Ses sanglots résonnent dans cette chambre d’appel du palais de justice. “Je n’aurais pas dû, ça ne s’est pas passé comme prévu», soupire Claude (nom d’emprunt) d’une voix tremblante. Si vous le regardez bien, vous vous dites qu’il en faut beaucoup pour le faire fondre en larmes. Avec sa chemise en velours bordeaux, son col de barbe grise et ses épaules légèrement tombantes, l’homme a une stature solide. Les deux policiers qui l’entourent renforcent cette impression. Il est difficile de l’imaginer tomber pour des bagatelles.
Les faits remontent à quelques années. Ce jour-là, Claude, chauffeur routier, roule sur une route de la périphérie bruxelloise. La voiture qui roule devant lui l’agace. L’homme mordille d’abord mais à un moment donné, il n’en peut plus et décide de la doubler. Claude est plutôt optimiste : il freine fort et descend de son véhicule d’un pas déterminé. Quelques secondes plus tard, le voilà en train d’extraire de force le conducteur de l’autre véhicule. S’ensuit alors une bagarre qui tourne à l’avantage de l’assaillant. Claude tire l’autre homme au sol, le projette contre une voiture garée et lui donne un coup de pied au sol.
Lorsque la femme de l’autre conducteur tente d’intervenir, il la repousse d’un revers de bras. Les coups continuent pendant quelques dizaines de secondes. Claude part et laisse derrière lui sa frustration d’avoir dû contenir son comportement, un homme à terre et sa femme paniquée.
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Un poing, puis plus rien
Interrogé par la police, Claude va dans un premier temps nier les faits. Il dira qu’il n’était pas présent sur les lieux à ce moment-là parce qu’il était chez lui. Un ami confirmera cette version. Mais le témoignage de la femme de la victime et celui d’un voisin témoin de la scène le bouleversent. Quant à la victime impliquée dans l’échange de coups, sa mémoire lui fait défaut. “Je me souviens d’avoir reçu un coup de poing, et puis plus rien», avait-il déclaré à la police à l’époque. Claude finira par reconnaître son implication. Il justifiera son mensonge par la peur d’être repris, lui qui était à l’époque en probation.
En premier lieu, les témoignages de l’homme agressé, de sa femme et du témoin vont tous dans le même sens. Claude a violemment tabassé le conducteur de l’autre véhicule sans qu’il y ait vraiment de bagarre. Une bastonnade, donc, plutôt qu’une bagarre. A l’époque, il écope d’une peine de prison et doit plusieurs milliers d’euros d’amende pour le volet civil. Le voisin avait tenté de faire valoir les dégâts qu’aurait causés la chute de l’homme sur sa voiture. Le tribunal de Vilvorde a refusé, arguant que les dégâts subis par sa voiture n’avaient rien à voir avec l’altercation.
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Une nouvelle version en images
Claude a décidé de faire appel car, entre-temps, il a mis la main sur une vidéo de l’altercation. D’où vient-elle ? Impossible d’entendre depuis les travées de la salle d’audience. Le bruit des roues d’un chariot en mouvement couvrait les échanges inaudibles à ce moment-là. Quoi qu’il en soit, la vidéo existe.
Le problème, c’est qu’elle ne filme pas toute l’altercation. Les images ne montrent que ce qu’il faut appeler la deuxième partie du combat. Et c’est précisément sur cela que porte le conseil de Claude. “On voit le chauffeur debout sur ces deux pieds, allant même à la rencontre de mon client», décrit-il à l’assemblée. Trop bien en vue pour les coups de feu décrits dans la version des parties civiles. Et surtout, on y voit le chauffeur y jouer des poings et même aller, à un certain moment, attraper Claude par le cou. Si on ne voit pas toute l’altercation, on en voit suffisamment pour remettre en cause la version qui avait convaincu le juge de première instance. “Mon client ne conteste pas les coups, mais c’est plutôt une bagarre entre deux hommes», argumente-t-il, et non d’une raclée.
Il conteste également l’attitude du juge de première instance. Il aurait suivi aveuglément la version des parties civiles. Pourtant, la fameuse vidéo de 39 secondes semble montrer une réalité plus complexe que l’histoire qui en avait été faite.
L’avocate générale s’offusque de cette ligne de défense, qu’elle résume en une minimisation de l’incident. Il appartiendra au juge de confirmer ou non la première condamnation. Jugement attendu le 21 avril.
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