Partager la publication « Les Françaises championnes du Monde… il y a 60 ans !
En 1908, Pierre Lafitte, éditeur adhérent du Golf de Paris, crée le Championnat de France-Coupe Femina dans l’espoir qu’un jour, les Françaises puissent rivaliser avec les Américaines et les Britanniques : ce rêve fou se réaliserait dimanche octobre. 4 janvier 1964 sur le golf de Saint-Germain-en-Laye lors de la première édition de cet événement international en Stroke Play. De grands champions français avaient déjà remporté des tournois majeurs comme les Britanniques où ils affrontaient notamment les Américains. Ainsi Simone Thion de la Chaume, Manette Le Blan ou Lally de Saint-Sauveur. Mais pas comme l’équipe de France. A noter que ce rappel historique a été écrit le jour où Céline Boutier vient de connaître son premier succès de l’année en Chine. Un clin d’œil entre générations !
par Philippe PALLI et RdM
Sous la capitainerie de Lally de Saint Sauveur, Claudine Cros, Catherine Lacoste and Brigitte Varangot devient champion du monde par équipe le 4 octobre 1964. Incroyable !
Il faut savoir que la France ne compte que 14 500 licenciés, dont seulement 5 000 femmes. C’est dire l’exploit réalisé par ces dames au golf de Saint-Germain-en-Laye (78).
Cerise sur le gâteau ! Approuvé par son caddy Kiki Larretchévenue spécialement de Chantaco, Catherine Lacoste a réalisé le meilleur score total du tournoi avec l’Américaine Carole Sorenson. Le classement individuel n’est pas officiel, les deux joueurs terminent à égalité.
Au lendemain du championnat, Lally de St Sauveur reçut de Tokyo le télégramme suivant du secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports : Maurice Herzog : « Vous félicitons chaleureusement pour la remarquable organisation du premier Championnat du Monde de Golf Féminin, ainsi que pour les résultats obtenus qui nous ravissent grandement. »
Ce titre mondial offrira à l’équipe de France Amateur Dames le Prix du meilleur exploit de la semaine publié par le journal. L’équipe et récompensé par un jury de Champions : Louison Bobet, Georges Carpentier, Louis Chiron, Henri Cochet, Marcel Hansenne, André Lerond and Jean Vuarnet.
Les premiers Mousquetaires du golf français recevront également, pour l’année 1964, le Prix Virginie Hériot* décerné par l’Académie des Sports. ” Ce prix est décerné soit à l’auteur – ou aux auteurs – d’un exploit sportif accompli l’année précédente, soit en France, par un Français ou un étranger, soit à l’étranger par un ou plusieurs Français, soit à un athlète dont l’éducation sportive ou physique carrière présente un exemple digne d’encouragement, ou à un groupe sportif dont l’éducation physique et le travail sportif présentent un exemple digne d’encouragement et de récompense. »
Pour l’année 1967, l’Académie des Sports décernera une seconde fois le Virginie Hériot Prize à Catherine Lacoste. Mais c’est une autre histoire.
La sélection des joueurs
Le choix de ces trois joueurs n’était pourtant pas évident. Brigitte Varangot et Claudine Cros ont été automatiquement prises mais pour la 3ème joueuse, il y a eu des hésitations.
Odile Sémelaigne-Garailde ou Catherine Lacoste ? La belle-fille de Raymond Garaialde ou son élève ? La régularité du jeu ou le potentiel ? Le choix n’a pas été facile pour Lally de Saint-Sauveur. Mais la décision était sage. Un match décisif.
Odile Semelaigne-Garaialde, 31 ans, compte déjà à son actif plusieurs titres nationaux et internationaux. Championne d’Europe par équipe Dames, elle représente l’expérience, la régularité, la sagesse et elle est déjà réputée pour l’excellence de son jeu court.
Catherine Lacoste, 19 ans, magnifique bouton floral en train de s’épanouir, a un énorme potentiel. Durant les vacances de Pâques, elle participe et remporte l’International des Jeunes Filles de France, puis elle peut concourir au Coupe Carven dont le format de jeu était identique à celui du Championnat du Monde (72 trous). Elle s’y est classée deuxième. L’épreuve a été remportée par Brigitte Varangot. Mais elle est encore étudiante et elle ne peut pas participer à tous les événements. Ces deux excellents résultats obtenus par Catherine n’ont pas laissé Lally de Saint-Sauveur indifférent. Déclenchant une réflexion, ils ont abouti à la décision d’organiser un match décisif pour le choix du 3ème joueur. Ce match était organisé début septembre et Catherine Lacoste avait tout l’été pour s’entraîner. Ce qu’elle a fait sérieusement pour gagner sa place en Championnat du Monde et permettre à la France de s’imposer.
En 1973, le prix Virginie Hériot est remplacé par le prix Guy Wildenstein, lui-même remplacé en 2009 par le Prix Marie-Christine Ubald-Bocquet, Champion national et international de golf.
Croyez toujours que vous pouvez gagner
GOLF PLANÈTE : Quel souvenir immédiat gardez-vous de cette victoire obtenue avec l’équipe de France contre les USA alors que vous n’aviez que 19 ans ?
Catherine LACOSTE : J’étais jeune, c’est vrai, mais j’avais déjà eu la chance de remporter quelques compétitions, notamment des tournois juniors mais aussi de disputer la Carven Cup où j’ai terminé deuxième pour ma première participation. Et surtout de se qualifier au dernier moment aux dépens d’Odile Semelaigne-Garaialde.
Mais c’est vrai que remporter ce premier championnat du monde face aux Américaines aux côtés de championnes aussi prestigieuses que Lally de Saint-Sauveur, Claudine Cros et Brigitte Varangot, a été un moment inoubliable qui a véritablement lancé ma carrière. Je devais gagner l’US Open trois ans plus tard.
Mon souvenir précis de cette rencontre concerne les trois derniers trous de la dernière journée. J’ai mal joué le 16, un par 3 qui est le 7 actuel : je suis parti à gauche du green et ça m’a pas mal déprimé. Heureusement, j’avais avec moi comme caddie Kiki Larretche venue de Chantaco pour l’occasion, ainsi que Jean Garaialde et Jean-Claude Harismendy ainsi que mes parents et amis. Heureusement, la pression a changé de camp et mon adversaire américain a complètement raté son trou 18 en faisant un bogey ce qui nous a offert la victoire !
GP : Parlez-nous de vos partenaires plus âgés et déjà connus sportivement ?
CL : Lally était la grande dame du golf. Ma mère, Simone Thion de la Chaume, connaissait bien sa mère. A côté d’elle se trouvaient Claudine et Bibiche qui avaient 5 ans de plus que moi. Lally est à l’origine de la création de ce championnat du monde avec la fédération américaine. C’est la raison pour laquelle le golf de Saint-Germain a été choisi pour cette première édition. Lally était un capitaine assez strict qui nous dirigeait comme une équipe devrait être dirigée. J’ai eu la chance de remporter le classement individuel à égalité avec une Américaine : cette coupe qui porte mon nom gravé en or, je l’ai offerte à ma fille Véronique qui, actuellement, est capitaine de l’équipe de France Dames.
Nous avions une équipe fantastique et nous aurions dû gagner à d’autres reprises. Mais la vie personnelle et sportive en a décidé autrement.
GP : Quelles leçons tirez-vous de cette victoire ? Pour qu’un jour, l’équipe de France soit encore plus compétitive demain…
CL : Je crois que lorsqu’on participe à une compétition, il faut y croire, il faut se battre jusqu’au bout. Croyez toujours que vous pouvez gagner ! Aujourd’hui, j’ai l’impression que les jeunes jouent, essayent de faire de leur mieux… Mais ils ne croient pas pouvoir gagner. Ne jouez jamais pour participer !
Lorsque j’ai remporté l’US Open trois ans plus tard, personne ne pensait que je pourrais le gagner. Sauf mon père et moi !!
Photos: Catherine Lacoste Collection, Golf Planète, DR
Sur la photo de couverture, de gauche à droite, Brigitte Varangot, Catherine Lacoste, Lally de Saint-Sauveur, Claudine Cros.