comment Pékin avance ses pions avec des « incursions » militaires

comment Pékin avance ses pions avec des « incursions » militaires
comment Pékin avance ses pions avec des « incursions » militaires

La tension monte à Taiwan. Plus d’une centaine d’avions de combat chinois et sept navires de guerre ont été détectés à proximité de l’île au cours des dernières 48 heures, augmentant ainsi la pression sur les autorités taïwanaises. Ces derniers ont dénoncé avec vigueur, lundi 18 septembre, des « actions provocatrices » qui conduisent à « une augmentation des tensions et une détérioration de la sécurité régionale ».

Bien que Taiwan n’ait jamais officiellement déclaré son indépendance, elle jouit de facto d’une autonomie militaire, politique et diplomatique. Une situation de plus en plus intolérable pour Pékin, qui considère l’île comme une province rebelle destinée à être rattachée au pays – y compris par la force. L’augmentation du nombre annuel d’incursions d’avions militaires chinois reflète ce durcissement : 380 en 2020, 960 en 2021, 1 727 en 2022.

La récente démonstration de force de la Chine a impliqué le franchissement massif de lignes fictives connues sous le nom de zone d’identification de défense aérienne (Adiz) et de « ligne médiane ». Concepts clés de la souveraineté taïwanaise, aujourd’hui au cœur du conflit larvé entre Pékin et Taipei.

  • Quelles sont les différences entre l’ADIZ, la ligne médiane, et l’espace aérien national ?

L’espace aérien national est la zone qui s’étend jusqu’à 12 milles marins, soit environ 22 kilomètres, autour du littoral d’un pays. Les États ont la pleine souveraineté sur leur espace aérien respectif.

La zone d’identification de défense aérienne (Adiz) s’étend au-delà de cet espace aérien souverain. Il fonctionne comme une zone tampon où les autorités d’un pays peuvent identifier le passage d’avions potentiellement hostiles, afin de se donner le temps de réagir à une éventuelle intrusion. Adiz, à Taiwan, comprend une vaste zone autour de l’île principale, s’étendant sur tout le détroit et même sur une partie du littoral chinois.

La « ligne médiane » fait référence à la ligne imaginaire équidistante des côtes de la Chine et de l’île de Taiwan. Il forme une sorte de frontière officieuse entre les deux adversaires séparés par le détroit de Formose, large de 130 à 180 kilomètres.

« Seul l’espace aérien national est reconnu comme concept de droit international », rappelle le professeur Alessio Patalano, spécialiste de la stratégie maritime en Asie de l’Est au King’s College de Londres. “La création d’une Adiz est un choix politique qui est normalement reconnu par les Etats pour créer un espace entre deux pays, justement pour se protéger et gérer la désescalade.”

Les récentes incursions d’avions chinois permettent donc à Pékin d’accroître la pression sur les autorités taïwanaises sans violer formellement le droit international.

  • Quelle est la ligne rouge à ne pas franchir pour les avions chinois ?

Les Taïwanais n’ont pas ouvertement tracé de « ligne rouge », déclarant par exemple qu’ils abattraient automatiquement tout avion chinois franchissant un certain seuil. Une position ambiguë qui permet à Taipei de conserver une certaine liberté de manœuvre pour la riposte. « Mettre une ligne rouge peut inviter l’adversaire à la tester, donc ce n’est pas idéal de le faire », souligne Alessio Patalano.

Alors que les avions chinois traversent désormais régulièrement l’Adiz et la ligne médiane, la prochaine étape pour Pékin serait logiquement de tester des incursions dans l’espace aérien national taïwanais, soit à moins de 12 milles marins (22 kilomètres) des côtes de l’île.

“On peut alors imaginer que les Taïwanais réagiraient alors comme ils le font actuellement, en activant la défense anti-aérienne, et en envoyant leurs chasseurs intercepter l’avion chinois et l’escorter hors de leur espace aérien”, explique Alessio Patalano.

La réaction des États-Unis et de la communauté internationale serait cruciale à cet égard.

« Jusqu’à présent, les incursions n’ont pas violé le droit international, il reste donc une marge de manœuvre. Alors que si les avions chinois pénètrent dans un rayon de 12 milles marins, cela nécessite un raisonnement politique beaucoup plus compliqué », ajoute l’expert. L’absence de réaction de la communauté internationale confirmerait l’idée selon laquelle Taipei n’a plus de souveraineté sur ses eaux territoriales.

  • Quels impacts ont ces incursions répétées ?

Sur le plan politique, c’est une manière pour Pékin d’affirmer sa souveraineté et de rendre inopérante la notion même de ligne médiane, et donc de frontière avec Taiwan.

« Franchir l’Adiz ou la ligne médiane permet déjà à Pékin de créer un problème pour les Taïwanais, les États-Unis et le reste de la communauté internationale, qui veulent éviter de normaliser des comportements qui ne respectent plus la pratique établie depuis les années 1960 », décrypte Alessio. Patalano.

Sur le plan militaire, ces incursions répétées permettent d’user la défense aérienne taïwanaise sans tirer un coup de feu. Faire décoller beaucoup plus fréquemment des chasseurs F-16 pour procéder à des interceptions représente un coût opérationnel important pour Taipei. Outre le budget directement impacté par les heures de vol supplémentaires, l’aviation taïwanaise doit faire face à une sollicitation excessive des stocks de pièces détachées ainsi que des équipages.

Enfin, la fréquence de ces incursions augmente le risque de collision entre avions chinois et taïwanais, ce qui pourrait précipiter une crise incontrôlable.

  • Ces incursions pourraient-elles servir de couverture à une attaque militaire contre Taïwan ?

Réaliser des manœuvres d’entraînement est un grand classique de la stratégie militaire – comme on pouvait encore le constater avant l’invasion de l’Ukraine en février 2022.

Mais les forces chinoises déployées lors des récentes incursions sont très insuffisantes pour envisager une attaque frontale sur Taïwan. Selon les experts militaires, l’invasion de Taïwan nécessiterait des concentrations de forces nettement plus élevées pour traverser le détroit de Formose.

« Dans le contexte maritime, il faut surtout voir le caractère cumulatif. Jusqu’à présent, on n’avait jamais vu plus de 40 avions franchir la ligne médiane. La prochaine fois, ce sera peut-être 50 avions… Si cela continue d’augmenter, il sera plus difficile de déterminer la nature de ces déploiements : simple intimidation ou prélude à une véritable attaque », estime Alessio Patalano.

Pas de quoi créer une surprise stratégique, mais de quoi gagner quelques heures précieuses en cas de conflit ouvert.

 
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