Gardien incontournable du Losc de Vahid Halilhodzic, passé de D2 à la Ligue des champions en un an, Grégory Wimbée est responsable des gardiens du centre de formation des Dogues. L’ancien coéquipier de Zinédine Zidane chez les Espoirs nous explique l’évolution du rôle de gardien et les forces et faiblesses de Gianluigi Donnarumma. Football.fr l’a interviewé en marge du lancement du Winamax Poker Tour à Lille (le grand tour de France du poker se poursuivra pendant trois mois, avec l’étape WiPT à Paris les 23 et 24 novembre).
Football.fr : Grégory, vous participez au lancement de la nouvelle saison du Winamax Poker Tour à Lille, quel passionné de poker êtes-vous ?
Grégory Wimbée: J’ai beaucoup moins de temps aujourd’hui avec mon travail au Losc. J’ai commencé à jouer au poker en ligne il y a longtemps, sur « .com ». (ndlr : avant l’ouverture du marché du jeu en ligne en France en 2010)J’ai eu de jolis résultats en ligne, des tables finales sur les Winamax Series. J’ai moins de temps et je sais aussi que je suis dépassé par le niveau de jeu, qui est assez exceptionnel. Tout évolue très vite aujourd’hui et les joueurs peuvent en apprendre beaucoup sur le jeu. Le niveau moyen est monté en flèche. Au final, ce sont ceux qui ne travaillent pas leur poker qui n’y parviennent pas. Dans la région, j’ai pu jouer en live à Namur (en Belgique)où se déroulent de grands tournois, ou encore à Saint-Amand. Et c’est un grand plaisir de participer au Winamax Poker Tour à Lille avec 1 500 joueurs. Il y a beaucoup de joueurs issus des associations lilloises, l’ambiance est bonne, l’organisation est toujours au top avec les équipes Winamax. Félicitations pour ce travail parmi les passionnés de poker.
Vous êtes responsable des gardiens au centre de formation du Losc, en quoi consiste votre travail au quotidien ?
Cela fait maintenant 10 ans que je suis au centre de formation du Losc, en tant que chef du service des gardiens. J’entraîne les gardiens centraux, notamment les U19 qui évoluent en Youth League cette saison (ndlr : les U19 du Losc ont aussi gagné contre le Real Madrid il y a un mois). Je suis toutes les étapes de leur formation. C’est un super métier, qui prend beaucoup de temps et j’ai la chance de pouvoir continuer ma passion pour le football et de suivre l’évolution de la formation des gardiens. C’est excitant car le staff travaille beaucoup sur les gardiens. Nous ne formons pas des gardiens comme nous le faisions il y a 30 ans, il faut être à jour, voir ce que font les meilleurs et développer ses programmes.
Des entraîneurs très différents se sont succédé au sein de l’équipe première (Marcelo Bielsa, Christophe Galtier, Jocelyn Gourvennec et Paulo Fonseca ces dernières années avant Bruno Genesio). Comment avez-vous collaboré avec eux ?
Nous avons été parfois consultés pour le profil de gardien à recruter pour l’équipe première, nous avons travaillé sur le profil de gardien à promouvoir auprès des jeunes. J’ai eu la chance d’interagir avec des entraîneurs très différents, des techniciens portugais et maintenant Nicolas Dehon, qui a une grande expérience (ndlr : il a été entraîneur des gardiens du PSG et de l’OM). C’est fascinant de voir comment travaillent les personnels étrangers, les cultures sont différentes, chacun apporte quelque chose à l’autre, il y a vraiment quelque chose à apprendre des différentes méthodes. C’est souvent malin, intelligent. C’est ainsi que nous améliorons notre programme au centre de formation.
Pourquoi les coups de pied sont-ils devenus si importants pour les gardiens d’aujourd’hui ?
C’est aussi le résultat d’un changement de règles. Quand, en 92, on n’avait plus le droit de prendre le ballon avec les mains sur une passe, on a changé les réflexes des gardiens, il a fallu prendre d’autres informations. Désormais, les gardiens peuvent repartir court à partir de 6 mètres (ndlr : avant, le ballon devait sortir de la surface du gardien sur 5,50 m), cela donne une autre force au gardien, il est le premier joueur qui peut fixer les attaquants adverses et peut permettre à son équipe de passer la première ligne de pression adverse. Il doit donc être bon techniquement, des deux pieds, et avoir la vision pour trouver des coéquipiers libres plus haut. En fait, il fallait jouer différemment et c’est une évidence. Attirez l’équipe adverse et trouvez de l’espace en défense, faites déjà la différence dans votre camp et disposez de plus d’espace dans le camp adverse. C’est l’une des meilleures évolutions des règles du football.
“La reprise est un échiquier sur lequel on pose des pions”
Cette courte relance systématique imposée par certains entraîneurs fait pourtant jaser de nombreux observateurs…
Quand on prend des risques, il peut toujours y avoir des échecs. Et une erreur du gardien se traduit par un but. Mais c’est l’évolution du football. On entend d’anciens gardiens critiquer cette façon de jouer, mais le gardien est désormais obligé de participer à la relance de son équipe. Il faut essayer de comprendre la nouvelle dynamique du jeu. Une fois que tu dis ça, c’est excitant.
Vous avez 53 ans, c’est justement votre génération qui n’arrive pas à comprendre ce nouvel aspect du jeu…
Je ne veux pas imposer une vision du jeu, j’essaie d’expliquer ce qu’on fait et pourquoi on le fait. Le football d’aujourd’hui est une question de réflexion constante. Le staff remarque la manière de pressing de l’équipe adverse et il faut savoir contrecarrer ce pressing en repartant avec le gardien. Beaucoup de détails sont pensés. Il ne s’agit pas seulement de coups de pied arrêtés défensifs et offensifs. La relance est un échiquier sur lequel on place des pions. Le mouvement de ses joueurs fera bouger les joueurs adverses. C’est super stratégique. Quand je vois des dégagements de ballon exceptionnels impliquant le gardien, ça me fait aimer. Parfois, l’équipe est contrée et subit une action dangereuse. Mais que faire ? Dégager le ballon, le perdre et subir une attaque adverse ? Ou créer une situation de but en votre faveur avec trois ou quatre passes dans les 6 mètres du gardien, une phase que vous pouvez contrôler ?
Le gardien du Losc Lucas Chevalier, 22 ans, est un modèle de gardien moderne (Grégory Wimbée n’a pas le droit de parler spécifiquement du Losc). Et Gianluigi Donnarumma, le gardien du PSG ?
Contrairement à ce que disent certains, nous avons affaire à l’un des meilleurs gardiens du monde. Il est de la tête et des épaules au-dessus de la plupart des grands gardiens en termes de réflexes sur sa ligne. Il fait toujours de beaux matches en Ligue des champions et tout le monde lui tombe dessus à la moindre erreur. Après, il y a toujours des compétences à améliorer et cela peut prendre du temps. Je pense qu’il a des progrès à faire sur les ballons aériens, mais je ne sais pas par où commencer. Sa position peut s’améliorer, notamment dans les virages qui viennent de sa droite. Mais c’est difficile de s’immiscer dans le travail des entraîneurs des gardiens qui font un travail exceptionnel. Au pied, quand il a le temps, il est bon dans le jeu long et moyen. C’est plus compliqué lorsqu’il doit tourner rapidement, par rapport à la mobilité de sa hanche. Il peut manquer de mobilité. Il est grand et faire une poussée supplémentaire pourrait lui coûter du temps. Il a commencé très tôt et a fait beaucoup pour le club et l’équipe nationale, il lui manque peut-être deux ou trois choses. Il n’est pas trop tard. Avec le temps, il saura capter le bon geste, le petit soutien. C’est comme quand on change de coup au tennis ou au golf.
Wimbée avec Zidane et Dugarry chez les Espoirs
Avant de vous révéler avec le Losc de Vahid Halilhodzic en D2 puis en D1 (3e en 2001, qualification pour la Ligue des Champions avec deux matches de poule contre Manchester United), vous étiez un espoir international. En février 1993, vous avez débuté deux matches avec Lilian Thuram, Zinédine Zidane, Reynald Pedros, Christophe Dugarry et Pascal Nouma.
Je faisais partie de la génération 71-72, avec Zidane et Dugarry, on a fait les Championnats d’Europe Cadets et Juniors. Il y avait aussi les Nantais Pedros et Ouédec, tous ces joueurs étaient vraiment très forts et on savait qu’ils allaient jouer avec les A un jour.
Quels souvenirs gardez-vous de « Zizou » ?
Zidane et Cadet (ndlr : équipe de France U17 aujourd’hui)il avait déjà une grande classe sur et en dehors du terrain. Une humilité sans nom. Il avait toujours un mot gentil et attentionné. Il donnait déjà l’exemple.
Formé à l’AS Nancy-Lorraine, vous avez débuté chez les pros en D2, ce qui vous a éloigné des A…
En 1998, je n’avais aucune chance de faire partie de l’équipe de France, je venais de découvrir la D1. Mais en 2002 (ndlr : pour la Coupe du monde en Corée du Sud et au Japon)Je n’étais pas très loin grâce à la prestation de Lille en Coupe d’Europe. J’ai été élu meilleur gardien du championnat par L’équipe ou
France Football (ndlr : notes certainement moyennes). On en a un peu parlé mais je ne m’attendais pas à un tel miracle, je n’ai pas joué assez d’années à très haut niveau comme les autres gardiens de l’équipe de France.