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«Les Magnifiques», Yves Harté se souvient d’André et Guy Boniface

C’est un livre qui en dit bien plus que son titre ne le suggère. « Les Magnifiques – Ils s’appelaient André et Guy Boniface » est émouvant en ce sens qu’il ressuscite toute une époque. Celle des années 1960, où une de province, confiante en l’avenir et insouciante, se prend de passion pour deux rugbymen landais.

« André et Guy. Guy et André. Le 12 et le 13. Les plus beaux frères et sœurs trois-quarts centraux de l’histoire du rugby. Parce que c’était eux, et parce que c’était lui, Yves Harté raconte avec une sensibilité particulière le parcours de ces deux rugbymen du Stade Montois dont les talents, reconnus dans tous les domaines, se connectaient « chaque semaine avec la préfecture des Landes au système nerveux des monde », comme le disait Antoine Blondin.

Lui-même d’origine landaise, le journaliste à la retraite, ancien rédacteur en chef et directeur de la rédaction du journal « Sud Ouest », rappelle ce que l’enfant qu’il était doit aux passes de ces deux internationaux de rugby qui ont bercé ses jeunes années : « On ne peut pas imaginez l’amour qu’ils ont inspiré. Les filles les trouvaient belles et les garçons irrésistibles. Si, heureusement, un aîné avait un enfant plus jeune de deux ans son cadet, le premier jeu consistait à jouer à « Boni ». »

Histoire noble et tragique

Dans cet ouvrage illustré de nombreuses photos, la plume teintée de nostalgie d’Yves Harté évite tout détail de cette histoire noble et tragique. On sait qu’il s’est fracassé contre un chêne au bord de la route de Saint-Sever dans la nuit du 31 décembre 1967. Guy Boniface est mort. André a essayé de continuer à vivre. Grâce au rugby, à ses amis et à la présence permanente de l’âme de son cadet, il a tenu plus d’un demi-siècle avant de le retrouver, le 8 avril 2024, « le cœur trop lourd ».

Les bonnes feuilles

Voici quelques extraits du livre « Les Magnifiques ».

«On a tout pardonné à Guy». C’est l’enfance à Montfort-en-Chalosse. Guy s’impose comme l’enfant le plus turbulent du village : « Il était méchant », se souvient André. Un jour, on nous a donné un jeu de croquet. La première fois qu’on a joué sur la place, j’ai battu Guy. Normal, avec trois ans de différence. Mais Guy était fou de rage. Il m’a assommé d’un coup de maillet à la tête. Quand il m’a vu allongé par terre, il a dû penser qu’il avait fait une bêtise. Il a tout laissé là, a couru cueillir des fleurs dans le champ voisin et est rapidement revenu à la maison : « Regarde, maman, j’ai cueilli des fleurs pour toi. » “C’est sympa”, lui dit Madelon. Mais où est André? ” ”Je ne sais pas,” répondit franchement Guy. Ce n’est que lorsque Madelon m’a vu arriver, toujours inconscient, le front ensanglanté, porté dans les bras du boucher qui m’avait trouvé inconscient, qu’elle a compris. Mais Guy était toujours pardonné pour tout. Moi d’abord. »


Les frères comme enfants de chœur.

Collection famille Boniface.

Jean Dauger, le maître du jeu d’acteur. André Boniface vient d’obtenir sa licence auprès du Syndicat Sportif Dacquoise. Il est encore junior. » Quelques mois plus tard, Dax organise un match de gala contre les Gallois de Glamorgan County et demande du renfort à la star bayonnaise. Jean Dauger accepte. Avant le match, il prend à part André Boniface. « Vous allez jouer au deuxième centre. Laisse-moi faire, prends les balles que je te donnerai et mets-toi à courir…” Pour André, c’est un jour de consécration. Il pourra enfin jouer avec son idole. Jean Dauger, à 33 ans, est au sommet de son art […] Dauger corrige, passe à André Boniface qui marque trois essais. Pour le public, il est l’homme du match. ”J’avais honte, confiera-t-il plus tard. Je savais ce que je devais à la personne qui m’avait passé le ballon. Il ne me restait plus qu’à terminer le travail. À partir de ce jour, je n’ai eu qu’une obsession : jouer comme lui et marquer celui qui jouait à mes côtés.


Jean Dauger.

Collection famille Boniface

Colombes, ce joli nom. Tournoi des cinq nations 1965, contre le Pays de Galles, Guy et André sont associés pour la première fois en équipe de France : « Ce 27 mars, le printemps est précoce. L’herbe de Colombes est douce, le sol souple. C’est un soleil d’été, où la pluie est si souvent tombée sur eux. La veille du match, l’entraîneur Jean Prat a convoqué dans sa chambre Michel Crauste, son ami de toujours, aujourd’hui capitaine du XV de France, Jean Gachassin, les poids lourds du Lourdais, Guy et André. «Nous allons célébrer le retour d’André, a-t-il déclaré. Demain, nous ouvrons les portes à l’attaque.” Message reçu. […] En trente-cinq minutes, sous la houlette d’André, les Gallois, invaincus jusque-là dans le tournoi et venus chercher un Grand Chelem à Paris, ont été anéantis. Quatre essais, dont deux de Guy après une passe au pied d’André et une percée de celui-ci, un essai d’André Herrero sur une passe de Guy après une attaque qui dévore tout le terrain […] Mais comme la nuit est belle ! »


André et Guy en équipe de France, à Colombes.

Collection famille Boniface

L’arbre au sommet d’une colline. 31 décembre 1967, réveillon du Nouvel An. Il pleut sur la route de Saint-Sever. La voiture où se trouve Guy s’enroule autour d’un chêne : « Ainsi commence la longue nuit en tenue de soirée et costume cravate, le départ avec Anny vers la clinique Saint-Sever, celui du docteur Fournier où il est venu soigner le père. . André entre dans l’église à la recherche d’une aide impossible. Finalement à l’aube, nous lui laissons voir Guy. «Je n’ai vu que son visage, se souvient-il. Et il m’a vu aussi. Ses lèvres bougèrent. J’ai lu : où étais-tu ? Rester. C’était la première fois que je ne pouvais plus rien faire pour lui.» En fin de nuit, André décide de retourner à Montfort, pour retrouver ses parents et ses enfants. ”Je traversais la place du village. Soudain, je me suis senti vide, sans force, comme figé, avec le sentiment qu’une partie de moi s’en allait. J’ai compris que Guy ne serait plus jamais à mes côtés. »


Aux funérailles de Guy Boniface.

Collection famille Boniface.

« Les magnifiques – Ils s’appelaient André et Guy Boniface », par Yves Harté, éd. Sud Ouest, 144 p., 25 €.

 
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