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Pourquoi Geoffroy-Guichard est-il renommé le Chaudron ?

A l’occasion du cinquantième anniversaire de la victoire de l’ASSE contre Hajduk Split (5-1), le site Peuple-Vert vous racontera l’histoire de la première « remontada » de l’histoire du football français qui a lancé l’épopée des Verts en années 1970. Savourez cet exploit majuscule qui vous est présenté en deux épisodes, de la déroute de Split au dénouement extraordinaire de Geoffroy-Guichard.

Et Geoffroy-Guichard est devenu le Chaudron

Tout commence à Geoffroy-Guichard le 6 novembre 1974 à 20h30. La pression des hommes de Bereta est intense dès le coup d’envoi et désoriente les Yougoslaves qui ne s’attendaient pas à un tel départ. Pour l’instant, ils n’ont pas cédé malgré les tentatives dangereuses de Revelli, Piazza et Bereta, toutes avortées par Meskovic, le gardien de Split, en état de grâce.

Pendant une demi-heure, Split multiplie les actes d’anti-jeu en refusant obstinément le combat, preuve s’il en est qu’ils sont complètement dépassés. Surjak est observé comme du lait sur le feu par Janvion qui a pris toute la mesure de son adversaire direct. Herbin a eu raison de le titulariser même si Alain Mercadier avait vécu un enfer à l’aller.

35ème minute : Un coup franc, à trente-cinq mètres du but adverse, tiré du gauche est prolongé par les deux têtes de Bereta et Hervé Revelli vers Larqué qui exécute une magnifique volée, trompant finalement l’immense gardien yougoslave. Le stade a littéralement explosé, ivre de bonheur même si finalement, seule une petite partie du retard a été rattrapée. L’ambiance à l’intérieur des tribunes a atteint un niveau jamais vu en .

A la mi-temps, l’entraîneur se demande si ses joueurs seront capables d’élever encore le niveau de leur jeu après la débauche d’énergie des quarante-cinq premières minutes, car il est conscient que ce ne serait pas nécessaire. bien plus pour faire tomber une équipe qui semble à l’agonie.

Geoffroy-Guichard refroidi par split

Cependant, à la 60ème minute, c’est Split qui égalisait grâce à Jovanovic qui reprenait en plein essor un centre de la droite que Piazza, gêné par son adversaire direct, ne parvenait pas à intercepter. L’ASSE doit donc marquer trois buts en une demi-heure pour espérer gagner la prolongation.

Autant dire que mission impossible. Pierre Garonnaire, qui commentait le match sur le magnétoscope dans les tribunes, a lancé son micro de rage. Au moment où il est revenu sur le banc de touche pour s’installer avec le staff technique, Bathenay a dirigé un corner moins d’une minute après l’égalisation. Une immense clameur s’est élevée pour saluer ce but qui a redonné un semblant d’espoir à tout un peuple et le rythme du match s’est accéléré.

70ème minute : Synaeghel reçoit un ballon dans l’axe à vingt-cinq mètres. Il s’engage résolument dans le mouvement en tenaille. Il a la réputation de s’effondrer au moindre souffle de vent, ce qui arrive forcément lorsqu’il est pris en sandwich aux abords de la surface de réparation.
Dehors, dedans ? Le doute persiste encore aujourd’hui. En tout cas, l’arbitre écossais prend ses responsabilités et siffle le penalty que Bereta transforme en force sous la barre. 3-1, encore un but et les Verts auront droit à la prolongation. Il reste dix-neuf minutes à jouer pour en arriver au terme.

Plusieurs journalistes ont ensuite insisté sur le fait que l’ASSE avait eu beaucoup de chance ce soir-là en reprenant l’avantage immédiatement après l’égalisation. Idem en obtenant un penalty contesté, mais les Stéphanois ont continué à le provoquer tout au long du match alors que les Yougoslaves refusaient systématiquement de jouer.

Et Herbin s’est mis au diapason de son équipe en faisant entrer Triantafilos, à dix minutes de la fin du temps réglementaire, à la place de Repellini fatigué. Il lui demande d’occuper l’axe de l’attaque pour profiter des brèches ouvertes par Hervé Revelli qu’il n’a lui-même pu exploiter faute d’effectif. Pour compenser le départ de leur défenseur, l’entraîneur doit cependant réorganiser sa défense et c’est Bathenay qui recule d’un cran et se retrouve au poste de latéral gauche.

82e minute : Split continue de interrompre le match. Alors qu’il bénéficie d’un coup franc dans ses trente mètres, le défenseur passe directement à son gardien. Ce dernier dégage rapidement un ballon qui franchit à peine la ligne médiane. C’est naturellement récupéré par les Stéphanois qui avancent. Après plusieurs relais, il atterrit aux pieds d’Hervé Revelli qui fait mine de le reprendre. Le ballon passe entre ses jambes et sa feinte trompe toute l’arrière-garde blanche sauf Triantafilos, démarqué, qui en profite pour s’enfoncer plein axe et tromper à bout portant, d’une frappe lourde, le malheureux Meskovic.

Tout Saint-Etienne a dû entendre le rugissement de plaisir qui s’est élevé dans les tribunes lorsque Triantafilos a inscrit ce quatrième but, remettant ainsi l’égalité parfaite sur les deux matches.

Qui aurait pu y croire en début de match et encore plus lorsque Hajduk égalisait ?
López estime que la qualification est dans sa poche et c’est désormais lui qui commence à gagner du temps. Très vite cependant, Curkovic le remet dans le droit chemin. Il faut marquer ce cinquième but.

Yves Triantafilos, le héros

L’ASSE a brillamment obtenu le droit de jouer une prolongation qui s’annonce palpitante. Malgré la fatigue et les crampes, les Stéphanois n’arrivent plus à baisser les bras. Piazza en est fermement convaincu et il pousse ses partenaires à aller de l’avant, lui qui était encore incertain il y a quelques jours.

Ce n’est pas l’avis d’Herbin qui leur demande au contraire d’être extrêmement vigilants. Ce serait stupide d’encaisser un but après tous les efforts fournis pour y arriver. Il y aura certainement des occasions à saisir à condition d’être patient, peut-être un coup franc, on ne sait jamais. D’ailleurs, à l’entraînement, ils travaillaient des combinaisons à deux ou trois joueurs dont ils pouvaient tirer profit.

Janvion est sorti au début de la prolongation, paralysé par des crampes. Il n’en peut plus, après avoir mené une bataille constante avec son agresseur que nous n’avons pas vu. Cela montre sa performance. Il est remplacé par Jacques Santini.

104e minute : Coup de pied de but pour les Yougoslaves. Le gardien n’a plus assez de force pour les tirer. C’est donc un défenseur qui s’y colle. Son tir dépasse à peine la surface de réparation et il est repris par l’aîné Revelli qui n’en demandait pas tant. L’attaquant se précipite vers le but, mais il est rattrapé par un adversaire qui commet une faute volontaire pour l’empêcher de frapper. Voilà un coup franc bien placé à vingt-deux mètres à peine de la cage.

A Saint-Etienne, trois joueurs peuvent le frapper : Larqué, Bereta, Triantafilos. Chacun à son tour se place autour du ballon et se présente comme candidat. Mais celui que l’on appelle « le grec », Triantafilos, a l’avantage d’être plus frais que les autres. C’est lui qu’il faut laisser tirer car Larqué et Bereta, affaiblis par les crampes, n’en peuvent plus. Le capitaine stéphanois l’a parfaitement compris et décale intelligemment le ballon sur sa droite pour Triantafilos. D’un coup sec, il perce un mur positionné à peine cinq mètres, et trompe Meskovic, impuissant qui n’a pas fait le moindre geste.

A ce stade du match, avec ce résultat (5-1), l’ASSE est qualifiée, mais il reste encore seize longues minutes à jouer. Sans fin. Chacun doit puiser au plus profond de lui-même pour rester debout. Bereta, par exemple, ne peut plus mettre un pied devant l’autre, à tel point qu’il terminera le match en marchant. Finalement, vers 23 heures, M. Patterson, l’arbitre écossais, renvoie tout le monde aux vestiaires, scellant ainsi une victoire extraordinaire qui restera dans l’histoire du football français.

Les témoins unanimes de Geoffroy-Guichard

Le journaliste Edouard Seidler a écrit à cette occasion « Une équipe de France de football est entrée le couteau entre les dents, avec la rage de gagner, avec un sentiment de révolte contre elle-même et contre la malchance. Elle a gagné mieux qu’un match : un pari, celui entrepris par son leader Robert Herbin, en s’appuyant sur toutes les structures morales et techniques d’un vrai club. On pourra toujours rappeler aux sceptiques et à tous ceux qui s’efforcent aujourd’hui de faire du football une activité plus intellectuelle que physique la date du 6 novembre 1974. »

Stefan Kovac, l’entraîneur français, a déclaré que « C’est la première fois que je vois une équipe de France jouer au football total tout au long d’un match… » Et il sait de quoi il parle, lui qui a inventé le football total avec l’Ajax Amsterdam.

Lors d’une conférence de presse, Robert Herbin a ensuite insisté sur le fait que « Grâce à cette victoire et cette qualification, Saint-Etienne doit désormais avoir gagné le respect de tout le football français ». En tout cas, cela prouve qu’impossible n’est pas Stéphanois.

Les journalistes yougoslaves ont été impressionnés par la fureur et la ferveur dégagées par les 26 000 spectateurs qui ont fait du bruit comme s’ils étaient 60 000. Ils surnomment alors le stade Geoffroy-Guichard, « le Chaudron ». Jean-Jacques Vierne, journaliste de L’Equipe, qui les a entendus, a repris ce surnom dans les colonnes du quotidien sportif. Le mythe est né et le surnom est resté pour la plus grande gloire du stade le plus emblématique de France.

L’équipe de l’AS Saint-Etienne face à Split : Curkovic – Janvion après Santini (92ᵉ), Piazza, Lopez, Repellini après Triantafilos (80ᵉ) – Bathenay, Larqué, Synaeghel – P. Revelli, H. Revelli, Bereta
Entraîneur : Robert Herbin

 
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