt dans un registre défensif. Des joueurs intelligents mais pas capables de porter le ballon sur quarante mètres. Cela ne sert donc à rien d’essayer de le faire.

On vous parle de vous, vous répondez en parlant de la finale. Pour quoi ?

Pourquoi parler de moi ?

Parce que votre parcours est encore atypique. Etes-vous conscient de cela?

Oui, évidemment, j’en suis conscient. Mais je n’ai pas envie que les gens parlent de moi. J’ai accepté cette interview mais c’est la dernière depuis longtemps. Ensuite, j’éteins mon téléphone portable.

Xavier Péméja disait encore que vous étiez plus un entraîneur de Vannes qu’un entraîneur professionnel de rugby. Partagez-vous ce constat ?

Xavier commence à bien me connaître…

Mais reste ?

C’est ma ville. Je suis bien là. Et si demain je dois retourner entraîner les enfants, je prendrai toujours autant de plaisir.

La méthode « Spitzer » pourrait-elle encore s’exporter un jour ?

Si la question est de savoir si j’ai envie d’entraîner un club plus que Vannes, la réponse est non. C’est là que je peux donner le meilleur de moi-même. Mais je ne peux pas dire ce que l’avenir nous réserve. Je ne ferme pas la porte à un autre projet. Mais il faudra que ce soit un projet qui me touche sur le plan émotionnel. Je ne pourrai pas entraîner un club où il n’y a pas d’âme, où rien ne se passe. Je ne veux pas de quelque chose de « offshore ».

Comment ça ?

Pour être clair, je vois des clubs où il n’y a pas d’identité. Et je n’aime pas ça.

Avec cette montée en Top 14, le RC Vannes est-il au sommet de ce qu’il peut faire ou pensez-vous que le club dispose encore d’une capacité de développement supplémentaire pour éventuellement s’imposer durablement dans l’élite du rugby français ?

Personnellement, je ne revivrerai plus jamais ce que nous venons de vivre. Je pense que j’ai atteint mon plafond de verre. Il n’y aura plus rien. Après, le club devra changer beaucoup de choses s’il veut avoir un avenir en Top 14. On verra ce qui se passera la saison prochaine mais pour vivre durablement le haut niveau, le fonctionnement actuel ne suffira pas.

Ce est-à-dire ?

Notre stade est magnifique mais il est trop petit pour notre modèle économique très axé sur les revenus liés à cet outil.

Le maire n’a-t-il pas annoncé vouloir tripler la capacité de la tribune nord, ce qui permettrait à La Rabine d’accueillir un peu plus de 14 000 spectateurs ?

Oui, bien sûr, mais cela ne se fera pas dans deux mois, avant la reprise du Top 14. Et puis, pendant les travaux, il y aura moins de monde au stade, moins de rentrées financières. En clair, si le club décide de rester à La Rabine, nous serons obligés de changer de modèle économique.

Est-ce que cela implique l’arrivée d’un mécène ?

Cela nécessite une contribution financière autre que celle du stade… C’est une évidence.

Vos dirigeants préparent une augmentation de capital et veulent fédérer l’économie bretonne. Vous n’y croyez pas ?

C’est un beau projet mais il a ses limites.

Craignez-vous la saison prochaine en Top 14 ?

Nous allons être secoués comme jamais auparavant. Mais nous n’avons pas grand-chose à perdre. Je pense que le club a des bases solides. Si demain on descend en Pro D2, ce sera une étape supplémentaire dans notre construction. La Rochelle est passée par là. J’espère que mes dirigeants pourront s’appuyer sur cette saison prochaine pour développer davantage le club.

Et le recrutement ?

Nous travaillons sur plusieurs dossiers. Idéalement, il faudrait deux piliers, un à gauche, un à droite au niveau Top 14. Une troisième rangée aussi. Et le véritable défi sera de trouver des apports offensifs avec au moins trois joueurs sur la ligne d’attaque : centre, ailier et arrière.

Quand vous repensez à votre parcours, que vous dites-vous ?

Je me dis que je n’aurais jamais dû vous dire il y a quelques années qu’en Fédérale 1 on travaillait la mêlée à la lumière des phares de mon « Kangoo », faute d’espace dédié avec des projecteurs (rires).

Pour quoi ?

Car aujourd’hui encore, dans certains stades, j’ai des supporters adverses qui me questionnent sur ma voiture. Ça m’apprendra à faire des conneries (rires).

Mais ce n’était pas le cas ?

Non, non, on a bien travaillé de cette façon mais c’est anecdotique.

Et alors, comment va le « Kangoo » ?

Je l’ai d’abord remplacé par un autre « Kangoo ». Ensuite j’ai eu de vieux 4X4 et aujourd’hui un pick-up. Mais, à travers cette histoire, j’ai vraiment envie de dire que je n’ai absolument pas honte de mon parcours dans le rugby amateur. J’adorais ces périodes. J’y ai pris le même plaisir qu’aujourd’hui. J’aime le coaching et le management. Le niveau ne m’importe pas vraiment au final.

Justement, qu’espériez-vous en 2005 lorsque vous avez commencé à entraîner l’équipe première de la Fédérale 2 ?

Rien du tout. D’abord, le patron de l’époque était Goulven (Le Garrec, aujourd’hui son adjoint en charge des compétences). À ce moment-là, j’ai arrêté de jouer et j’ai accepté d’être entraîneur parce que Goulven me l’a demandé et c’est mon ami. Le rugby de l’époque n’avait rien à voir avec celui d’aujourd’hui. Et je n’avais aucun projet de carrière. Je le dis souvent, je me suis formé en Fédérale 1, avec tout l’investissement que ça implique, pour mille dollars par mois tout en ayant un boulot à côté. Juste parce que j’aime ça.

 
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