Pour Pierre Mignoni, l’entraîneur toulonnais, son club et celui de l’USAP ont de nombreux points communs. D’autant plus que Franck Azéma, avec qui il formait un duo prometteur au RCT, a rejoint Perpignan.
Pierre Mignoni, si on parle de Perpignan avec vous, quels souvenirs cela vous rappelle-t-il ?
De drôles de souvenirs ! De toute façon, que des bons. Comme la finale de 2009, jouée avec Clermont, même si on l’a perdue.
Perpignan et Toulon sont les défenseurs du rugby méditerranéen ?
Ce sont deux clubs qui se ressemblent. Deux clubs avec une identité très forte. Qui ont des valeurs et les défendent. Ils sont tous deux proches mais différents. Toulon et Perpignan sont avant tout des villes populaires. D’où le sentiment de défendre un territoire, une identité est très présent. Toulon, comme Perpignan, est isolée dans sa région. Nous à l’est du bassin méditerranéen, l’USAP au sud. Cela crée un sentiment d’identité très fort. Dans son histoire, Toulon a souvent été une ville attaquée. Mes grands-parents m’en parlaient quand j’étais enfant. Nous sommes un port militaire, à proximité de la mer Méditerranée, un emplacement stratégique qui en fait une cible privilégiée. Les Toulonnais défendent leur ville, leurs couleurs, se rebellent et ils sont prêts à se battre pour Toulon. Parfois, cela peut prêter à confusion. Avec le soleil…
Est-ce pour cela que le public du RCT, comme celui de l’USAP, ne peut soutenir un joueur ne défendant pas le maillot ?
Bien sûr. Si l’équipe n’est pas au meilleur de sa forme mais qu’elle est en difficulté, il est derrière elle. Mais s’il estime que les joueurs ne mouillent pas leur maillot, ils se plaignent et le font savoir. Le public toulonnais, comme les Catalans, a envie de voir son équipe gagner bien sûr, mais il a surtout envie de voir ses joueurs, et le staff avec eux, se transcender. Si on n’a pas cette notion de sacrifice, on ne peut pas réussir, ni à Toulon ni à Perpignan. Le public ne le comprend pas.
En déplacement à Mayol, pour l’USAP, à Aimé-Giral pour le RCT, il fait toujours chaud ?
Vous savez à quoi vous attendre. On connaît le contexte, on connaît les valeurs portées par les acteurs de l’USAP. Et nous, à Toulon, respectons ça ! Depuis le retour de Perpignan en Top 14, on n’a pas toujours montré son meilleur visage face à Aimé-Giral… A domicile, l’USAP ne laisse pas respirer.
A titre personnel, vous retrouverez Franck Azéma, avec qui vous avez co-entraîné Toulon durant la saison
2022-23 ?
Oui, à mon retour à Toulon, durant l’été 2022 (du LOU), nous nous sommes entraînés ensemble.
Quelles étaient vos relations ?
Très bien. Même si certains disaient que deux entraîneurs ne pouvaient pas cohabiter, cherchaient à nous diviser et à nous mettre des bâtons dans les roues, tout s’est bien passé. Nous avons eu beaucoup de plaisir à travailler ensemble et à discuter. Il fallait que chacun trouve sa place dans le staff, c’est normal. Mais j’ai beaucoup de respect pour Franck. Ce fut une très belle expérience.
Lorsqu’il a quitté Toulon, avant la fin de son contrat, pour rejoindre Perpignan, avez-vous été surpris ?
J’étais déjà le premier à qui il en parlait. C’était un peu dur, oui, car on commençait à trouver notre rythme de croisière. On avait le projet de Toulon en tête, on savait où on voulait aller. Après, il m’a expliqué ce qui l’avait motivé à partir… Et je l’ai bien compris. C’était son choix. Le privé reste privé, et c’est tout ! Il a bien rebondi. Nous nous appelons souvent au téléphone.
« Contre Franck en finale, ça serait drôle, non ?
Cela ne veut pas dire que vous vous offrirez des cadeaux samedi ?
Il est à la maison. Et moi à la maison ! Mais avouez que Toulon-USAP ferait une belle finale, non ? Retrouver Franck en finale, les uns contre les autres, ce serait drôle et génial (il rit). Imaginez, le Stade de France aux couleurs rouge et noir, rouge et jaune. Un stade en feu, bouillant ! Avec un entraîneur de Toulon au RCT et un Catalan à l’USAP !
Dans ce rugby moderne, l’identité est parfois bafouée, les valeurs viriles d’autres fois mises à mal, vous comprenez ?
J’ai vécu toutes les étapes de l’évolution du rugby : amateur, semi-pro, professionnel. Le rugby a beaucoup changé. Mais il ne faut pas qu’il soit aseptisé. Je suis fier quand je vois les joueurs de Toulon chanter « pilou-pilou » dans les vestiaires après un match compétitif. Nous devons vivre des moments spéciaux comme ceux-là. Après, il faut faire attention à ce qu’on dit, respecter les règles du jeu, du rugby, mais sans renier nos valeurs. J’ai joué à Clermont (entre 2003 et 2009), le club auvergnat ne peut pas ressembler à Toulon. Et vice versa. Les temps ont changé, mais l’identité demeure. Et il faut le préserver. Qu’est-ce qu’un joueur à Toulon, un joueur à Perpignan ? Cela commence avec les jeunes. Je me bats chaque jour pour inculquer la philosophie du jeu toulonnais aux enfants. Qu’ils comprennent que l’entité RCT est plus forte que celle de Pierre Mignoni ! Chaque club a son histoire, sa culture, mais ils ont tous en commun la même notion du combat. Notre sport, sans combat, est dénaturé.
Justement, dans la lutte qui l’attend samedi, Toulon semble avoir pris un peu d’avance ?
Nous progressons dans certains domaines, comme les exigences et la cohérence. On avait le même quand Franck était avec moi. On s’est creusé la tête, mais on a vu des choses qui ne nous plaisaient pas, dans les attitudes et les comportements. Pour constituer une équipe, il faut 2-3 ans : trouver les bons joueurs, stabiliser l’effectif, en tenant compte du JIFF, du plafond salarial, des rotations. Et faites en sorte que l’image de votre club colle à l’équipe. Un drôle de défi.
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